26 mai 2016, Paris.
Une manifestation radieuse aujourd’hui (Bastille-Nation) avec un cortège de tête qui ne cesse de prendre des couleurs, de l’ampleur, de la force, de la souplesse, de l’amour, et dedans, la belle bande de Debout Place des Fêtes. Beaucoup de belles rencontres, des visages que l’on reconnaît de blocages effectués la semaine, d’AG, de réunions de quartier... Nous sommes parvenus à libérer le départ d’une manif sauvage qui s’était fait nasser et noyer de gaz. A l’intérieur de cette nasse, une mamie se faisait protéger par les fameux, les terribles casseurs, ces nihilistes acharnés, Sarah m’a raconté comme fût beau, ces gaillards entourant leur grand-mère dans les gaz. Nous de l’autre côté, à force de pression sur la ligne CRS, des CRS agressifs, très tendus (et si demain le propriétaire de la petite Fiat blanche s’aperçoit que son pot est défoncé, c’est une grenade de désencerclement qui a pétée sous sa bagnole, c’est pas nous), agressifs, les flics gazaient, tendus, ils avançaient, mais nous revenions, mais nous maintenions une belle pression. Nous ne les avons pas lâchés, nous avons harcelé les flics et les flics ont dû céder. Quel bonheur de voir revenir les amis qui se faisaient gazer depuis ce quart d’heure. Puis cette si belle tête de cortège repartir au complet, repartir de plus belle. L’arrivée, bon, bein j’en ai encore les yeux qui piquent, ô mais le phoenix en feu devant le mur anti-émeute avait de la gueule.
Au retour sur la place de la République, une AG inter-fac / lycéenne joyeuse, offensive, pleine et qui ne se contenterait pas d’attendre le 14 juin. Et puis quoi encore ? Puis l’AG de Lutte aussi très offensive, agrémentée qui plus est d’une manif sauvage des plus piquantes puisqu’il s’agissait de foncer sur des studios de France 5 du côté Oberkampf ou El Khomri, nous l’apprenions, allait radoter. Je vois Stéphane qui agite son bras dans un groupe qui part vers le Boulevard Voltaire, je fonce. Telle une pygargue sauvage, cette manif partie depuis l’AG fut une victoire. Dans la cour où nous sommes parvenus à entrer avant qu’ils ne bouclent la porte, nous étions peut-être deux cents dans cette cours d’immeuble, nous avons chanté, nous avons joué du tambour sur la porte métallique du studio, ça sonnait vachement bien. Quel vacarme. La ministre est repartie, une porte dérobée sans doute, le direct fut paraît-il annulé. Prévenus par les copains qui faisaient le guet dans la rue, nous avons alors pris la poudre d’escampette au moment ou les flics s’amenaient. Seulement leur véhicules encombraient la chaussée, créant un bel embouteillage qu’ils ne pouvaient pas remonter avec leur déguisement de homard... Ils ont, pour ne pas faire trop carafe, fait semblant de protéger l’entrée du studio, ça faisait un grumeau de flic devant une entrée d’immeuble pendant que nous prenions le large. De petites rues en boulevards, nous en profitâmes pour visiter les abords. Entre deux clameurs invitant Paris à se mettre Debout, à se soulever, ou bien les parisiens des terrasses à ne pas nous regarder, mais à nous rejoindre (y a quand même des cul qui collent et qui ne savent pas ce qu’ils ratent), entre deux clameurs, donc, nous fîmes faire demi tour à deux voitures de flics égarées, elles déguerpirent, effrayées, vers Bastille d’où nous partions tout à l’heure. Alors certains poussèrent jusqu’à rue Keller, ils avaient soif. Je suis revenu vers cette Place, reprendre le cours de notre AG de Lutte qui augurait de belle décisions.
C’est comme ça qu’elle est belle cette Place et qu’elle prend toute sa raison d’être. Une AG de Lutte chaude, emplie d’une belle journée, d’une belle semaine même et qui vient déborder le filet tiédasse de l’assemblée populaire ou l’on ne sait plus très bien qui dit quoi... On peut se réaproprier l’espace, la parole et tout ce qu’on veut, sans pour autant se dispenser de produire des idées de lutte, des actions sauvages, spontanées, drôles et qui joignent le geste à la parole. Un délice de début de soirée, une assemblée de Lutte dense, il y avait là, la commission Grève Générale, des grévistes (cheminots, postiers...), des précaires, l’inter-fac, le comité action... bref, quelques drôles d’oiseaux.
Un beau programme à venir.