vidéo de l’expulsion
Les maisons appartiennent à IMAVA, un promoteur immobilier d’Île-de-france, connu pour être le nouveau propriétaire des bâtiments squattés par la Baudrière. Les 2 maisons étaient inoccupées depuis quelques années et vont être détruites pour un énième projet immobilier de résidence pour riches : 88 appartements du studio au 5 pièces, aménagés par un architecte d’intérieur, jardin privé designé par des paysagistes, parquet massif, oeuvres d’art dans les halls d’entrée... (https://karactere-kb.fr/)
« Chez IMAVA, l’innovation n’est pas uniquement technique. Nous l’envisageons au sens large en incluant les évolutions culturelles et sociales. Mais également en étant à l’écoute des nouveaux modes de vie. [...] IMAVA a souhaité que les relations humaines et le partage soit au cœur de chacun de ses projets. C’est pourquoi nos résidences se caractérisent par des espaces communs généreux et innovants [...] une résidence urbaine à l’élégance contemporaine. Ses lignes sobres et intemporelles présentent un soubassement à l’aspect pierre et un camaïeu d’enduits de teintes claires qui mettent en valeur les décrochés et les balcons animant la façade. »
N’étant pas très fans des lignes sobres et intemporelles, nous avions décidé de proposer un autre projet architectural à la place. Celui-ci mettait mieux en valeur les longs jardins magnifiques (accueillant notamment des jolis corbeaux) et les espaces communs déjà existants. Il se mariait avec un mode de vie collectif basé sur la gratuité et l’entraide qui sont au cœur de chacun de nos projets. La semaine d’occupation avait donc été passée à élaborer des techniques innovantes pour envisager notre occupation dans un contexte d’évolution sociale et culturelle rapide marquée par la loi Kasbarian et l’hostilité grandissante envers les squatteureuses.
Les keufs sont passés une première fois le samedi soir, vers 20h. Ils sont restés 10 minutes et ont posé quelques questions aux habitant.es pour savoir si c’était elleux qui avaient ouvert les maisons et s’il y avait des dégradations. Ils sont vite repartis, après avoir pris en photo les preuves d’occupation, promettant de revenir après avoir contacté les services compétents. On ne les a pas revus depuis.
Le jour de l’expulsion
Lundi matin, 2 ouvriers viennent faire des repérages pour une démolition des bâtiments prévue dans le mois. Ils tombent sur les nouvelleaux habitant.es et appellent la police qui est déjà au courant. Ils nous précisent que leur boîte a obtenu le marché de la démolition la semaine passée. Le maître d’œuvre en charge du chantier arrive en début d’après-midi, il discute avec les occupant.es et repart, en appelant encore une fois les flics.
Vers 15h, 2 camions arrivent, le premier se gare devant la maison et le conducteur annonce qu’il va décharger du matériel pour les travaux. Le second se fait contrôler en face des maisons par les keufs à moto, car visiblement son chargement est trop lourd. Ils appellent un autre véhicule pour décharger le véhicule trop lourd, et on sait pas trop comment, mais d’un coup au moins 15/20 personnes (moitié en costard, moitié en tenue de chantier) se retrouvent devant l’une de nos deux maisons avec des masses. Le chef du groupe se met à hurler qu’on l’empêche de rentrer chez lui, ses salarié.es commencent à taper sur le portail pour l’ouvrir de force.
« Pour chacun de ses programmes immobiliers, IMAVA s’entoure de professionnels talentueux pour vous offrir des projets immobiliers de grande qualité. »
Quelques soutiens se placent entre le portail et la masse pour les empêcher de continuer. Les ouvriers/proprios et les soutiens s’engueulent ce qui fait rappliquer les flics en moto juste en face et qui jusqu’alors regardaient la scène en rigolant.
Pendant ce temps-là, les personnes à l’intérieur tentent de discuter avec le groupe dehors. Les proprios rigolent sur le fait qu’avec des kalashnikov, la situation serait réglée beaucoup plus vite, ce qui fait doucement rire les flics. Les soutiens redonnent les preuves que les proprios déchirent. Les flics redemandent les preuves, mais pas de bol, celles-ci sont par terre en petits morceaux.
