pvconfinement.fr : pourquoi je ne m’adresserai jamais à cette plateforme

Jeudi 23 avril, deux avocat·e·s du barreau de Paris ont présenté à BFM, France Inter et probablement d’autres médias, une plateforme https://pvconfinement.fr/ pour contester « une contravention abusive ou infondée pour non-respect du confinement ».
Pourquoi je ne m’adresserai jamais à cette plateforme ?

L’info a été ensuite relayée par le Nouvel Obs, 20minutes, chasseursdinfo.fr… ainsi que par des journaux régionaux tels sudouest.fr, ladepeche.fr, lunion.fr, latribunerepublicaine.fr, midilibre.fr… ainsi que des sites spécialisés « pub hig-tech » du style phonandroid.com… Du côté de la mouvance GJ c’est La Ligne jaune qui a relayé… Et 3 ou 4 jours après, c’est policeetrealites.com qui rafraîchissait la nouvelle.

La convention d’honoraires fixe un montant forfaitaire de 60€ TTC pour : « d’une part, analyser l’avis de contravention de non-respect de confinement, et d’autre part, contester pour le compte du client cette contravention ». (…) « Il ne couvre ni les débours, ni les dépens, ni les frais, ni les diligences supplémentaires. » (…) « Il convient de préciser que cette mission s’arrête au stade de la contestation de l’avis de contravention et ne prend pas en compte la contestation d’une éventuelle ordonnance pénale ou de toute représentation du Client devant une juridiction. » (…) « Le paiement s’effectue en ligne au moment de la demande de contestation et il est encaissé que si la demande est validée par l’un des avocats. Si la demande est invalidée, le paiement ne sera pas encaissé. »

Les avocats à l’origine de la plateforme ajoutent ceci en page d’accueil : « Notre équipe est consciente de la crise sanitaire que le pays traverse mais reste soucieuse de la protection des droits et libertés de tous. Face aux inquiétudes suscitées par de trop nombreuses dérives arbitraires, nous constatons une violation régulière de nos libertés fondamentales. Contester, c’est se défendre ! » Et dans le speech à la presse, ils ajoutent qu’ils feront remonter « toute information liée à un contrôle qui aurait dégénéré ».

Pourquoi je ne m’adresserai jamais à cette plateforme ?

  • Car dans toute plateforme d’offre d’expertise, le rôle des parties est figé d’avance : l’offreur d’expertise est celui qui sera légitime pour, dans ce cas particulier, « rester soucieux de la protection des droits et libertés de tous », quant au client, captif et esseulé, enfermé dans une logique individuelle et passive, il ne pourra même pas envisager la possibilité de démultiplier ses forces dans une démarche collective de défense des droits. Assisté par des « sachants » virtuels, il sera de moins en moins concerné et à son insu, de plus en plus dépossédé de sa capacité d’agir. Elle est cohérente cette plateforme avec l’esprit de la réforme de l’institution judiciaire, dématérialisée « big brotherisée », dans une logique « expert-client », qui sera de plus en plus inaccessible aux personnes les plus démunies, justement celles qui ont le plus besoin de faire respecter leurs droits.
  • Il va sans dire que ce type de plateforme à ambition nationale a pour effet de se substituer et assécher toutes ces solidarités qui se tissent sur un territoire et qui fabriquent, dans la rencontre et le partage d’expériences, une expertise collective de défense juridique qui peut même devenir offensive et politique. Tout comme les plateformes antigaspi alimentaires pas du tout écolo-sociales du style « Too good to go » ces plateformes encouragent des comportements individualistes aux antipodes des initiatives qui créent des liens chaleureux et solidaires avec les commerçants du coin lors qu’elles récupèrent les invendus pour faire vivre les cantines autogérées où se fabrique tant bien que mal, ce monde que nous voulons, le nôtre, aux interactions horizontales, solidaires, créatives, réelles… et surtout vitales.
  • Et puisque le but de toute plateforme d’offre d’expertise est de capter le maximum de clients (pour donner envie, la plateforme fait défiler en temps réel chaque nouvelle demande), il faut bien une accroche qui attire la sympathie du plus grand nombre. Alors « Pvconfinement.fr s’engage à reverser 10% des bénéfices aux fonds d’urgence pour le soutien des équipes soignantes de l’AP-HP, en première ligne face à la crise du Covid-19. »
    La question est : qui décidera de l’affectation des fonds récoltés pour la fondation soutenir.fondationaphp.fr/ ? Car les directeurs-gestionnaires, responsables de ce qui se passe à l’AP-HP, Assistance publique-hôpitaux de Paris et IDF n’ont la confiance de personne. Tout le monde a compris qu’ils pratiquent un management destructeur. Sous la pression d’un budget qui sera irrémédiablement chaque année inférieur à des besoins qui eux, seront chaque année grandissants, les équipes soignantes transformées en ressources polyvalentes seront obligées de faire de plus en plus avec de moins en moins de matériel, de lits, de temps… Ainsi elles ne pourront dispenser que des soins de moindre qualité, parfois même à la limite de la maltraitance, ou alors quand elles les dispenseront dans les règles de l’art, ça sera au prix de leur propre santé. Ce management conduit tout aussi irrémédiablement à la déshumanisation et à la souffrance physique et mentale aussi bien des équipes soignantes que des patients.

