Suite à la victoire de l’équipe de France en demi-finales de la coupe du monde, une certaine ferveur s’est emparé des rues dans les différentes villes du « territoire français ». Dès le coup de sifflet de final, des centaines voire des milliers de personnes se sont réunis sur les places des centre villes. On pouvait entendre crier, chanter, rire, voir des inconnus s’embrasser et danser, des individus sauter sur les voitures passantes, sentir des fumigènes s’allumer. Quelque chose d’inhabituel flottait dans les airs. Une fièvre qui avait un avant-gout de ce à quoi pourrait ressembler un moment d’effervescence révolutionnaire, de rupture avec la normalité.
Or, dans ce monde de patrons, de flics et de politiciens, le foot (au même titre que l’alcool, la drogue, la religion, les jeux etc.) sert la pacification sociale. Parce qu’il nous fait sortir de la morosité du quotidien et de la misère (matérielle et affective) le temps d’un instant (sans pour autant que rien ne change dans nos vies), le football contribue à mieux nous faire accepter la merde quotidienne. De même que le rap, le foot (ou plus largement la musique, l’art et le sport) offre des possibilités individuelles de sortir de la galère. Mais combien de footballeurs et de rappeurs millionnaires pour combien de précaires, de chômeurs, de galériens ou de prisonniers ? Le capitalisme vend des rêves de jours meilleurs. Il nous apprend à sagement attendre un hypothétique jour de gloire. Mais tout cet espoir n’est qu’illusion. Nous ne sommes – une fois la France qualifié en finale du Mondial- toujours rien d’autre que le rôle qui nous a été assigné par le capital.
Et si les politiciens de tous bords ont salué la victoire de l’équipe de France, ce n’est pas un hasard. Car derrière les querelles politiciennes et les apparences de pluralités idéologiques, de Mélenchon à Le Pen, on soutient le capital et la nation. Que le capital soit géré par des libéraux ou par des keynésiens n’est pas la question. Que la nation se fasse l’étendard de la liberté ou de l’égalité non plus. Car le problème est précisément l’existence de nations, de capitalistes et de tout ce qu’ils comprennent d’exploitation, d’écrasement, de frontières, de guerres et de morts. Et alors que l’on nous chante, comme il y a 20 ans, la formidable existence d’une « équipe de France black blanc beur » vu comme symbole du modèle d’intégration républicain à la communauté nationale, on tait bien vite les conflits sociaux réels. Cette même équipe de France dont les joueurs étaient traités de « caïds immatures » par la ministre des sports Roselyne Bachelot en 2010. Car quand les « bleus » sont mauvais, médias et politiques les renvoient immédiatement à leur condition originelle : celle de prolétaire issu de l’immigration, de « racaille ».
Et alors que les drapeaux français sont brandis aux quatre coins des rues, il semble important de rappeler que la nation n’est rien d’autre qu’une idée (de merde), un mythe visant à créer un sentiment d’appartenance commun servant à justifier l’existence d’un État, autorité dont les intérêts seront toujours contraires à ceux des individus. Et alors que des bourgeois s’extasient aux côtés de pauvres de la victoire de la FRRAAANCCEEE, peut-être ferions-nous mieux de nous demander comment il est possible d’accepter un telle hypocrisie. Car ce sont les mêmes qui soutiennent les assassinats de l’État par l’intermédiaire de sa police qui font d’Umtiti un héros national. Mais comment cela pourrait-il en être autrement ? La police n’a jamais eu d’autre fonction que de maintenir l’ordre social en place, c’est-à-dire de protéger la propriété privée (socle sur lequel repose le capitalisme et donc la richesse de ces mêmes bourgeois nationalistes) et les institutions étatiques.
Dans un monde qui ne laisse pour seul alternative au travail que la prison, le spectacle que représente le foot et le folklore qui l’accompagne contribuent à nous faire miroiter des rêves d’argent, de voitures de luxe, de femmes objets. Car championne du monde ou pas, l’équipe de France sera toujours composée de millionnaires quand tu retourneras trimer pour un patron ou t’exploiter toi-même (start up nation oblige).
Alors s’il y a bien quelque chose à faire de cette éventuelle victoire (ou défaite d’ailleurs) de l’équipe de France en finale de la Coupe du Monde, c’est de profiter de notre présence massive dans les rues pour partager et propager un peu de la joie et de la rage que nous portons au travers de la destruction de tout ce qui nous opprime quotidiennement. Car pour que la joie perdure, que les possibles s’ouvrent, que la fête se prolonge, les institutions et les hommes qui font de nos vies un ennui mortel doivent être attaqués et réduits en cendres. Au lieu de brandir des drapeaux français, brulons-les avec fierté – non pas pour les remplacer par d’autres – mais pour que plus jamais nous n’ayons à nous conformer à des identités, à subir l’enfermement dans les cages et les catégories du pouvoir. Pour ne plus jamais suivre quelconque bannière vantant les mérites de la nation ou dont ne sait quelle connerie.
Pour vivre libre ici et maintenant.
Mort à l’État, mort au patriarcat.
Que brulent les prisons, que meurent les patrons.
Nik la France et toutes les nations.