Quand la justice, aveuglée par la vengeance, se prend les pieds dans le tapis !

Accusé-e d’outrage pour un commentaire posté sur les réseaux sociaux ? Si les propos ont été tenus sur une page ou un forum public, accessible à toustes : l’outrage ne peut pas être retenu... Le parquet de Paris, complètement à l’ouest, en a fait les frais !

Deux camarades et amies Gilets Jaunes, membres du collectif Les Mutilé.e.s pour l’Exemple, ont été relaxées lors d’un procès, le 3 novembre 2021, lors d’une procédure bancale et abusive qui a duré près d’un an et demi.

Les faits : elles étaient poursuivies pour des faits d’outrage suite à la plainte déposée en mai 2020 par une policière après des commentaires postés sur facebook. Lors d’une manifestation GJ, des flics procèdent à un contrôle d’identité. La scène banale est filmée et postée sur une page facebook visible pour tout le monde. Des commentaires déplaisent à la policière ; elle dépose plainte pour outrage ; des réquisitions seront envoyées quelques semaines plus tard aux États-Unis pour identifier les contrevenant-e-s, et seulement deux parviennent à être identifié-e-s par la multinationale du clic. Qui s’empresse de les moucharder à la police française.

Cette affaire est tellement minable et mal fichue que le procureur lui même, le 3 novembre, pour ne pas ridiculiser davantage le parquet, n’a pu que proposer une double relaxe. Le parquet de Paris a pourtant fait preuve d’un amateurisme à toute épreuve sans jamais lâcher l’affaire. Pour une raison simple : un propos proféré en public, devant témoins, s’il est suspecté d’être insultant est défini, dans leur droit, comme une « injure publique » et relève du droit de la presse et de la liberté d’expression, pas du code pénal. Dans un tel cas, il y a même une prescription de trois mois après les faits : le procès aurait donc dû avoir lieu avant fin juillet 2020... Rappelons qu’un outrage adressé à un flic, même sans témoin car il est assermenté, est passible de peines de prison et permet surtout aux flics d’arrondir leurs fins de mois en empochant des dédommagements.

Mais en l’espèce, jamais ce délit n’aurait dû être retenu pour nos deux camarades. Le parquet aurait été bien inspiré de classer sans suite car la relaxe fut prononcée. L’État vengeur a persisté dans son erreur pendant tout ce temps à vouloir user nos camarades. Les service du proc se sont entêtés et les a convoqué-e-s, à un jour d’intervalle, dans le même commissariat parisien en décembre 2020 (sept mois après les faits), en vue d’être placé-e-s en garde à vue. Finalement, une seule subira la gardav. Cette procédure est d’autant plus abusive qu’en droit de la presse, impossible de mettre les suspects sous contrainte : citation faite par courrier, impossible d’être placée en garde à vue, ni déferrée au tribunal en urgence, et la peine encourue ne peut pas être autre chose qu’une amende.

En sortant de garde à vue, on leur notifie une convocation au tribunal de Paris, cinq mois plus tard. Tout ça pour les faire mariner de longues semaines à stresser : autre forme d’humiliation. Le jour dit, en mai 2021 (un an après les faits), elles se pointent au tribunal et là, un délégué du procureur (sous-fifre de la justice de classe, souvent retraité de la flicaille ou de la magistrature) leur inflige une « ordonnance pénale » de 200€. Autre abus : cette procédure est un moyen sournois d’intimider et de faire accepter une condamnation sans procès public, et donc sans pouvoir accéder au dossier qui les accuse ! Conseillées par leur avocates de la legal team, elles ont fait opposition à ce diktat mais devaient encore subir une longue attente stressante avant leur procès.

Celui-ci s’est donc déroulé le 3 novembre, devant une chambre restreinte, un « juge unique » (sans les deux assesseurs que l’on voit d’ordinaire en correctionnelle). Un poste assuré par un juge d’instruction, qui doit de temps en temps présider des audiences pour rester au contact de la réalité judiciaire, loin de son bureau calfeutré.

Le plus ridicule dans cette affaire, c’est que les commentaires « outrageants » prêtées à nos camarades ne s’adressaient pas à la policière qui a porté plainte. Il était question de formules d’ordre général (« enfoirés », « intimidation et abus de pouvoir », « fuck the police », accompagné d’un smiley représentant un doigt d’honneur !). Ces propos ne s’adressant pas à la plaignante, pour qu’un outrage puisse exister c’était donc au ministère de l’intérieur de porter plainte au nom de l’institution policière. Faux sur toute la ligne !

On pourrait aussi supposer que la pauvre flic — qui n’a pas fait l’effort, elle, de se déplacer au tribunal — était en service commandé. Le proc a dû avoir des sueurs froides quand les avocates des accusées ont réclamé respectivement 1000€ et 1500€ de dédommagement. Leur requête fut rejetée. Le juge unique n’a même pas pris la peine de leur expliquer pourquoi les yeux dans les yeux.

Voilà pour cette bien triste histoire. Nos deux camarades ont vécu pendant plus d’un an — entre leur convocation au comico et leur procès — avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Elles ont pris des jours de congé pour se rendre aux convocations des flics et des juges. Et on les a traitées avec mépris.

Réjouissons-nous de la relaxe de nos deux camarades, remercions-les surtout d’avoir tenu tête et de nous avoir montré qu’il ne faut rien lâcher... pas un pouce de terrain, que ce soit aux flics ou aux juges !

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