Nous avons gagné une bataille, la guerre de classes continue

Castaner a perdu la bataille du Samedi 8. Rien n’est jamais parfait. Le blocage économique de la ville opéré par le gouvernement en est la preuve. Pour encourager ce bel effort, nous avons arraché les planches de bois qui protégeaient les vitrines pour en faire de belles barricades de noël mais surtout pour empêcher que les magasins ne rouvrent le lundi matin.

Paris est fermée, faites demi tour !

Tous les grands magasins étaient fermés. A deux semaines de noël, les clients ont déserté l’espace public. Les bourgeois ont quitté la ville vers leurs adorables maisons de campagne, tel des Versaillais en 1871. Lâches, peureux, ils ont fait appel à leurs larbins de flics pour contrôler notre désordre. Les flics sont toujours malheureusement là prêts à nous tabasser, gazer, flash-baller. Certains croient encore qu’ils pourraient un jour enlever leurs casques, mais ils ne le feront que si on leur donne l’ordre, comme on a pu le constater ces dernières semaines, malgré la naïveté de ceux qui les applaudissent.

Ce samedi 8 décembre, seuls les taxis ou autres chauffeurs privés circulaient dans la capitale n’hésitant pas à mettre en évidence un gilet jaune sur le pare-brise, certains par solidarité, d’autres juste pour éviter d’être bloqué. La fiction qui nous est imposée au quotidien entre boulot-dodo, actualisations de Pole Emploi, plans débrouilles, cafardises d’allocations et sous-locs Airb&B, a été un temps mise de côté. Le « petit peuple » se baladait résolument dans les beaux quartiers plus vides que jamais. La promenade a été longue et à chaque coin de rue nous étions toujours plus d’occupants bigarrés, avec ou sans gilet jaune, à se parler, rigoler, chanter, parfois casser, dans la joie et… la réalité.

LA PROPAGANDE EST EN PANNE

Les chaînes de télévision et ses chiens de garde qu’on nomme journalistes ont diffusés l’angoisse d’une souricière inédite que la police a mise en scène sur les Champs Élysées. Toute la journée, ils ont filmé et parlé en continu en attendant désespérément que quelque chose se passe. Le paradoxe est que ce 8 décembre les journalistes ont tout raté.

Le grand saccage des Grands Boulevards, passant par Strasbourg Saint Denis, jusqu’à Bastille n’a pas - heureusement - été télévisé. Le peuple a cassé les barrières établies entre lui et la dépossession d’usage. Si le prix et les taxes sont cette frontière qui séparent ce qui est privé du commun, la réquisition et l’auto-réduction sont manifestement, par le pillage, l’unique manière de faire peur aux riches et récupérer ce qui nous est dû. Vive la gratuité et le partage mettons fin au profit !

Soyez pacifistes, pas pacifiques. Nous sommes les cobayes de l’industrie de l’armement, donc à bas les flics et les armées. Néanmoins, la discussion est notre arme face aux modérés extrémistes, ces dénonciateurs de la casse, pour qui la violence est uniquement légitime du côté de l’État. Il faut déconstruire les tabous, parler ouvertement. Le mouvement est hétérogène et la violence est relative. Casser des banques et des commerces ce n’est pas de la violence, c’est un acte d’équité. C’est la riposte du pauvre qui accède à ce qu’on lui a interdit d’approcher. Argumentons, ne jugeons pas l’acte des saints. Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes.

TOURISTS GO HOME ! REFUGEES WELCOME !

Ce mouvement n’est pas « français », il est juste populaire. Français ou immigrés, tout le monde est uni contre Macron et ensemble, nous représentons ceux qui ont été dépossédés du choix de vivre autrement notre propre sort. La pauvreté est une fatalité, mais elle peut être renversée quand « tous les pauvres s’y mettront ». Nous avons viré les touristes des Champs-Élysées, ceux pour qui Paris est juste une carte postale, mais nous revendiquons des droits pour les sans-papiers et autres migrants démunis de protection sociale. Ils sont chez eux !

