La chimie « verte » et ses boniments

Dans la famille développement durable, voici la petite dernière, la chimie « verte » et son outil « d’avenir » la bioraffinerie et son cortège de boniments : « économie circulaire », « écologie industrielle », « bio-économie »... De la raffinerie de Mède (étang de Berre) au projet de Vichy-Montpertuis, ça pourrait toucher la forêt limousine. Un article initialement publié sur le site d’information limousine « La bogue ».

En 2016, la raffinerie de la Mède (étang de Berre) commençait sa transformation en bioraffinerie. Mêmes installations, même type d’activité et de production (carburant) mais le diesel produit est devenu biodiesel car l’huile végétale (issue d’huile de palme) a remplacé le pétrole comme matière première. Les conséquences sociales et environnementales de l’économie de plantation de palmiers à huile dans les pays tropicaux sont bien documentées. Inutile de développer.

En France, les agriculteurs de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA ; les copains de ceux qui bastonnaient à Sivens) n’ont pas apprécié que Total importe de l’huile de palme plutôt que d’acheter leur colza. Blocage de la raffinerie. Mais regardons donc du côté des bioraffineries traitant de la biomasse d’origine agricole locale. Un excellent exemple se trouve en Champagne : la bioraffinerie de Bazancourt [1]. Les expressions consacrées « bioraffinerie intégrée » et « territorialisée » en résument les caractéristiques :

Aspect « intégration » : il s’agit de complexes industriels constitués par le regroupement sur un même site (260 hectares à Bazancourt) d’usines ayant entre elles des liens techniques : mutualisation d’installations et des moyens de recherche-développement, gestion commune des flux d’énergie et de matière selon les principes de l’économie circulaire (les déchets des uns sont les intrants des autres).
Aspect « territorial » : à Bazancourt, le complexe industriel est approvisionné en matières premières d’origine agricole, céréales et betteraves sucrières, cultivées dans la plaine de Champagne et au-delà, dans un rayon d’une centaine de kilomètres, selon les principes de l’agriculture industrielle : grandes exploitations (150 hectares en moyenne), investissements systématiques dans les dernières technologies du machinisme agricole, recours massif à la chimie agricole (tous les -cides : insecticides, fongicides, herbicides, engrais de synthèse) et aux biotechnologies (l’industrie semencière fournit les semences adaptées à l’agriculture chimique). Cette agriculture industrielle est encadrée par les grands groupes coopératifs de l’agrobusiness qui fournissent les intrants, les conseils techniques et achètent les productions tout en laissant aux agriculteurs les risques économiques liés aux aléas climatiques et à l’augmentation des prix des intrants. L’agrobusiness est étroitement lié à la FNSEA dont sont issus les présidents des grands groupes coopératifs (sachant que le véritable pouvoir est aux mains des directeurs généraux appartenant à la technocratie capitaliste classique). Ces grands groupes sont engagés dans la chimie « verte », soit directement (par exemple le groupe Avril dans la production de biocarburants), soit par le biais de participation au capital des firmes présentes dans le complexe de Bazancourt. Ce système agro-industriel territorialisé préexistait au complexe industriel mais il est conforté par l’implantation de celui-ci qui lui assure des débouchés en sus des débouchés habituels dans les industries agro-alimentaires et les exportations (subventionnées).

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