Les flics nous disent qu’ils sont là pour gérer la circulation et ne sont pas en contact direct avec leurs collègues du KB, qu’ils refusent de contacter. Les proprios passent oklm des coup de fil devant les keufs pour demander à ce qu’on ramène une pelleteuse pour virer tout le monde. Pendant qu’on parlemente avec les flics, les ouvriers se jettent sur le portail de la 2e maison et l’ouvrent à coups de masse. En même temps, le voisin coiffeur ouvre sa porte à d’autres types avec des masses pour qu’ils accèdent à notre parcelle par son jardin. Ils essaient d’accéder à la maison principale par tous les côtés.
Le voisin file faire une déposition aux flics pendant que les gros bras arrivent dans notre cour et forcent le portail de l’intérieur. Ils défoncent la porte de la maison à la masse sans même essayer les clés. Ensuite, ils commencent à taper sur le mur qui sépare les deux maisons pour expulser les copaines toujours dans la maison. Tout ça se passe sous les yeux des keufs qui n’ont pas bougé et ont laissé faire l’expulsion illégale, alors qu’ils avaient bien compris la situation, probablement bien contents que les squatteureuses se fassent virer sans qu’ils n’aient à bouger le petit doigt. Des renforts du côté des flics continuent à arriver sans doute pour interpeller les squatteureuses. Ni les flics du début, ni les renforts n’acceptent de prendre les preuves qui ont fini par être ré-imprimées. Les copaines à l’intérieur réussissent à fuir discrètement pour ne pas se retrouver coincé.es par les ouvriers armés de masse ou la police. Les soutiens extérieurs s’en vont dès que les ouvriers entrent dans la maison, prévenus que les copaines de l’intérieur se sont échappé.es.
Les maisons ont été détruites à l’intérieur le jour même par les types du chantier. Des palissades de chantier d’au moins 3m de haut ont été mises contre les portails et grilles donnant sur la rue.
« Pour IMAVA, l’engagement citoyen n’est pas une formule publicitaire. Nous souhaitons mettre en œuvre cette démarche. Nous nous engageons à reverser 1% des bénéfices de la société à des associations caritatives en lien avec le mal-logement et la protection infantile. »
On se demande quel pourcentage est redistribué dans les primes pour des expulsions réussies, à moins qu’il ne s’agisse là du travail bénévole de la part des salarié.es particulièrement zélé.es.
Quelques notes rapides sur le contexte répressif actuel
Depuis le passage de la loi Kasbarian en août dernier, il s’agit d’une deuxième expulsion en IDF à notre connaissance qui est l’oeuvre des proprios eux-mêmes, directement assistés et couverts par les flics.
La 1re a lieu à Noisy-le-Sec dans la nuit du 27 novembre dernier, lorsque les flics forment un cordon pour protéger des proprios armés d’un pied de biche qui rentrent dans une maison habitée. 29 personnes venues en soutien aux squatteureuses sont placé.es en garde-à-vue.
Bien que ce genre de pratiques existait déjà avant, on peut supposer que le nouveau contexte répressif donne le feu vert aux proprios de tenter l’expulsion par tous les moyens possibles, malgré le fait qu’en théorie ça reste en dehors de la loi. Le fait d’augmenter les peines pour les squatteureuses était d’ailleurs justifié par la nécessité de rendre symétriques les risques pénaux encourus par les proprios auteurs d’une expulsion illégale et les squatteureuses.
Or, dans les faits, il n’en est rien. La logique de classe qui régit les fonctionnements de la police et de la justice se révèle être encore plus puissante que le soi-disant monopole de la violence légitime de l’État. Comme on a l’habitude de le voir, celui-ci s’attaque principalement aux pauvres, pendant que les proprios ne se sentent plus pisser.
Le fait de résister à la fascisation de la société dont l’un des vecteurs est l’adulation de la propriété privée allant de pair avec la déshumanisation de tou.te.s celleux qui la remettent en question (par besoin, par volonté politique ou bien les deux à la fois) demandera beaucoup de forces et d’imagination de notre part. Nous espérons alors nous retrouver plus nombreux.ses les prochaines fois qu’une ouverture sera tentée pour ne pas se laisser écraser par la machine répressive et continuer à fomenter des brêches dans l’ordre social qui nous étouffe.
On a perdu deux maisons mais c’est pas ça qui va nous arrêter, retrouvez-nous très bientôt pour de nouvelles aventures !