Après près de deux mois de préparatifs et d’échanges avec des groupes d’exilé.e.s nous avons lancé cette occupation dans l’optique d’exiger logements et papiers pour les occupant.e.s et de constituer un mouvement capable de contester frontalement les politiques migratoires racistes et inhumaines de la France et de l’Union Européenne.
Notre action poursuit et vise à amplifier un mouvement d’occupations d’universités par des exilé.e.s lancé cet automne à Nantes, à Lyon, à Grenoble et à Poitiers. Elle se positionne aux côtés des mouvements d’exilé.e.s et sans-papiers, des collectifs et des associations qui luttent contre le règlement de Dublin et l’arbitraire des politiques migratoires.
Ces occupations, encore trop isolées, doivent essaimer partout où cela est possible. C’est pourquoi nous appelons étudiant.e.s, universitaires et tout.e.s celleux qui s’opposent aux politiques migratoires racistes à poursuivre et à intensifier ce mouvement d’occupations. C’est la prolifération et la mise en réseau des occupations qui permettra l’émergence d’un mouvement d’opposition fort, porté par les exilé.e.s ; capable d’obliger les gouvernements européens à régulariser l’ensemble des exilé.e.s, à leur fournir un logement, à garantir leur liberté de circulation et d’installation et à mettre un terme au règlement de Dublin ainsi qu’aux politiques migratoires racistes. À l’heure où des Assemblée Générales et des occupations se tiennent dans de nombreuses universités, l’occasion d’une convergence pour s’opposer à toute forme de tri des exilé.e.s et des étudiant.e.s ne peut être manquée.
Quels que soient leurs statuts, les exilé.e.s sont contraint.e.s de dormir dans les rues, où ielles sont quotidiennement frappé.e.s, gazé.e.s, réveillé.e.s par les gyrophares en pleine nuit, leur matériel de survie détruit ou volé par la police. Nombre d’entre elleux se suicident. D’autres meurent de froid dans l’indifférence. À l’OFPRA, à la préfecture, à la CNDA, dans les CRA et dans les commissariats, ielles sont sans cesse confronté.e.s à l’arbitraire et l’opacité des décisions. S’ielles sont dubliné.e.s, ielles sont séquestrés avant d’être renvoyé.e.s de force dans les pays aux marges de l’Union Européenne - pour la plupart durement frappés par une crise économique - auxquels la France délègue la répression bureaucratique et policière des exilé.e.s. Ce traitement abject vient alourdir la longue liste des traumatismes causés par leurs parcours migratoires. Ielles ont dû payer le coût exorbitant de la traversée meurtrière de la Méditerranée par le travail forcé, l’esclavage et la captivité en Libye. Dès leur arrivée en Europe ielles sont traqué.e.s, violenté.e.s par les policiers et forcé.e.s de donner leurs empreintes. Ces conditions de précarité et de détresse psychologique annihilent toute possibilité de défense collective. Lorsqu’ielles tentent de protester c’est la répression toujours plus violente qu’ielles rencontrent – comme à Calais fin janvier où l’un d’entre elleux a eu la moitié du visage arraché par un tir policier.
À la lumière de ce constat, l’occupation nous apparait comme un moyen d’offrir du temps et des conditions d’existence stables, permettant aux exilé.e.s de s’organiser et d’exprimer leurs propres revendications. Elle constitue un contrepoint aux solidarités de type humanitaire – qui reprennent trop souvent les catégories et les pratiques de l’État – en faisant des exilé.e.s les sujets de l’action politique et non pas les destinataires passifs de l’aide. Contre l’atomisation des individu.e.s condamnant les exilé.e.s à des stratégies de survie et à l’aide juridique personnelles, elle prouve en pratique qu’une réponse résolument collective est possible et ouvre des perspectives politiques plus larges.
Pour nous, l’occupation s’est construite conjointement avec des groupes d’exilé.e.s vivant pour la plupart à la rue. Nous nous sommes rencontré.e.s en maraude et à travers des assemblées de rue, où l’idée d’occuper des universités a été discutée. Depuis nos premiers échanges, tout s’organise dans plusieurs langues avec le concours d’interprètes parfois elleux même exilé.e.s. Nous avons vite pris conscience que la peur de les exposer à une répression supplémentaire n’était que très peu partagée par les principa.le.ux concerné.e.s : ces risques, ielles y sont confronté.e.s au quotidien et bien plus durement lorsqu’ielles sont à la rue.
Sans pour autant prétendre à servir de modèle, nous invitons tou.te.s celleux qui souhaitent s’organiser à venir nous rencontrer, partager doutes et expériences, chercher un soutien logistique, se coordonner et inventer des actions conjointes.
Les soutiens aux exilé.e.s occupant.e.s de Paris 8