Chers et chères habitants de Sainte Anne et la Poudrette,
Chers et chères habitants du quartier des Agnettes à Genevilliers,
Je m’intéresse depuis plusieurs années à titre personnel aux contestations dans les quartiers concernés par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine.
Ce programme a été mis en place en 2003 dans le cadre des politiques de la Ville et du plan national de rénovation urbaine, qui compte rénover certains quartiers principalement en augmentant la « mixité sociale » et les « activités commerciales » dans d’anciens quartiers dégradés depuis leur construction [1].
L’autre jour, je voulais lire un article dans le Parisien en ligne, mais n’étant pas abonné, impossible. Il raconte l’histoire d’une lutte, de votre lutte, dans la résidence Sainte Anne (les Pavillons sous Bois) et la Poudrette (Aulnay-sous-Bois).
Après une rapide recherche sur internet, j’ai trouvé un récit datant de 2009.
Il existe encore des copies de vos articles ici (blog d’un UDI - je précise que j’ai pas trouvé ailleurs)
et sur un autre site
Vous trouverez sur Paris Luttes les articles qui résument les luttes au quartier des Agnettes à Gennevilliers.
Que vous dire ? plutôt que de parler longuement de ce que c’est l’ANRU et ses conséquences dans un quartier, je préfère vous raconter une « histoire ».
En 2011, j’ai rencontré les protagonistes d’une lutte similaire à Bagnolet.
Le cadre est le suivant :
- Un quartier excentré et très densément peuplé, pas très beau, en mauvais état mais avec une vie de quartier plutôt agréable (20% de HLM en bon état, 80% de logements privés hyper dégradés)
- un projet ANRU depuis 2005 (et pas encore commencé 10 ans plus tard, je n’en connais pas les raisons)
- un projet mené également par Deltaville (comme à Pavillons sous Bois... c’est pour ça que j’ai voulu vous raconter cette histoire !)
- des concertations très légères mises en place par la mairie, de préférence à des horaires comme 18h le jeudi soir et peu publicisées
Leur projet ANRU comportait :
1- de la création de logements appelée « résidentialisation » car il faut bien gagner des sous quand on en dépense ! peu importe si le quartier est déjà blindé... De toutes façons à terme on compte sur le fait que les pauvres vont partir, ça fera de la place !
2- la banale « mise aux normes thermiques » qui est le cauchemar du locataire car son loyer augmente alors que les changements ne sont souvent pas très visibles... et que les constructeurs, les syndics, s’en mettent plein les poches !
3- la destruction d’une barre d’immeuble HLM en vue d’hypothétiques relogements (les personnes responsables de la mairie de l’époque n’ont pas été clairs sur le sujet) afin de faire... une route !
Hé oui, quand on enlève des pauvres, on peut faire des routes, c’est pratique !
4- un aménagement paysager
Cette recette, c’est celle de tous les aménagements urbains, avec plus ou moins de « résidentialisation », une pincée de « paysage » par ci, une destruction par là...
C’est souvent une grosse arnaque : les subventions de l’état vont à des aménageurs (comme Deltaville) qui fait construire des logements contre un co-financement de la mairie, et après... les achète ! et les revend !
Une aubaine...
Evidemment, c’est pas votre vieille maman qui va acheter son ancien appartement, ou une « maisonnette » construite sur la pelouse où, jadis, on sortait le chien...
Tout cela se fait, bien évidemment, au nom de la mixité sociale : on vire les plus pauvres pour y caler des riches. D’ailleurs, on se demande bien comment, car il y a aussi dans le quartier une copropriété très dégradée, dont les appartements se vendent moins de 3000 euros le mètre carré car les dettes et les charges sont énormes... CQFD : si les riches avaient voulu venir, ils seraient déjà arrivés !
Les habitants de la barre HLM ont « pété un plomb » comme on dit.
Ils ont compris que cet ANRU allait les mettre à la porte, sans relogement. Qu’ils ne reverraient pas leurs voisins, leur logement.
Fallait pas être un génie pour le comprendre, mais fallait quand même être un peu courageux pour monter un collectif dans tout ce bazar.
Après avoir demandé des comptes par écrit à la mairie, et demandé une concertation (il n’y en avait même pas), ils sont passés à la vitesse supérieure.
Ils ont organisé des goûters, des fêtes, se voyaient toutes les semaines dans les halls de leur cité.
Dès le début, ils se sont détachés des partis politiques et des associations nationales de locataires.
Ils ont participé à la coordination des habitants de Montreuil (c’est là où je les ai vus) qui à l’époque avait réalisé une grande carte recensant toutes les opérations de ce type (je suis désolé, je ne peux pas la scanner car trop gros, je l’aurais volontiers inclu dans l’article).
Ils sont allés en conseil municipal plusieurs fois. La dernière, c’est parti en vrille : les gens ne se sont pas démontés, des menaces ont été proférées entre partisans de la mairie et habitants du quartier, et le conseil municipal a été interrompu par la police et la BAC débarquant avec flash-ball dans la salle.
Bref, la municipalité, de peur de débordements probablement, a revu sa copie.
Ils n’ont plus jamais parlé de destruction de logement dans le cadre de cet ANRU.
Je ne sais pas où cela en est aujourd’hui.
Ce que je veux vous dire, c’est que si vous partez, vous avez perdu.
Votre solidarité de quartier, votre quartier, votre logement.
Les financements ANRU ne sont pas éternels. Surtout quand il y a deux communes dans la boucle et qu’elles n’ont pas des mille et des cents.
En repoussant le commencement de travaux, vous faites perdre de l’argent. Beaucoup d’argent.
Les moyens de ces retards vous appartiennent.
J’aimerais avoir votre avis sur ce qui vous arrive, j’aimerais aussi, que vous expliquez ce qui se passe chez vous, là-bas, aux Pavillons-sous-Bois, à Genevilliers.
Je ne suis sûrement pas le seul d’ailleurs !
J’espère que vous lisez tous Paris Luttes.
À bientôt !