Introspection révolutionnaire et synthèse critique du milieu autonome : NUMERO 2.5

On ne peut que troller la réalité, celle qui manque de sérieux lorsqu’elle s’en revendique. Le LOL vaudra toujours mieux que les « Amen » de l’enrégimentent.

Pastiche s’applique à la recomposition d’une intelligence collective et critique.
Pas à la polémique vide de sens, mais au débat.
Par un travail de synthèse entrepris vers le dépassement.
Pastiche pense la nécessité du conflit, du désaccord, de l’argument contre la croyance.
Pastiche n’est pas un énième mode d’emploi subversif.
Il n’est que l’opportunité du constat, du raisonnement et de la contradiction.

Ce nouveau Pastiche a été rédigé à la mi-novembre 2018, il est la suite logique des numéros précédents :

Il s’agit de tenter une lecture du présent par l’entrecroisement des divers processus à l’oeuvre, économiques, culturels, technologiques et « critiques ».

Il traitera de l’ironie, de la situation, des utopies modernes, du mouvement révolutionnaire, autant que de l’ironie en tant que crise, en tant que phénomène social, en tant que manifestation de prudence ou de désinteret, envers les persistances, du dogme, de la foi.

EXTRAIT :

Ironie.

Des vœux de décroissance à la férule Anthropocène, ceux qui nous conviaient hier à l’éveil des consciences exigent désormais une politique « radicale », usent du slogan sans doute le plus autoritaire que le pouvoir politique ai jamais eut en sa possession : « Sauver la planète ».

Pas mieux.

L’être « agissant », par la moralisation de celles/ceux qui ne se donnent pas les moyens d’être « plus que ce qu’iels sont », qui consomment mal, ces primitifs qui roulent, laissent le robinet d’eau couler à perte, qui la détruisent, la planète, parfaitement. Trop servile pour comprendre, il faudra bien sauver cette humanité d’elle même, la rééduquer encore, lui écarter les paupières afin d’y verser l’ordre du jour, les étapes, l’idéal, tout un programme, politique, sociétal, spirituel.

Ironie.

Quand quelques animalistes politisent leur sensibilité, revendiquent l’antispécisme comme une extension de l’humanisme, de l’égalité, se soucient néanmoins d’avantage de la condition du porc européen que de l’ouvrier-e de Foxconn, dispute du contrôle du vivant, guère du contrôle des corps qui sévit dans la région du Xianjin.

Se refusent à avoir une vision d’ensemble des formes de marchandisations, de sophistications et d’exploitations en mouvement et donc du capitalisme. N’interprètent rien des signes forts de l’époque, s’étoilent sous les phares médiatiques sans débattre du fond, de la chosification des êtres, de l’organisation répréssive des espaces, de la visée commerciale de l’existence, se sont choisis un combat, se sont réduits à la militance.

A = B ; dépassement.

Ironie.

Pester l’encadrement anxiogène des mouvements sociaux, snober les formes de contestations non-ritualisées. Les limites du militant révolutionnaire sont claires, ce qui s’érige hors de ses traditions lui échappe complètement.

Que quémande le militant révolutionnaire ? Un sujet historique conscient du devoir qu’il a de se dépasser lui même par la volonté d’une conscience de classe en granit ?

Science-fiction.

Il faudra bien retrouver un semblant de mémoire collective ailleurs que dans l’éloge du prolétariat céleste. Conjuguer nos a priori selon la progression des solidarités effectives et des formes de désolidarisations collectives à l’égard de pratiques répugnantes ou vis-à-vis de soutiens réactionnaires, pas avant. C’est par le développement dynamique des actions et des idées qu’il sera possible de se reconnaître en tant que classe et donc en tant que sujet. Par le développement dynamique, une temporalité structurante, qu’il sera possible de faire le bilan de ce qui pour l’instant peut s’apparenter à une agitation antifiscale effectivement en mesure de faire émerger des néo-leaders en BBR assis sur les effets de la prolétarisation/paupérisation, pour autant...

La contestation est disparate, les enjeux le sont aussi.
La confusion relève de notre siècle, nuance ≠ trahison - Temps long.

Ironie.

Puisque par un fétichisme de la mobilisation, l’opportunisme autonome se réjouit au premier jour - comme il s’est réjoui de tous les faux-départs de foules dont il envisageait naïvement des potentialités toujours inédites - de l’apparition d’un « peuple », apolitique, interclassiste et prônant l’action « citoyenne ». Pour quelques espoirs de zbeul peut-être, cet enthousiasme immédiat justifiera la pertinence d’un mouvement jusqu’alors ambigu par le culte du blocage, selon les critères de « l’efficacité », de la performance, de la « mise en œuvre remarquable des actions », et non plus selon l’objet d’une lutte, de son dessein, de ses limites ou de ses contradictions.

Le langage de l’économie, ou l’économie réelle de la pensée.

Ironie.

Si le feuilleton des apprentis insurrectionnalistes s’achève sur des projets agricoles en accord avec la préfecture, le ministère de la transition écologique et solidaire, alors, on peut bien loler tant qu’on veut et s’en foutre, du sage destin des avant-gardes enracinées.

De toute façon, qu’auraient été la plupart des « communes » historiques sans la base d’un héritage ? Sans les prêts de bonnes familles conciliantes ?

Que serait la mascarade de « l’auto-subsistance » des réseaux de coopératives agricoles autogérées sans les dons en francs suisses ?

