Le Déclin et la Chute du Péage de Croix-Sud

Nous partageons ici un extrait d’une brochure consacrée à la révolte qui a marqué l’hiver 2018-2019, publiée à l’occasion du troisième anniversaire de l’Acte III des gilets jaunes.

Pétroleurs, pétroleuses

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 2018, deux centaines d’habitants et d’habitantes de Narbonne et de ses environs ont répondu au soulèvement de dizaines de milliers de personnes partout en France, et plus spectaculairement sur les Champs-Élysées à Paris, en prenant d’assaut la barrière du péage de Croix-Sud. Cette nuit-là, les manifestantes et les manifestants ont mis en déroute les forces de l’ordre avant de ravager et d’incendier la barrière du péage, les locaux de l’entreprise criminelle Vinci, ainsi que les locaux de la gendarmerie chargée de faire respecter le paiement en règle du péage et des amendes – et, depuis peu, de casser du gilet jaune sur les ronds-points et les péages aux quatre coins du pays. Dans le feu de l’action, une personne était parvenue à démarrer un engin de chantier – un charriot élévateur télescopique, plus précisément – avant de s’en servir pour attraper un véhicule en feu, et de lancer le tout à l’assaut du péage, provoquant des dégâts considérables sur l’édifice qui obstruait la vue sur les arbres et les virages qu’il séparait.

Les réactions, de tous côtés, ont illustré avec clarté la nature révolutionnaire de l’événement, venu clarifier en actes la situation et les positions de chacun. Les récupérateurs professionnels, sociaux-démocrates de toutes les nuances de rose en tête, toujours aux aguets, se sont empressés de déserter. Ils ne pouvaient pas dénoncer trop ardemment le geste, par crainte de s’aliéner une partie du mouvement des gilets jaunes. Mais ils ne pouvaient pas non plus le soutenir : non pas par crainte de s’aliéner le bon sentiment des forces de l’ordre, par ailleurs déjà acquises politiquement, mais bien parce que cet acte de révolte et de destruction a constitué une atteinte à l’ordre social qu’ils défendent, cachés derrière leurs fausses protestations et leur radicalisme de façade. Quant aux détracteurs du mouvement des gilets jaunes et aux autres défenseurs habituels de l’ordre et des bonnes mœurs, ils se sont empressés de dénoncer l’action de marginaux, d’alcooliques et de drogués. Si certains commentateurs leur ont fait l’honneur de reconnaître la détresse sociale et les difficultés économiques comme justification apparente de leur geste, aucun ne s’est avéré capable d’énoncer sa justification réelle. Les éditorialistes et les « responsables » de la politique bourgeoise de droite comme de gauche, de son néant, ont déploré l’irresponsabilité et le désordre, le pillage. Tout comme le parquet, qui a dénoncé « des scènes de chaos, de guérilla, d’apocalypse » initiées par « une foule bête et brutale ». Le militantisme et l’appartenance au mouvement des gilets jaunes a laissé la place au chômage et à la précarité.

Pour se défendre et éviter le pire, les personnes accusées n’ont pas eu d’autre choix que de plaider la bêtise et le regret, c’est-à-dire de renoncer à leur juste révolte et d’ôter toute sa légitimité à leur geste – par lequel les pétroleurs et les pétroleuses du péage de Croix-Sud ont éclairé leur bataille et leur fête. Afin de ne pas finir redevables du groupe Vinci, qui leur a réclamé 10 millions d’euros en guise de dédommagement, il fallait que les personnes accusées abandonnent leur posture militante et se réduisent elles-mêmes à leur condition de précarité ou de chômage, sur laquelle ont largement insisté les journalistes et les avocats. Quant à la police, elle aussi a joué son rôle jusqu’au bout. D’abord, en se constituant partie civile contre les personnes accusées, à qui les gendarmes ont demandé pas moins de 700 000 euros de réparations. Ensuite, en torturant psychologiquement et physiquement les personnes accusées afin d’obtenir d’elles des aveux et des éléments susceptibles d’obtenir plusieurs condamnations en justice. Oui, les forces de l’ordre ont eu recours à la torture psychologiques pour faire plier leurs « suspects » en les isolant, en les enfermant dans des cellules sordides et infâmes, en les menaçant, en leur faisant croire que leur sort était joué d’avance, en leur faisant miroiter des réductions de peine en échange de leur collaboration. Non, rien ne permet de prouver que les forces de l’ordre n’ont pas infligé de sévices corporels aux personnes enfermées, qu’elles ne leur ont pas imposé des privations de repas, etc. Les procès-verbaux, les compte-rendu et les déclarations de bonnes intentions ne sauraient remettre en question l’extrême violence inhérente à l’institution policière. Cette institution participe à la production d’une vérité tronquée, qui est celle de la justice bourgeoise, et à laquelle nous ne saurions nous fier. La fabrication de faux coupables par les policiers dans l’affaire de Viry-Châtillon, pour ne citer qu’elle, suffit à l’illustrer. La présomption d’innocence est un mythe qui s’arrête aux manuels universitaires des étudiantes et des étudiants en droit ; en dehors de leurs amphithéâtres et de leurs dissertations, il n’y a que la lutte des classes et la domination instituée de la bourgeoisie.

Laissons les avocats et les juges se lamenter sur l’absurdité et l’ivresse dans cet acte de révolte. C’est le rôle d’une publication révolutionnaire, non seulement de donner raison aux pétroleurs et aux pétroleuses du péage de Croix-Sud, mais de contribuer à leur donner des raisons, d’expliquer théoriquement la vérité dont l’action pratique exprime ici la recherche.

Pour avoir accès au reste de la brochure, ça se passe au lien suivant : https://lacharlatanerie.wordpress.com/le-declin-et-la-chute-du-peage-de-croix-sud/

Note

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