Lettre de Laura depuis le centre pénitentiaire de Nancy

Laura a été placée en détention provisoire le 23 février lors de l’expulsion du Bois Lejuc à Bure. Elle a voulu diffuser une lettre depuis le centre pénitentiaire de Nancy.

Laura a été enfermée le 23 février, dans la foulée des évènements qui ont suivi l’expulsion du Bois Lejuc. C’est la forêt occupée à Bure (Meuse) depuis un an et demi contre un projet de centre d’enfouissement de déchets nucléaires. Le jour de l’expulsion, 7 personnes ont été placées en garde-à-vue. Actuellement ielles sont deux à être en détention provisoire à Nancy. Les procès auront lieu le 19 mars.

Laura écrit depuis le centre pénitentiaire de Nancy. La lettre manuscrite a été retranscrite au format numérique pour être publiée à différents endroits à sa demande.

(01/03/2018)

J’esquive un peu l’hypnose télévisuelle pour vous écrire depuis la MAF de Nancy. Comme disait Hafed démystifier la prison c’est déjouer la « meilleure des polices », la peur de la répression. Je sais que le compagnon est là aussi, côté "hommes", dans le bâtiment arrivants. Après le repas je guette parfois, fenêtre entr’ouverte, histoire de déceler sa voix au milieu des cris du soir.

Ici, vue imprenable sur les HLM, le mirador, les murs, les grilles, le terrain de basket, ses grilles surmontées de barbelés à rasoirs, la grille fixée à la fenêtre, les cinq barreaux, la vitre. J’oublie sûrement une grille ou deux. Ici tout est ordre, calme et dûreté. Une balle en mousse fluo casse un peu la grisaille des lignes droites.

Lino, bitume. Mes semelles n’ont pas touché la moindre terre depuis ma capture. La terre, un carré d’herbe, c’est le terrain de jeu privé des corbeaux à côté de la cour de « promenade ». Le vent sibérien ne nous fait pas toutes renoncer à ces tours en rond, parfois quelques passes de ballon.

Ambiance collège samedi après-midi. On discute, on rigole au soleil, le cul par terre. L’ennui nous incite à nous surveiller entre nous. Qui a de belles baskets. Qui a des poux. Qui a buté ses gosses. Qui se cachetonne à mort.

Les grilles fixées aux fenêtres sont là pour empêcher les yoyos et parachutes. On s’en fout des réprimandes matonnes, on y coince des morceaux de pain, solidaires des oiseaux au milieu de ce désert en béton glacé. Deux d’entre eux nichent dans les spirales de barbelés, pour se protéger des corbeaux me dit une détenue. À trente et quelques, c’est tendu de faire tomber ces grilles (facturées 250 ou 400 euros pièce) et d’arracher un rapport de force en notre faveur. Côté "hommes", ils sont 800, elles sont tombées. Comme dit une compagne de promenade : « tu peux même pas essorer ta serpillère. Tu restes avec ta merde à l’intérieur. »

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Mots-clefs : mutinerie | prison

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