Si nous entendons parmi nous des commentaires ou des propos racistes ou sexistes, nous devons les dénoncer. Nous ne tiendrons jamais une barricade avec des fascistes. La Marseillaise n’est qu’un chant militaire, guerrier et patriotique, à nous de proposer d’autres : « Ni patrie, ni patron ! Ni Le Pen, ni Macron ! ». Réagissons aux propos confusionnistes ouvertement d’extrême droite comme « François la sens-tu qui se glisse dans ton cul ? La Quenelle ! » sous l’air du Chant des Partisans, faisant clairement référence à Dieudonné. Les commentaires sexistes comme «  Brigitte, Brigitte, on t’encule » ou racistes tels « On est chez nous » sont inadmissibles. Soyons résistants, soyons antifascistes. « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos ! »

AUCUNE AVANT-GARDE N’EST POPULAIRE

Dès le début le mouvement des Gilets-Jaunes s’est voulu « apolitique » au sens où il rechigne à toute politique politicienne professionnelle. Le mouvement est naturellement spontané et autonome. Toute tentative de récupération ne peut aboutir qu’à une traîtresse représentativité ou une vaine insurrection qui nous ferait payer plus, à nous les pauvres, qu’aux petits-bourgeois dirigistes. Ils ne nous voient que quand on se soulève, le reste du temps ils écrivent des livres incompréhensibles pour le commun des mortels.

D’ailleurs on observe clairement ces différences lors des comparutions immédiates. Si les intellectuels et les militants professionnels sont soutenus par leurs partis et leurs groupes politiques, pour ne pas dire leurs familles friquées, nous n’avons devant nous que les barreaux. Mais sachez que nous ne sommes pas jaloux, nous n’avons jamais attendu rien en retour. Nous ne souhaitons pas leurs vies, pas même celle de Macron. Nous voulons déballer le confort à jamais. Soyons prudents et méfions-nous de tous les partis, même imaginaires !

D’ailleurs, il faut stopper les velléités des « représentants » ou des « porte-paroles » qui cherchent une « solution » au conflit. Ce qui se passe n’a pas de solution tant que nous n’aboliront pas l’exploitation des uns par les autres et que nous prendrons le contrôle des moyens de production pour décider plus « démocratiquement". La démocratie directe est l’unique solution et les Gilets Jaunes de Commercy on fait déjà de belles propositions, bien comme ceux de Saint-Nazaire. Destituer le pouvoir c’est le refuser, c’est vivre sans lui.

LA GRÈVE EST NOTRE CADEAU DE NOËL

Les syndicats, dépassés par ce mouvement et un peu par leurs bases, restent distants. Nous savons que le CGT ne participe pas de ce qu’elle ne contrôle pas. Pas assez réformiste, encore moins révolutionnaire, la CGT repoussera l’affrontement au Grand-Soir qui ne viendra jamais. Les syndicats ont proposé leur service d’ordre au mouvement des Gilets Jaunes pour le canaliser, pas pour le protéger, évoquant l’esprit du « CPE ». Pour protéger nos manifs nous avons déjà la police et nous savons bien ce que ça protège.

Ceci dit, le Père Noël s’habille en rouge depuis bien longtemps et ses barbes sont si grandes qu’elles pourraient faire concurrence à celles de Karl Marx… Donc, nous voulons lui demander un grand cadeau de noël, une grève générale de plusieurs jours qui bloquerait réellement l’économie productive. Appelons les syndicats à convoquer la grève générale illimitée dès maintenant !

MACRONMISSION

La complexité de ce mouvement populaire, ne doit pas se faire piéger par le concept de « Peuple » qui traîne sur les bouches, dans les textes des éditorialistes militants ou de la presse bourgeoise. Le populisme nationaliste est une idée confuse qui s’oppose à la conscience de classe. A nous d’apporter des idées et des points de vues divers ou divergents. Maintenons l’unité face à la représentativité, refusons tous les chefs, et accordons nous sur nos moyens d’action. Écoutons-nous pour expérimenter des nouvelles formes de coexister. Changeons nos rapports au monde et à la société. Chercher le commun et pratiquer le consensus, voilà des idées.

La démission de Macron ne nous suffira pas. Remplacer un président par un autre, ne change rien pour nos vies. On prend le risque de se retrouver avec des personnalités encore plus autoritaires venues de la gôche ou de l’extrême-droite. Il y aura toujours un porte-parole de la bourgeoisie amarré à la République pour nous faire chanter. Destituons le pouvoir en élargissant les modes de décision horizontaux aux luttes locales. Plus nos idées seront radicales, plus fort se manifesteront nos désirs de changement, plus nous aurons de chances de transformer en bon gros morceaux les petites miettes qui nous seront proposées.

Gilé Jônes

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