Occupation de la Comédie-Française [vidéo]

Documentaire en ligne de 30 minutes sur l’occupation de la Comédie-Française, le 26, 27 et 28 avril 2016. Paris / Salle Richelieu / 1er arrondissement.

En soutien aux occupants du Théâtre de l’Odéon et parce que la police a abusé de son pouvoir pour empêcher à tout prix la tenue d’une Assemblée Générale PUBLIQUE au sein du théâtre, des intermittent-e-s, précaires, étudiant-e-s, salarié-e-s, nuit deboutistes, zadistes, chômeur-se-s, postier-e-s, ont investi la salle Richelieu. (Des révolutionnaires et des anarchistes y étaient aussi…)

Qu’est-ce qu’une occupation ? Repensons à une nouvelle d’anticipation : Dans The Dream of Debs (1909), Jack London entre dans la peau d’un bourgeois confronté à l’effectivité d’une grève générale. Un bourgeois se réveille et soudain, plus de cuisinier, plus de chauffeur, plus de femme de ménage, la suite ? Les vivres viennent à manquer.

Si le blocage de l’économie est bien le résultat d’un arrêt collectif du travail ou le résultat d’une action menée contre elle, la culture reste partie prenante d’un rapport de force liée à la normalisation des subjectivités ainsi qu’à la propagande des dominants économiques.

Si couper la bourgeoise de sa nourriture « intellectuelle » peut apparaitre dans ses faits et gestes moins « radical » qu’un blocage d’autoroute ou un centre d’approvisionnement : ces actions restent nécessaires car hautement déstabilisantes pour celui qui, dans la matrice, a perdu tout rapport de cohérence à l’ensemble, ainsi qu’aux réalités concrètes des travailleurs et des intermittents qui fabriquent (ou pas) ces mêmes shows.

En participant aux luttes, en tant que réalisateur/ réalisatrice (et plus si affinités) ; et non en qualité de « journaliste », de « photoreporteur » ou de « photographe indépendant », -ce qui inclut de fait que DOC du réel ne vende aucune image aux tabloïds de la presse et médias dominants- : on a suivi, l’occupation de la Comédie-Française.

Nous avons découvert un public « indigné », devant les portes de l’institution culturelle, désespéré de se voir empêcher d’assister au « spectacle » qui promettait une « grosse tête d’affiche », une « star sur les planches » : un « gros challenge » pour l’artiste en question. Pour 41 euros (les meilleures places) ou 13 euros (en quasi punition, au dernier étage), ils auraient dû VOIR et ÉCOUTER en « Lucrèce Borgia », Guillaume Gallienne, mis en scène par Denis Podalydès, incarnant comme à son habitude (ce qui marche pour lui, en ce moment : césar, reconnaissance mondiale), le rôle d’une femme, qui plus est « incestueuse et perverse » : tout le monde venait voir « ça ». Pour qui a lu « La légende de Victor Hugo » de Paul Larfargue, nous ne dirons rien des positions girouettes de son auteur, à la botte de tous les pouvoirs dominants. Nous ne critiquerons pas non plus Shakespeare et ces mises en scène décontextualisantes, aliénantes par rapport au réel qui donnent à ces mêmes pièces une saveur fade, un apolitisme de détournement.

Pourtant, une jeune femme, danseuse acrobatique, sacrifie le show de « prestige », la culture de l’élitisme et des plus cultivé.e.s. Elle, comprend immédiatement la situation, monte sur scène tenir la banderole, supporter les compagnons. Il y a des lucioles, il y a des vivant(e)s.

La ferveur d’un public venu se régaler a rendu nulle toute capacité d’adaptation, une capacité d’adaptation pourtant vitale pour la condition humaine, et ce, depuis la nuit des temps.

Ci-joint un récit filmique donc, de l’occupation de la Comédie-Française et de ce qu’il s’y est joué, finalement.


Communiqué du 27 avril 2016

Nous, intermittent-e-s, précaires, étudiant-e-s, salarié-e-s, nuit deboutistes, zadistes,chômeur-se-s, postier-e-s avons investi la salle Richelieu de la Comédie Française et fait annuler la représentation d’hier soir.

Cette initiative dénonce les violences policières qui ont eu lieu devant le théâtre de l’Odéon lundi soir et mardi. Il est inacceptable qu’un lieu public et culturel soit assiégé par les forces de l’ordre : nous exigeons l’ouverture de ce théâtre.

Nous nous inscrivons dans la vague coordonnée d’occupations de théâtres en cours : les Théâtres Nationaux de l’Odéon et de Strasbourg, les Centres Dramatiques Nationaux de Bordeaux, Caen, Lille et Montpellier.

Ces occupations ont pour but de dénoncer la négociation en cours de l’assurance chômage du régime des intermittent-e-s. D’une part, le cadrage organisé par le Medef et la Cfdt est inacceptable : nous refusons le chantage du patronat qui voudrait, d’ici 2020, sous prétexte « d’économies », réduire de 25% les allocations des intermittent-e-s qui s’amenuisent déjà d’années en années.

D’autre part, nous exigeons un système d’indemnisation qui serait enfin solidaire, adapté à la discontinuité de l’emploi et pérenne : la Coordination des Intermittent-e-s et Précaires ainsi que la Cgt-Spectacle ont des propositions dans ce sens.

Enfin, nous exigeons l’exclusion du Medef de l’Unedic en attendant une refonte du paritarisme. Toute économie sur le dos des chômeur-se-s et précaires est inadmissible !

Nous luttons contre un système fondé sur l’exploitation et la précarité. Le projet de loi-travail, le décret socle et la nouvelle convention collective des cheminot-e-s, le plan Hirsch des hospitalier-e-s servent en effet les mêmes intérêts, ceux du patronat.

Depuis plusieurs semaines, ces différents secteurs organisent la riposte et se mobilisent à travers des journées d’actions et de grèves communes. N’en restons pas là : les intermittent-e-s ont d’ores et déjà voté en faveur de la grève reconductible à partir du 28 ; les cheminot-e-s d’Austerlitz réunis en Assemblée Générale ont voté hier matin la grève reconductible à partir du 26 et jusqu’au 28 au moins. Nous voulons pouvoir nous réunir librement et exigeons la tenue d’une assemblée générale ouverte à tou-te-s au théâtre de l’Odéon mercredi 27 avril.

Cette détermination dont nous avons fait preuve jusqu’ici montre que nous sommes prêt-e-s à nous organiser ensemble pour la journée du 28 et la suite : seule la grève générale reconductible fera plier le gouvernement. C’est à celles et ceux qui luttent de décider de leurs moyens d’action : nous nous joindrons aux rencontres des secteurs en lutte pour la convergence ce jeudi à partir de 18h à République appelé par Nuit Debout, le collectif syndical Bloquons Tout et la Coordination Nationale Etudiante et appelons les autres secteurs à faire de même.

Tous et toutes ensemble en grève et dans la rue jeudi 28 avril et après !

Les occupant-e-s de la Comédie Française

Localisation : Paris

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