L’anarchisme est individualiste

Ras-le-bol que l’individalisme soit connoté de « droite » alors que c’est profondément surbversif que de l’être. L’individu fait tâche et il est plus docile dans un groupe. Tu veux prendre la pilule rouge et sortir de la Matrix ? Allez, dis oui !

J’avertis que je fais parfois de l’ironie dans les parenthèses et pas uniquement ...

Ce texte s’adresse à toute personne curieuse de ce que peut bien signfier le concept politique d’individualisme et surtout pour celles qui l’utilisent à tort.

C’est le peuple qui s’asservit, qui se coupe la gorge, qui, ayant le choix d’être serf ou d’être libre, abandonne sa liberté et prend le joug, et, pouvant vivre sous les bonnes lois et sous la protection des États, veut vivre sous l’iniquité, sous l’oppression et l’injustice, au seul plaisir [du] tyran. C’est le peuple qui consent à son mal ou plutôt le recherche

De la servitude Volontaire, Etienne de La Boétie, 1576.

Pourquoi avoir choisi ce sujet ? En discutant dans des cercles militants anarchistes ou d’extrême gauche, j’ai remarqué que lorsque je mentionnais mon individualisme, une confusion émergeait voire un rejet. C’est d’autant plus surprenant puisque être anarchiste est en fait être individualiste sans même le savoir. Daniel Guérin dans son livre L’anarchisme assume que l’anarchiste est avant-tout un être révolté et « qu’il refuse en bloc la société et ses gardes-chiourmes » (gardiens de prison). Cellui-ci est donc dans son essence un individu marginal, un déviant social, un troubleur de bonnes mœurs, qui refuse ou du moins questionne ce qui est communément admis. Cependant lorsque j’évoque le concept d’individualisme, l’image néo-libérale voire libertarienne (capitalisme absolu ?) vient à l’esprit de la plupart des gens. Il est vrai qu’aux États-Unis, un courant dit « anarco-capitaliste » s’est directement inspiré de théoriciens anarchistes individualistes dont l’idée de lutte des classes n’était pas aussi imprégnée qu’en France par exemple (voir la vidéo de Politikon dans les ressources). Mais détrompez-vous, les intérêts personnels de la classe bourgeoise ou d’autres classes dominantes qui perdurent par l’exploitation d’autres individus issus d’une classe dite « inférieure » ou d’une ou plusieurs minorités sont tout-à-fait contraires à l’individualisme subversif.

Définissons les termes pour comprendre véritablement de quoi l’on parle et quels sont les enjeux. Selon La Toupie : « Le terme individualisme sert à désigner toute théorie, doctrine ou attitude qui consiste à privilégier les intérêts, les droits et les valeurs de l’individu par rapport à tous les groupes sociaux que ce soit la famille, (...) la communauté ». Ainsi, la volonté de l’individu prime sur la volonté générale. Par conséquent, il aspire à une autonomie et une indépendance vis-à-vis des autres. Quoi de plus anarchiste, que de refuser de se soumettre à une autorité, contraignant sa volonté individuelle ? Mais on peut se demander, une personne souhaitant conserver un privilège qu’elle possède contre la soumission d’une autre, n’est-ce pas individualiste ? Dans un sens peut-être. C’est pourquoi il faut préciser de quel individualisme l’on parle même si je pense que le terme même d’individualisme s’inscrit dans un idéal contestataire, anticonformiste et émancipateur.

Je suis tombé sur une vidéo, qui abordait la théorie de Emile Durkheim (considéré comme un des fondateurs de la sociologie moderne, attaché au courant holiste) concernant l’évolution de la solidarité de la société traditionnelle à la société moderne et l’émergence de l’individualisme, en tapant « individualisme » sur internet afin de voir ce que les médias ou les contenus pédagogiques en disait. Il décrit l’individualisme comme une acquisition de nouveaux droits individuels mais il le décrit aussi comme une opposition à la solidarité. Une citation de Edgar Morin (je ne le connais pas) du Dialogue sur la connaissance apparaît sur la vidéo : « Le côté positif de l’individualisme moderne est de donner à chacun plus de responsabilité et d’autonomie ; son côté négatif est de dégrader les solidarités et d’accroître les solitudes ». Honnêtement, je suis en désaccord avec cette vision. Celle-ci est possible si l’on part du postulat que « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Au contraire, comme le dit Bakounine : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres » ou encore « La liberté des autres étend la mienne à l’infini ». En effet, les intérêts individuels et les libertés ne s’opposent pas entre elles. Plus il y a d’émancipation personnelle, plus il y a de solidarité, dans un sens et dans l’autre.

Pour en revenir à l’aspect péjoratif du concept d’individualisme omniprésent dans les discours dominants actuels, on l’associe à ne penser qu’à soi au détriment des autres. J’ai également vu une vidéo intitulée « Une montée en puissance de l’individualisme » au sujet de l’augmentation des accidents de la route. Si j’ai bien compris ce serait mettre en danger les autres en conduisant de façon irraisonable. Dire cela ce serait déjà affirmer que les personnes sont responsables de leurs accidents ce qui est déjà problématique car ce serait volontaire de leur part. Ce serait peut-être un manque d’empathie (envers soi aussi) ou d’anticipation ? « Je devrais pas boire de l’alcool au volant sinon je me mettrai en danger moi et les autres ». Ou ce serait un comportement qui ne se conforme pas à une loi extérieure à la sienne, ici le code de la route ? En ce sens oui, un comportement individualiste dérange et dérangera toujours la majorité (c’est fun). Bref, utiliser ce terme est absurde dans ce contexte.

