Il est 5h30 du matin, entre porte de Clignancourt et porte de la Chapelle, les rues sont quasi désertes. Sur la petite ceinture, en partie sous un pont ferroviaire il y a pourtant déjà des gens levés. C’est en effet ce matin que doit avoir lieu l’évacuation du bidonville, on préférera le terme de Platz, formé ici par une communauté Rom. Plus de 200 personnes ont vécu ici dans des conditions difficiles, dans des cabanes disposées de part et d’autres des rails, elles sont moins d’une centaines encore présentes sur les lieux ce matin, certaines étant repartis en Roumanie, d’autres ayant préférées partir dans d’autres camps avant l’évacuation d’aujourd’hui.
Evacuation du bidonville de la petite ceinture
Récit par le collectif La Meute de l’expulsion du bidonville de la petite ceinture qui a eu lieu mardi 28 au petit matin. Celle-ci est survenue en pleine trêve hivernale, au motif que l’installation sur les voies ferrées constitue une exception à la trêve.
Ce n’est pas la première évacuation que connaissent les gens qui vivent ici, c’est la quatrième fois que le platz est détruit puis réinstallé. L’évacuation pose des questions, combien y’aura-t-il de places d’hôtel disponible ? On entend le chiffre de 130, où seront les hôtels ? En effet des hommes et femmes travaillent et certains enfants sont scolarisés non loin, une trop grande distance géographique serait problématique, et puis combien de temps les hôtels les accueilleront-ils ? Il n’existe pas de logements qui leur est accessible à long terme.
À notre entrée dans le platz vers 6h les bénévoles de Bâtisseurs de Cabanes ainsi que École dans la rue sont déjà présent.e.s, iels sont régulièrement sur le camps. Bâtisseurs de Cabanes et d’autres associations ont aidé, il y a quelque temps, à construire un escalier pour faciliter l’entrée et la sortie du Platz à l’une des extrémité de celui-ci, ce qui évite de passer par des entrées plus difficilement praticable notamment pour les enfants et les personnes plus âgées. École dans la Rue font quant à elles et eux, entre autres, un travail de scolarisation auprès des enfants et organisent des sorties pour les familles. Des bénévoles du Secours Catholique - Caritas France et Les Enfants du Canal arriveront avant 7h.
On attend autour de braseros ou à proximité de l’escalier l’arrivée des forces de l’ordre. Cela nous donne l’occasion de discuter un peu, on apprend notamment qu’un enfant est partis en colonie de vacances et n’est pas au courant de l’évacuation imminente. Les habitant.e.s sont chaleureu.x.ses malgré la situation, les enfants que l’on croise disent bonjour, certain.e.s jouent avec des bénévoles des associations. Les évacuations sont généralement faites à 6h du matin le mercredi, cette fois ça sera un mardi, à 7h.
Une dizaine de cars de CRS bloquent bientôt le Boulevard Ney, des CRS descendent sur les voies de chemin de fer et remonte la totalité du platz demandant aux gens d’évacuer, répondant parfois aux enfants qui leur disent bonjour. Ils sont équipés en tenues anti-emeutes (sans bouclier) avec des masques anti-microbiens pour certains, des LBD 40, et... d’un fusil d’assaut. On interroge les CRS sur la nécessité du fusil, « On nous a demandé de le prendre. », si c’est demandé alors... Le tout se déroule sous la lumière d’un grand projecteur installé en surplomb par les forces de l’ordre à leur arrivée. Il est 7h22.
Moins de 20 minutes plus tard tout est vide, des bénévoles aident les dernières personnes à récupérer des affaires pendant que les CRS inspectent à la lampe torche les recoins pour vérifier que personnes ne reste derrière. On nous demande de sortir. Sur le trottoir les habitant.e.s du platz sont amené.e.s à des bus. Des policiers en civil filment. De nouveau on vient nous demander de libérer l’espace et d’aller voir « l’officier de presse ». Finalement « l’officier de presse » nous fait reculer jusqu’au journalistes présent.e.s qui sont empêché.e.s d’approcher par un cordon de CRS. On répond à nos questions par « il y a une opération de police », pas très expansif l’officier. Les médias présents n’auront pas ou peu de réponses, leurs accès au lieu étant impossible. La destruction des cabanes devrait intervenir dans la journée.
On retiendra que l’évacuation s’est faite sans violences, que les forces de l’ordre ont essayées de rester relativement discrets en cachant le déroulement de l’évacuation aux médias arrivés sur le tard. Mais également on soulignera le travail des associations qui tentent de faire ce qu’elles peuvent pour aider les habitant.e.s de ce platz. L’association École dans la rue a d’ailleurs besoin de bénévoles et de soutiens afin de continuer à suivre les familles Roms du platz même si celles-ci sont dispersées.
La Meute.