Lors du 1er mai ou dès le 1er mai, nous devrons être des nuées…

TOUJOURS ET ENCORE D’ACTUALITÉ :
Ce texte a été publié fin avril sur le site Mouvement du jour d’après, en relation directe avec le 1er mai qui se profilait.
Nous l’avions publié en regard d’un deuxième texte : « Nous ne confinerons pas notre colère ».
Ces deux textes s’inscrivent dans le travail de réflexion collectif en cours pour sortir d’une virtualité très contagieuse et qui a largement sévi lors de ce 1er mai.
Un texte déjà publié par d’autres sur ce site est aussi un bon exemple de ce travail nécessaire de réflexion et de critique : 1er mai : pour des cortèges sans cortèges

Quelques remarques sur les modalités pratiques de l’expression de notre colère

Toutes les dernières manifestations ont démontré, s’il en était encore besoin, le caractère caduc des cortèges et qui plus est des cortèges d’un point A à un point B. À l’heure où l’on ouvre des morgues [1] jusque dans des entrepôts, ces cortèges résonnent lugubrement.
L’apparition de Rubalise autour et parfois en amont de ces cortèges [2] a fini par les noyer dans le ridicule ou la désespérance. Elle était le signe avant-coureur de notre confinement actuel. Et les sonos tonitruantes et triomphalistes ne faisaient que l’entériner en nous laissant sans voix.

Cette crise sanitaire, politique, économique et sociale nous contraint à réfléchir sur les modalités pratiques de l’expression de notre colère dans l’espace public. Il nous faut en saisir l’opportunité.

Le discours des pouvoirs, celui des maîtres qui règnent, ou celui des Iznogoud [3] qui aimeraient les remplacer, c’est celui de la distanciation sociale, de la distanciation sociale entre nous, pas de celle que nous pourrions avoir avec le travail, la consommation et tout le toutim, faut pas exagérer. Et nous, gentiment, on ferait la confusion entre la nécessaire distanciation physique que nous impose la crise sanitaire et la distanciation sociale que l’on aimerait nous imposer comme un état d’urgence permanent ?
Pour reprendre la main sur notre vie, pour ne pas subir les calendriers, politiques, économiques, électoraux, au final, policiers, nous avons l’urgente nécessité dès le 1er mai [4], en nous saisissant du 1er mai, de montrer que nous sommes vivants, que nous avons des yeux, une bouche, des corps qui rejettent toute distanciation sociale.

Notre colère ne peut être virtuelle

Un graffiti ayant fleuri ces temps lançait : « Ce monde était une prison, maintenant c’est un mitard. » Et nous, du fond de ce mitard qu’est devenu notre logement, ou notre lieu de travail, nous nous contenterions de crier derrière des grilles ? de fabriquer des hologrammes ? de découper des personnages en papier et de les positionner dans notre salon pour faire des selfies ? De nous engouffrer dans le carcan d’une bagnole pour nous suivre dans le meilleur des cas à la queue leu leu ?
Si nous lançons « Vous ne confinerez pas notre colère », non comme un vœu ou un défi, mais pour la faire exister, nous ne pouvons manifester notre colère de manière virtuelle, sans être inconséquents.

Ensemble, mais autrement

Dans nos villes, les manifestations traditionnelles (un mot qui dit tout) regroupaient au plus triste, allez, 1 000, 2 000, 5 000, 10 000 personnes dans un seul cortège ; eh bien, essayons d’être 100 fois 10, 200 fois 10, 500 fois 10 ou 1 000 fois 10. Nous avons des amis, des voisins, nous habitons à tel ou tel endroit. Nous pouvons sortir, nous manifester, nous pouvons parler, là où nous sommes avec l’appui de ce que les Espagnols appellent « nuestra gente » ; à 5 à 8, à 10.
Nous ne devons plus être des cortèges, mais des nuées.

Dès le 1er mai, à l’occasion du 1er mai

Nous allons balbutier, comme les copains italiens le 25 avril, fête de la Libération et de la Résistance en Italie.
Nous allons aussi balbutier parce que l’habitude des mots d’ordre est tenace, parce que nous aurons du mal à partager une simultanéité, habitués que nous sommes aux rendez-vous fixés par d’autres. Nous allons balbutier parce que la chaleur de la foule en colère est un plaisir que nous ne pourrons avoir. Mais ce plaisir sera remplacé par d’autres : 100 manifestations à 10 dans un même espace-temps nous fera savourer le plaisir d’une efficacité retrouvée, à notre échelle.
Nous allons balbutier parce que nous avons aussi légitimement peur et que la crise sanitaire nous a tétanisés. Mais c’est cette multiplicité qui seule nous protégera dans un premier temps et qui ensuite nous permettra d’aller plus loin.

Pour être vivants, nous n’avons d’autre choix que d’essayer de construire de différentes et nouvelles formes d’expression pratique de notre colère.

Amicalement à tous

Note

Bonjour à tous,
Voilà, le site MOUVEMENT DU JOUR D’APRÈS est en ligne et sera complété au fur et à mesure : https://mouvementdujourdapres.wordpress.com/

Vous pouvez d’ores et déjà télécharger en PDF toutes les affiches qui ont été réalisées depuis la fin mars par un simple clic.

Notes

[1Derrière chaque mort de la pandémie, il y a le coronavirus certes, mais aussi l’État et le rapport social capitaliste.

[2Le Rubalise : ruban sensé protéger les manifestants des gestes de violence d’automobilistes ou motards énervés par les blocages. On a vu avec quelle gourmandise les services d’ordre des manifs, les organisateurs de l’échec de chaque mouvement social, se sont engouffrés dans cette vision des choses.
Ruban destiné à éliminer toute nuisance potentielle au bon fonctionnement du monde. Et pourtant qu’elles étaient faibles ! La circulation fluidifiée, impact zéro. Ils peuvent beugler, s’autocongratuler, pas de problème.
Ruban en prévision de tout franchissement des limites qu’il détermine sous peine d’inculpations de participation à manifestation interdite, etc. Inculpations rendues possibles par l’ajout constant de lois d’exception, vous savez celles qu’autrefois on appelait scélérates, droite, gauche, extrême centre…

[3Les califes qui aimeraient être califes à la place du calife.

[4Et non, pour le 1er mai, dans un sursaut de l’espèce pour montrer que nous sommes capables de faire remuer encore une fois le cadavre de tous les défilés du 1er mai

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