Enfermés, sans eau et sans WC : à Green Dock et Amundi, le calvaire des militants écolos

Frappés, arrêtés, privés d’eau, de WC et de nourriture... Les mobilisations contre TotalEnergies et Green Dock ont vu la police se lâcher sur les écologistes. Reporterre a recueilli leurs témoignages.

« Le but, c’était de faire la fête », insiste Malo*. En ce vendredi 24 mai, une sono, des décors étaient prévus. L’objectif : dénoncer les investissements de TotalEnergies dans les énergies fossiles, à l’occasion de l’Assemblée générale de la multinationale. Le rendez-vous était fixé devant l’un de ses principaux actionnaires, la société de gestion d’actifs Amundi, dans le 15ᵉ arrondissement de Paris. Mais la mobilisation s’est transformée pour lui et ses camarades en journée infernale.

Selon les témoignages recueillis par Reporterre, environ 450 personnes [1] ont été nassées devant le siège de la multinationale, à partir de 11 h 15. Objectif pour la police : retrouver ceux qui, une heure plus tôt, avaient cassé une vitre et redécoré le hall d’entrée de l’immeuble Amundi avec de la peinture et des tags. Dans la bousculade, dix vigiles auraient été blessés, neuf transportés à l’hôpital, selon la police.

« J’ai soigné des personnes mordues au sang par les vigiles », indique un médic. En tout, 173 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue. Cinquante d’entre elles ont dû rester jusqu’à presque minuit dans un bus où il faisait extrêmement chaud, sans possibilité d’aller aux toilettes, de manger, de voir un médecin et avec une quantité d’eau extrêmement limitée. Chez Extinction Rebellion (XR), qui organisait la mobilisation, on n’avait jamais vu autant de gardes à vue, des privations de liberté aussi longues et dans de telles circonstances.

Une ambiance qui a donné le ton du lendemain lors d’une autre mobilisation écologiste : entre 1 000 (selon la police) et 2 000 personnes (selon les manifestants) ont défilé le samedi 25 mai contre le projet d’entrepôt Green Dock, à Gennevilliers. Selon les témoignages recueillis par Reporterre, un cortège détaché de la manifestation principale a été chargé par la BAC (Brigade anticriminalité), armée de LBD et de gaz lacrymogènes. Bilan : cinquante-neuf interpellations [2]. La police craignait que ce groupe aille mener des dégradations.

Alors qu’un rapporteur de l’ONU qualifie la France de « pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux », deux jours de suite, un très grand nombre d’interpellations et gardes à vues, parfois violentes et dégradantes, ont visé des manifestants écologistes. Reporterre a recueilli des témoignages de participants à ces deux journées.

Retenus sans explication

Le vendredi, devant Amundi, « c’est vers 11 h 15 qu’on a compris qu’on ne pouvait plus partir », se souvient Mat*, membre de XR. « Les policiers nous donnaient très peu d’informations : pourquoi ils nous retenaient, est-ce qu’on allait être interpellés ? Ils voulaient faire des contrôles d’identité, on a refusé pour éviter le fichage. » Hadrien Goux est arrivé justement à ce moment-là. Salarié de l’association Bloom, qui a porté plainte contre TotalEnergies, il était accompagné de l’un des autres plaignants : Benjamin, Belge de 17 ans, non francophone.

Le jeune homme a failli mourir lors des inondations de 2021 en Wallonie et y a perdu Rosa, sa petite amie. Alors qu’ils ne pouvaient manifestement pas avoir participé aux dégradations, « personne ne nous a prévenus que si on entrait, on ne sortait pas », indique le responsable de campagne énergies fossiles. Ils ont enchaîné les entretiens avec la presse, et « on ne s’est rendu compte qu’on ne pouvait pas sortir que vers 13 ou 14 heures. »

Notes

[1Entre 350 et 600 selon les témoignages.

[258 selon la préfecture de police, 59 selon le parquet.

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