En guise d’hébergement, le centre de rétention...

Jeudi 31 mars à Stalingrad, des migrants ont été raflés et se sont retrouvés emprisonnés en centre de rétention alors que l’opération policière ressemblaient aux opérations de communication que la mairie de paris appelle mise à l’abri. Invisibilisation, parcellisation des cas, arbitraire du traitement social, répression policière ou judiciaire devant la moindre tentative de traduction politique des revendications... Sans refus et résistance collective dès maintenant auprès de celles et ceux qui les subissent ces formes de gestion des populations sont destinées à s’étendre à toutes et tous.

Depuis quelques mois, le travail de la police parisienne consiste à violenter les exilé-e-s pour les empêcher de se regrouper ou à escorter les salarié-e-s de l’humanitaire pour évacuer les campements qui ont malgré tout pu se former.

Évacuer ces campements, cela signifie encercler les migrant-e-s puis les faire monter dans des bus pour les emmener dans des hébergements, souvent lointains, dont, à part les organisateurs et organisatrices de l’expulsion, la préfecture, la mairie et les humanitaires, personne ne sait rien : ni les lieux, ni la durée ni les conditions d’accueil et de vie.

À Paris, c’est Emmaüs, qui assure le volet humanitaire, l’association étant en autre missionnée pour le « diagnostic social des campements », comme ils disent. Donc, lors des évacuations, il y a toujours Emmaüs. Parfois il y a aussi des bus de la BAPSA (Brigade d’Assistance aux Personnes Sans-Abri, qui dépend de la Préfecture de Police) pour conduire les réfugiés vers les centres de la Boulangerie ou celui de Nanterre. Cette Brigade est un service de police qui n’est censé intervenir que sur demande d’un commissariat, d’une mairie ou du Samu social pour emmener les personnes en grande difficulté vers des hébergements pour une nuit.

Ce jeudi 31 mars, au métro Stalingrad, alors qu’une vingtaine de flics contrôlaient trente migrants, Emmaüs était là, et notamment le salarié qui coordonne les opérations de diagnostics et d’évacuation. L’interprète et la BAPSA étaient également de la partie. Bien sûr, les flics étaient très agressifs, ils s’en prenaient à toute personne qui posait des questions et ils ont même essayé de rattraper deux migrants qui, profitant d’un moment d’inattention, se sont enfuis en courant. Mais à part ça tout semblait en place pour que le camion BAPSA prenne la direction d’un hébergement d’urgence. Seulement cette fois, en guise d’hébergement, c’est le commissariat de la rue de Clignancourt qui a été proposé aux réfugiés, puis, pour quinze d’entre eux, le centre de rétention de Vincennes, la prison où on enferme les personnes sans papiers pour les expulser.

Parmi les migrants interpellés, plusieurs revenaient d’une église située à deux heures de Paris où la veille, lors de la grande opération d’évacuation pour laquelle la mairie se vante d’avoir hébergé plus de 800 personnes, la police les avaient conduits, mais où rien ni personne ne les attendait. Ils étaient donc revenus au point de départ, l’endroit qu’ils connaissent, où ils se retrouvent, où on les a aidés, Stalingrad, y retrouvant sans doute quelques unes des 100 personnes laissées sur le carreau la veille. Parmi les migrants raflés ce jeudi 31 mars juste parce qu’ils étaient là, à Stalingrad, à côté de l’ancien campement maintenant entièrement grillagé pour éviter toute réinstallation, il y avait aussi un mineur reconnu par l’Aide Sociale à l’Enfance qui, lui aussi, a atterri au centre de rétention, et plusieurs personnes ayant entamées leurs démarches de demande d’asile.

Les personnes arrêtées ce jour là sont pour la plupart sorties ce week-end sur décision préfectorale (on ne peut par exemple placer en rétention un mineur ou une personne en cours de demande d’asile) ou après passage devant le tribunal administratif grâce à des recours faits par l’ASSFAM (Association Service Social Familial Migrants). Certains sont encore enfermés et verront le ou la juge du tribunal administratif lundi 4 avril dans l’après-midi.

Serait-ce donc les nouvelles stratégies des autorités parisiennes pour faire disparaître les migrants et migrantes des rues de la ville et empêcher toute lutte et visibilité ? Peut-être faudrait-il arrêter de considérer que la présence d’Emmaüs ou de la BAPSA ou la couleur rose de la Mairie de Paris sont synonymes d’hébergement d’urgence.

Il faut aussi regarder ce qui se passe ici dans un contexte européen. En moins de 24 heures, des lieux estampillés « Centres d’accueil » se sont transformés en « Centres de rétention ». La Turquie est devenue le meilleur allié de l’Union européenne en sous-traitant les expulsions vers des pays en guerre tels que l’Afghanistan ou la Syrie. L’État français vient d’ailleurs d’envoyer 122 fonctionnaires de police en Grèce qui participeront à l’effort de guerre contre les migrants et migrantes.

En l’absence de toute réflexion sur la question du contrôle et de la liberté de circulation, en l’absence d’organisation collective autre qu’humanitaire et en l’absence d’auto-organisation des migrants et migrantes qui se retrouvent coincé-e-s ici ou en attente de réponse à leur demande d’asile, nous sommes malheureusement contraint-e-s de subir tout changement de stratégie politique des gouvernant-es et de leurs auxiliaires. Face à cela, continuons à essayer de nous organiser et au minimum réagissons partout où nous sommes, contre les rafles et la chasse aux pauvres et aux étranger-ère-s.

Des personnes solidaires

Localisation : Paris 18e

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