¯_(rien)_/¯

Alors, pourquoi venir saouler d’Autonomie ceux/celles qui survivent si loin des rentes ? En faire une exemplarité à suivre ? Pourquoi griser d’épopées pastorales ces non-initiés qui fourmillent loin, loin des affinitarismes surqualifiés confédérés en groupe d’influence, en comité, en parti ?

Autonomie d’emprunt à la redéfinition si particulière, petites élites artisanales s’organisent en PME, pratiquent la transhumance et l’entrisme en attendant la fin d’un monde.

Éloge de l’exode urbain, jusque dans les institutions bourgeoises dites « camarades ».

Là où le mépris de classe opère,
les bergers hurlent aux privilèges.

Alors ?
Pourquoi ?

La fierté ? Le pouvoir ? L’ambition ?

Pour cette représentation officielle de la pluralité des conduites ? De la « détermination » administrative et pacifiée ?

Diversité réglementaire, sorte d’exposition alternativiste à l’air libre - Christiania - dans laquelle le touriste en sac de couchage ira faire son safari estival, en parlera comme d’une « Expérience ».

EXTRAIT :

L’expérience en tout lieu, dégustation de boisson japonaise dans supermarché ethnique, conversations avec filtres dernier cri proposés par application mobile, film pornographique en réalité virtuelle, drop surprise de sneakers, soirée BDSM, aventure Airbnb, collaboration inattendue entre fabricants à la mode, émeute...

Mimétisme & Perspectives.

L’expérience est l’acte conscient de sortir de l’ordinaire, de divertir son ennui, elle est la « situation » dénoyautée, la promesse d’euphorie assurant la pérennité du vouloir-besoin, son échéance.

Ce qui se limitait au tourisme, à la recherche d’un exotisme préfabriqué, ou à l’essai d’une énième technologie « révolutionnaire », la société publicitaire intégrale l’a déployé sur toute la psychologie du quotidien.

On expérimente tout, car on ne peut plus se reconnaître en rien.
L’isolement est si grand qu’il n’est plus isolement mais sentiment d’irréconciliable.

La multiplication des adjectifs talonnent la multiplication des identités. Les descriptions sommaires s’enflent de profondeur, les dénominatifs s’empilent dans l’espoir d’être soi.

Comme le « désir »,

Anal-bondage-blowjob-fetish-red head-hentai-rough-

l’individu n’échappe pas aux licences

Sapio-auto-omni-demi-gyno-fluide-binaire-pan-

Déconstruire les normes assignantes, reconstruire des normes assignantes.
Ouvrir l’enclos, agrandir l’enclos, refermer l’enclos.

Une sur-catégorisation individuelle qui ne semble pas seulement être une « avancée progressiste dans la conquête de soi », mais aussi une forme d’orientation générale vers une politique de sur-identification commerciale (Fiche technico-émotionnelle pour sites de rencontres, Personal Branding // One-to-One-Marketing, Profil-client).

Anecdote : le foisonnement d’épithètes accessibles sur un nombre toujours grandissant de plateformes.

L’identité subjective, une culture en #mot-clefs.

Pour être reconnue, l’individualité doit être apte à se reconnaître, à s’identifier, c’est la seule façon par laquelle elle pense pouvoir se rencontrer ; en quête du singulier, et donc inapte à pouvoir être autre chose.

Dépossédée de récits collectifs, de toutes mémoires lui étant antérieures, l’individualité 2.0 ne peut qu’alterner en costumes, en transformations, elle ne peut tenter de « se trouver » qu’en se cherchant sciemment, et ce par l’intermédiaire de désignations toujours transitoires et des rapports éphémères qu’elles supposent. Son mal-être, considéré par le prisme des affects ou de la pathologie, guère par l’expansion d’un système inconstant et creux devenu inhabitable. Elle alterne en crises personnelles, en courses hésitantes, fait dans le figuratif, dans la figuration, s’inflige le devoir d’être elle même qui la balade sur les berges d’une volonté envahie par l’astreinte.

Ne découvre nulle part aucune consistance, des postures, des narrations assujetties au géocentrisme intérieur. Elle se découvre en récipient à culture, à représentations.

Des vedettes, tatouées sur le visage, chevelures multicolores, atteintes de Vitiligo... Excentricité et « weirdos » marketés en monstre de foires.

Apologie de l’extra-ordinaire, du « Freak », du signe distinctif...

L’exaltation de l’individu se joint à celle de la différence, se présente comme un Moi authentique à saisir dans l’urgence existentielle.

De l’être atypique à son injonction, d’exprimer son singularisme, sa créativité, « quelqu’un de spécial ».

Sans histoire ni sujet, l’individualité meurtrie est réduite à sa constante ré-invention.
Sans projets historiques, elle concentre ses efforts sur son propre développement.

L’expérience intervient là, pallie cette vacuité, devient une manière de tutoyer l’entrain placarder sur son malaise, de consommer son espace-temps solitaire et sans contenu, une manière de permettre à ses errements d’atteindre une certaine densité, d’en faire un récit, une mémoire.

L’expérience est la forme corrompue du désespoir, elle ne permet pas de changer la vie, mais d’en jouir par épisode.

Trop exhortée à survivre pour mourir entièrement,
trop alourdie d’ironie pour subsister au delà.

La totalité de la brochure Format PDF, ici :

Mots-clefs : brochure | auto-critique

À lire également...