Caliméro parmi les CRS : le CV de l’éborgneur
Au cours de la première journée d’audience, la juge procède au tirage au sort des jurés. Le seul juré au nom arabe est immédiatement récusé par l’avocat de l’éborgneur, Laurent-Franck Liénard. Puis la juge expose les faits, avant de donner la parole à l’accusé.
Debout à la barre, se tenant les mains dans le dos, le grand dadais au physique de contrôleur de gestion cache mal sa rigidité émotionnelle. Il est le portrait craché de Felonius Gru, le personnage du demi-méchant dans « Moi, moche et méchant ». Froissant son nez pour remettre en place ses lunettes, il jette régulièrement des regards sans lueur vers les bancs de la partie civile. Tentant maladroitement d’exprimer de la compassion, l’éborgneur formule des excuses hâtives et peu convaincantes, probablement motivées par la seule volonté d’attendrir la cour, dans la continuité de la lettre qu’il avait stratégiquement adressé à Laurent en octobre 2018.
Une assistante sociale et deux psychologues se succéderont d’ailleurs à la barre pour renforcer le trait, en présentant l’éborgneur comme un tendre humaniste, volant au secours de son prochain, ayant même sauvé une collègue du suicide et recueilli chez lui un enfant handicapé. On sait avec qui roulent les experts judiciaires. Avec ce cynisme qui lui est propre, l’avocat Liénard commentera même :
Dans la salle derrière l’éborgneur, toute la partie droite de l’auditoire est constituée de ses proches, ainsi que de ses collègues, alignés comme autant de cubes de béton, avec mines patibulaires et mâchoires serrées. L’un d’eux, celui qui ressemble le plus à un taureau gonflé aux protéines, porte un gros tatouage Viking sur le cou. Autant dire que cette moitié du public respire davantage la testostérone et l’esprit de corps que la sensibilité et l’empathie, qui caractérise plutôt le reste de l’auditoire venu en soutien à Laurent. Parmi les flics, on identifie rapidement Linda Kebbab et Grégory Joron, délégués syndicaux de Unité SGP, ce même syndicat qui s’est choisi comme délégué syndical l’assassin d’Amine Bentounsi suite à sa condamnation, mais aussi Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d’Alliance. L’acteur Samuel Le Bihan passe aussi s’asseoir parmi les policiers : à force de trop jouer des flics au cinéma, on peut se demander s’il n’aurait pas raté une vocation…
En 1995, qui est aussi l’année où la grenade à main « de désencerclement » DMP/95 est inventée, l’éborgneur Mathieu passe une première fois le concours de police, cherchant « un peu plus d’action dans sa vie » tout en souhaitant « contribuer au vivre ensemble ». « J’aime le contact avec les gens”, dit-il, et « dans la police, on est des acteurs sociaux » (sic). Il obtient la note médiocre de 4,25/20 à l’oral, ce qui lui vaut d’être recalé au concours, qu’il obtient néanmoins l’année suivante. Sa vivacité intellectuelle ayant semble-t-il été reconnue, il servira ensuite 19 ans dans la BAC, unité à la réputation peu reluisante dont il ne prononcera jamais le sigle, préfèrant parler de « brigade nuit » et de « police secours ».
Le 1er septembre 2016, il rejoint les rangs de la CRS 07 de Deuil-la-Barre. La motivation de cette mutation : un meilleur salaire. Mathieu participe d’abord à des missions de sécurisation de foires, avant de faire une journée de mise en condition à Calais, terrain bien connu de la chasse républicaine aux migrant-e-s. Là, de ses propres mots, il apprend tout juste à chausser ses jambières et sa cuirasse avant d’être propulsé chef de groupe, et alors même qu’il n’a eu aucune formation au maintien de l’ordre. L’un de ses collègues, qui passera à la barre comme témoin au deuxième jour du procès, dira que cette journée à Calais « s’est bien passée », alors même que Mathieu prétend que leur unité y aurait été attaquée par des migrants pendant sa pause déjeuner. La police harcelée par les migrants, on aura tout entendu…