Mais les anarchistes individualistes c’est pas des asociaux ou des misanthropes ? Iels proposent quoi pour vivre ensemble ? Tout d’abord, avant de chercher à s’associer ensemble, selon Max Stirner (considéré comme le précurseur du courant anarchiste individualiste), il faut s’affranchir de son éducation et devenir son propre juge : « que chacun de vous soit un moi tout-puissant ». C’est ce qu’on pourrait qualifier de « déconstruction » de nos jours, d’introspection ou de crise existentielle (quoi t’es pas en dépression toi ?). Je dirais toutefois que la déconstruction demeure normative et collective. Tout le monde est à peu près d’accord sur ce qui est transphobe, raciste, etc. et on nous donne des clés pour être plus safe (youpi plus d’oppression maintenant (ironique)). Bien sûr, la société, y compris les milieux militants, qui ont leurs propres normes, n’inciteront jamais les individus à se poser activement des questions et à acquérir une autonomie de pensée et d’action (dédicace à l’Education Nationale qui aliène dès le plus jeune âge). C’est un processus qui ne s’arrête jamais et c’est difficile de sortir de son confort et de ses habitudes au début (mais bon si t’es anarchiste t’as déjà fait le choix de l’inconfort). Vigilance, ceci n’est pas une invitation au développement personnel qui vise un peuso-épanouissement dans une société capitaliste !

En recherchant à répondre à ses besoins personnels, l’individu aura besoin d’autres individus réciproquement (mauvaise nouvelle, l’humain est un être social qui dépend des autres humains pour vivre...). C’est l’association libre, volontaire et résiliable d’individus. Certes, elle peut demander des sacrifices individuels mais cette contrainte n’est pas publique, elle est nullement imposée par autre que soi-même. Stirner précise bien que : « seul » l’homme « qui a compris son unicité (le fait qu’iel soit unique) peut avoir des rapports avec ses semblables ». C’est pas mieux qu’être membre d’un parti politique ou autre organisation verticale ?

Par ailleurs, le concept d’association libre, remet en question les relations sociales hiérarchiques et structurées de la société. Comment ça tu veux changer de parents ? Tu as trois ans et tu ne les supportes déjà plus ? Tu veux pas t’enfermer dans des relations amicales ou amoureuses et les gens ne comprennent pas pourquoi tu les quittes ? Pourquoi ce désir de se lier absolument à des gens ? Tu ne trouveras pas de réponse en allant consulter un psychologue. Va plutôt explorer l’individualisme et tu comprendras que c’est pas toi le problème, c’est ELLEUX (les esclaves volontaires).

Feu aux familles, aux assignations de genre, à la psychiatrisation, au conformisme (c’est non exaustif), vive le MOI, MOI, MOI MOI, MOI, MOI, MOI, MOI, MOI, MOI, MOI, MOI !!! (référence au livre L’unique et sa propriété de Stirner où le mot « moi » est omniprésent).

  • « MOI n’est pas un gros mot, c’est la condition de notre émancipation ! » (je m’autocite pour information, oui j’ai cette prétention)

Soyez en fierx et emmerdez les gens qui vous traitent d’égoistes ! (je m’aime donc je suis)

À mon humble avis, je pense qu’il est plus que nécessaire actuellement de se réintéresser à l’individualisme afin de renouer avec la radicalité de l’anarchisme et que ce dernier ne prenne pas une tournure autoritaire !

Signé : une personne qui mord sans distinction (avec tendresse comme toujours)

Note

J’ai mis dans les ressources deux vidéos pédagogiques youtube de moins de 10 minutes sur le courant anarcho-individualiste, le livre de Daniel Guérin qui l’aborde un peu, celui de Rancière est sur l’éducation émancipatrice, je ne l’ai pas encore lu par contre, oups et deux textes en ligne datant du début du XXe siècle.

Bien sûr je n’ai parlé que de ce que je connais personnellement sur le sujet donc je vous invite à faire vos recherches si vous souhaitez l’approfondir.

J’ai aussi choisi Joker dans les images car c’est un crimminel et un fou appréciable. Il a raison les gens se prennent trop au sérieux ; ) ( + bonus pour la voiture et l’argent brûlés )

Ressources :

https://youtu.be/GVxJfZDcZcA Anarchisme individualiste Minutes Rouge Episode 50
https://youtu.be/FG42gogWdCM L’anarchisme individualiste Politikon #9

https://fr.theanarchistlibrary.org/library/emile-armand-petit-manuel-anarchiste-individualiste Petit manuel anarchiste individualiste, Emile Armand 1911
https://attaque.noblogs.org/post/2018/01/16/lindividualisme-anarchiste-dans-la-revolution-sociale/ Mario Ferrento (alias de Renzo Novatore), Extrait de Il Libertario, n°738, 739 du 6 et 13 novembre 1919

Jascques Rancière : Le maitre ignorant, Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, 1987

Daniel Guérin, L’anarchisme, 1965

Mots-clefs : anarchisme

À lire également...