Non, je ne m’adresserai donc pas à pvconfinement.fr et je ne contribuerai pas à la réversion des bénéfices aux gestionnaires de l’AP-HP.

Si tu veux contester une amende pour non-respect de confinement à l’aide d’échanges et dans le cadre d’une relation humaine, bien réelle, tu pourras rencontrer la coordination contre la répression et les violences policières qui se réunira en respectant la distanciation physique ;-) comme d’hab, chaque mardi, à partir de 18h30 dès que tout le monde sera déconfiné même si pour le moment c’est toujours le bordel et pas du tout clair « qui, où, quand et comment » se fera ce déconfinement.

En attendant si c’est urgent tu peux contacter la Legal Team par mail : stoprepression@riseup.net. mais tu peux dès maintenant consulter le Guide d’autodéfense juridique en temps de confinement et tu trouveras « Contester une amende pour non-respect du confinement » (pages 6 à 9) et « Délit de violation répétée du confinement » (page 18) du PDF : et tu pourras probablement faire la démarche en toute autonomie, car tout y est, et en cas de doutes tu peux consulter :

Et pour te donner la pêche tu peux aussi lire « Le délit de violation de confinement contesté par une avocate de Rouen, son client libéré ». Car grâce à la bataille juridique livrée par des collectifs d’avocats, plusieurs personnes ne seront pas jugées en comparution immédiate, la guerre juridique est déclarée quant à la constitutionnalité du délit de violation répétée de confinement.

Du coup, les 60€ (voire plus) que tu vas économiser pourront soutenir les luttes actuelles et à venir des collectifs du personnel soignant. Ils commencent déjà à s’organiser pour demander des comptes à partir de septembre, quand ils seront plus soulagés, car moins « au front ». Tu peux d’ores et déjà signer l’appel du collectif qui vient de se créer « Bas les masques ! » www.baslesmasques.co (ne pas confondre avec la pétition du même nom qui viennent de lancer les couturières-costumières qui ont fabriqué massivement des masques pour pallier la défaillance de l’État).

Ou alors tu peux faire un don :

  • A la caisse de solidarité : kutt.it/stoprep de la Coordination contre la répression et les violences policières
  • Ou aux Brigades de solidarité populaire qui récupèrent de la nourriture et distribuent des repas et des masques aux personnes qui sont à la rue, aux travailleurs et travailleuses précaires et au personnel soignant.

Et comme l’attestation, ces criminels demeurés, vont sûrement nous la resservir à d’autres sauces, parce qu’elle a bien une fonction d’asservissement, d’humiliation, d’infantilisation, voici un lien sur une vidéo sympa de l’artiste belge Maxime Matthys recouvert d’attestations lors d’une ballade dérogatoire à Rennes. Contrôlé par les flics, ils lui ont confisqué et détruit le costume.

Et si tu veux relativiser et prendre un peu de légèreté par rapport à cette épidémie qui nous plombe, tu peux lire Alain Damasio qui est « en colère contre la façon dont notre gouvernement gère cette crise d’une façon pathétiquement verticale, centralisée et ultrasécuritaire, en faisant assumer à la population son incompétence crasse. Sur les trois axes clés de la lutte, à savoir les tests, les masques et les lits, la macronerie a totalement échoué, rendant obligatoire ce confinement qu’on subit. »

Enfin, nous commençons toutes et tous à comprendre qu’avec cette police et ce qu’elle nous fait, le RN est déjà en train de gouverner avec Macron.

Et ça s’est passé hier 1er mai et nous avons la rage.

Mots-clefs : auto-défense

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