Récit de la garde à vue du 05/06 à Lyon dans le cadre d’une enquête sur le sabotage de l’usine Lafarge

Lundi 5 juin, à travers la France, une quinzaine de personnes sont perquisitionnées et interpellées, accusées d’avoir participé à l’« invasion-sabotage » de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air le 10 décembre 2022, dont les dommages sont estimés à hauteur de 6 millions d’euros. Nous rédigeons ce communiqué alors que, le mardi 20 juin, 18 personnes ont de nouveaux été arrêtées dans des conditions similaires. Article paru sur Rebellyon

Nous sommes des proches de la personne arrêtée à Lyon, et comme les proches des interpellées de Montreuil [1], nous allons faire ici le récit de l’interpellation de notre camarade.

Nous décidons d’intervenir aujourd’hui en publiant ce texte afin de mettre en lumière les méthodes employées par l’État et ses chiens pour mater tout ce qui semble lui faire opposition ; pour rendre publique le récit d’une expérience qui nous concerne toutes et tous.

1. Perquisition

Lundi 5 juin, 3 flics sonnent à la porte de l’appartement de notre camarade à 6h du matin, la porte leur est ouverte – se présentent deux gendarmes de Marseille et un troisième qui dit être lyonnais sans préciser le service auquel il est rattaché. Rétrospectivement, notre ami a émis un doute sur la provenance de ce dernier ; doute alimenté, plus tard, par des remarques faites à la volée qui révèlent une méconnaissance de la ville. Parmi les 2 personnes présentes dans l’appartement, l’une est recherchée, l’autre est soumise à un contrôle d’identité avant d’être autorisée à partir avec son ordinateur à condition de le déverrouiller afin de « prouver qu’il lui appartient ». Suspectant la méthode, elle refuse : on ne peut pas faire confiance à la police. Son ordinateur est finalement saisi avant qu’elle ne quitte l’appartement.

S’ensuivent 2h30 de fouille minutieuse de l’appartement. L’un des gendarmes s’occupe de l’administratif, l’autre fouille l’appartement et le "lyonnais" prend des photos :

  • Ils fouillent les canapés, les déhoussent, retournent les matelas, tirent chaque meuble jusqu’aux derniers tiroirs, inspectent toute la vaisselle, vident les paquets de pâtes et les bocaux fermés ;
  • tous les supports numériques de l’appartement sont saisis sans exception : ordinateurs, clés USB, téléphones, disques durs, même les emballages des cartes SIM ;
  • ils inspectent chaque livre, chaque carnet comme s’ils cherchaient des inscriptions ou des informations dissimulées. Saisissent les livres aux titres les plus « aguicheurs », comme Insurrection 1977, ou Investigation et téléphonie mobile : un guide à l’usage des avocats de Haurus, embarquent tous les livres présents en plusieurs exemplaires (ils demandent au camarade s’il en fait commerce).
  • Ils fouillent les papiers administratifs, regardent attentivement les tickets de caisse, semblent vouloir créer un lien avec la ville de Marseille. Par exemple, en tombant sur un contrôle technique provenant du garage **** ils s’exclament « Ah mais y’en a un avec le même nom à Marseille ». En revanche, ils n’ouvrent pas les lettres postales fermées.
  • Chaque vêtement est scrupuleusement inspecté. Le matériel de protection de chantier (masque, gants) est saisi ; ils prennent aussi des lunettes de piscine, des casques de moto, des gants de ski : en somme, tout ce qui pourrait permettre de constituer le profil (ici, disons le style) du « black bloc ».
  • Ils cherchent des tote bags et semblent très satisfaits lorsque qu’ils en trouvent un (« Ah ! Encore un tote bag ! »)

Tout ce qui n’est pas perquisitionné est pris en photo et une partie de la saisie sera rendue à la fin de la garde à vue, ils conserveront uniquement le matériel informatique chiffré, matériel dont notre ami a évidemment refusé de donner les codes. Les clés USB non-chiffrées sont passées en revue une par une puis, faute d’informations intéressantes à leurs yeux, elles lui seront rendues à l’issue de la garde à vue.

Pendant la perquisition, les gendarmes posent des questions auxquelles le camarade essaye de ne pas répondre (leur sont donnés des haussements d’épaules, des pets de bouche et des gestes d’incompréhension). Globalement, ils alternent entre questions anodines, questions en lien direct avec l’enquête, questions de profilage "on vient pour l’affaire de l’usine Lafarge, tu vois de quoi je parle ?" [première question posée à leur entrée], "Est-ce que tel ou tel objet est à toi ?", "Qu’est-ce que c’est ça ?" [en montrant les objets qu’ils prennent], "Tu vis avec qui, t’es en coloc ? Tu fais quoi comme métier, comment tu payes ton loyer ?"

Le camarade n’est pas menotté pendant la fouille. Les policiers agissent calmement,sans provocation, en suivant minutieusement la procédure. Enfin, ils ferment l’appartement à clé et embarquent notre ami en lui demandant "personne d’autre a la clé de l’appartement ?", question à laquelle il ne repond pas.

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