Il y en a tant. Dans les villages et sur les toits. Camouflées en arbre parait-il parfois, le long des rails et des routes. Elles tissent le fil invisible d’une prison de fibres et d’ondes. Matière première de nos cancers et de nos futures dépendances, les antennes-relais prennent du galon. La 5 G qui n’est qu’une extension de ce que nous connaissons, non une nouvelle génération mais une intensification du même quadrillage.
On s’habitue aussi bien à d’autres ravages, pourquoi pas celui là... où jusque dans nos relations viennent se greffer des applications toujours nouvelles, toujours plus intimes. Ce n’est rien de plus qu’une nouvelle étape qui dit bien que cela ne s’arrêtera pas là, à moins que nous y mettions un frein.
C’est annoncé partout, nous aurons la 5 G coûte que coûte car la concurrence mondiale l’impose, malgré les refus et les oppositions qui ne cessent de monter en puissance.
Mais partout en Europe, on sait aussi qu’elles sont la cible d’attaques répétées, et on est loin de pouvoir imaginer toutes les résistances qui côtoient une indifférence tout aussi diffuse. Dès 2019, la journée mondiale contre la 5 G a réuni plus de 230 manifestations dans 38 pays européens. Puis en 2020 c’est un appel international qui lance avec succès une campagne diffuse contre les antennes-relais.
En France, en avril 2020, « une vingtaine de sabotages d’antennes-relais et de destructions symboliques ont été recensés » selon le Parisien. Cela n’a pas cessé depuis, plus de vingt-cinq sabotages sur tout le territoire français : en Haute-Savoie, Alpes-Maritimes, à Douai comme dans les Ardennes, Ardèche, dans le Vercors, en Haute-Garonne, dans les Côtes-d’Armor, le Morbihan et dans le Finistère, en Isère, dans la Drôme et les Alpes-Maritimes, en Haute-Savoie, en Aude et à La réunion entre les mois de mai et de juillet 2020. Le 3 mai à Argenteuil et en Val de Marne, ce sont des points névralgiques des réseaux de communication de la région dont les câbles ont été sectionnés. Cela a provoqué des coupures d’internet, du réseau mobile Orange, la perturbation du réseau de vidéosurveillance. Le télétravail, en période de confinement, y a été rendu impossible. Les communications des services de police furent perturbées elles aussi, et des données perdues.
Nous ne doutons donc pas que beaucoup de monde rêve de les voir tomber. Qu’au fond mieux vaut un vieux frigo qu’une leucémie, une insomnie amoureuse que les yeux fatigués d’une série regardée jusqu’au bout de la nuit. Et que la télémédecine ne soigne pas mais compense comme elle peut la désertification et la privatisation de la santé.
Dès l’annonce de leur installation, les antennes-relais sont souvent contestées par des collectifs citoyens ou des assemblées riveraines. Depuis la propagande en début d’année pour annoncer en grande pompe l’arrivée de la 5G, les appels à campagne, les assemblées d’habitants et des déclarations des maires de certaines communes se sont multipliés. La Cour d’appel de Versailles vient de donner raison à trois couples d’une commune du Rhône, qui réclamaient le démontage d’un émetteur de Bouygues Télécom du fait du risque sanitaire induit par l’appareil. La plupart du temps cependant les recours légaux s’avèrent inefficaces ou trop tardifs. C’est pourquoi les actions se répandent, et ce de la part de personnes de toutes tendances, de tous les coins de France et au-delà en Europe. L’opposition grandit et s’enrichira de la multiplicité des formes qu’elle prendra.
L’appel d’offre aux opérateurs pour finir d’acheter aux enchères les bandes fréquences accordées par l’État contre l’équipement en 5G de tout le territoire est prévu à l’automne 2020, et en attendant, perquisitions et procès commencent déjà à être lourds de peines. L’enjeu est bien sûr financier mais surtout politique ; sans la numérisation du monde on peut encore espérer échapper au fichage général et à la distorsion sociale où toute relation est passible d’être enregistrée et programmée. Des unités de renseignement policier et des brigades se voient donc destinées tout particulièrement à la traque aux réfractaires de la 5G.
Ce mois de juillet, deux procès ont déjà eu lieu. Un dans le Jura, le 20 juillet, où deux personnes ont eu 3 et 4 ans de prison. Un à Lille le 30 juillet, où un an et 9 mois ont été requis contre deux personnes et deux autres ont eu un 12 et 8 mois de sursis pour association de malfaiteurs. Un des prévenus déclara lors du procès le 30, « je suis contre la 5G, qui a des effets néfastes pour la santé et l’environnement, et je comprends que des gens non violents à l’origine aient recours à la violence pour faire valoir leurs idées. »
Comme le souligne la procureur dans le Jura, le monde tactile et numérique est d’usage même parmi ceux et celles qui en souhaitent la fin. En effet, les prévenus avaient des portables, et rares sont les personnes aujourd’hui qui n’en ont pas en France. La contradiction utilisée par les procureurs lors de ces deux derniers procès, sur la possession de portable de la part des prévenus, est tristement l’aveu de leur propre incapacité à répondre aux revendications concernant l’opposition à la 5G dont la liste ne cesse de s’étendre ; que nous devions travailler et vivre tant bien que mal dans un monde connecté n’est pas un argument, sinon aucune résistance historique n’aurait pu tenir bien longtemps. C’est bien parce que nous l’utilisons que nous connaissons ce que cela détruit au quotidien. Et nous avons pu voir lors du confinement où le numérique s’est imposé comme salut au maintien de l’ordre combien l’extension du domaine des ondes n’est pas une affaire personnelle mais dessine des rapports sociaux sous contrôle continu.
Nous saluons ceux et celles qui se retrouvent aujourd’hui incarcérées en rappelant que l’opposition continue à se diffuser.
Ceci n’est pas un requiem pour l’Arctique. Nous défendrons ce qui reste.