Les antinucléaires, victimes collatérales d’un nouveau fichier de renseignement

Des « données extrêmement larges et intimes » sur les opposants au nucléaire pourront être recueillies grâce à un nouveau fichier de police. Des associations ont saisi le Conseil d’État pour faire annuler ce décret. Article de Reporterre

Protection contre les attaques terroristes ou nouvel instrument de répression des militants antinucléaires ? Le 6 juin, vingt-neuf requérants — associations et militants antinucléaires, élus, journalistes — ont saisi le Conseil d’État. Ils contestent le décret de création d’un nouveau fichier de police visant à collecter « des informations relatives aux personnes impliquées dans des événements révélant un risque d’atteinte à la sécurité nucléaire ». Ils craignent qu’il serve au fichage d’opposants à l’atome. Ils ont rendu public leur recours le 10 septembre, le jour où leur mémoire a été transmis au Palais-Royal.

Ce fichier de police, baptisé du sigle ODIINUC, a été créé par décret le 8 avril à l’initiative du ministère de l’Intérieur. Peuvent y figurer de nombreuses informations, dont certaines très personnelles : signes physiques particuliers, pseudos, situation familiale, troubles psychologiques ou psychiatriques, etc. D’autres données — « lien avec des groupes extrémistes » — peuvent éclairer sur les opinions politiques de la personne fichée, un élément interdit par l’article 6 de la loi sur la sécurité informatique de 1978, rappellent les associations.

Apolline Cagnat, responsable juridique chez Greenpeace, dénonce une « contradiction » entre « des critères d’inscription dans ce fichier extrêmement vagues et absolument obscures » et « les données extrêmement larges et intimes qui pourront être recueillies ». « On ne parle pas d’événement réalisé, mais d’événement révélant un risque. C’est très imprécis. N’importe quel militant ou même personne dénonçant les risques du nucléaire peut être concerné », alerte-t-elle, dénonçant un « moyen de dissuasion ».

Cette collecte d’informations est d’autant plus inquiétante qu’il est très difficile de savoir si l’on figure sur ce fichier : « Les droits d’accès, de rectification et d’effacement sont très compliqués à mettre en œuvre. »

Encore plus de dérives autoritaires

Pour Angélique Huguin, militante historique contre le projet Cigéo d’enfouissement des déchets de Bure (Meuse), c’est clair : « Militer pour l’environnement nous expose aujourd’hui à un arsenal répressif rendu de plus en plus puissant par les nouvelles technologies, notamment celles qui permettent le fichage. Cela fait de nombreuses années que nous y faisons face à Bure contre le projet Cigéo. Ce fichier ouvre la porte à encore plus de dérives autoritaires. »

Les opposants à la poubelle nucléaire dans la Meuse ont fait l’objet, pendant des années, d’une répression brutale et d’une instruction d’envergure pour « association de malfaiteurs », qui a donné lieu à une surveillance intensive de leurs faits et gestes. Ils ont été relaxés au fur et à mesure de la procédure judiciaire, les derniers ayant vu leur peine cassée par la Cour de cassation le 11 septembre.

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