Eléments d’introduction à la notion de « sous-fascisme »

Les différentes thèses ci-dessous réunies forment un condensé d’une analyse plus vaste intitulée « Qu’est-ce que le sous-fascisme ? », toujours en cours d’élaboration.

Elles ont été rédigées principalement entre le dernier trimestre de l’année 2009 et fin 2010, puis légèrement révisées à l’été 2011 en vue de leur publication dans le numéro 36/37 de la revue Ni patrie, ni frontières ! consacré à un « inventaire de la confusion » sur les plans des idées, rhétorique et pratique entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite.

Ne serait-ce que parce qu’elle échappe à la thèse simpliste de la « convergence des extrêmes », en lui préférant une identification rigoureuse des traits caractéristiques des nouveaux phénomènes réactionnaires dont le premier est, justement, de se soustraire au marquage politique grâce au brouillage efficace des repères, une telle démarche mériterait un intérêt plus prononcé chez les révolutionnaires que celui qu’elle a jusqu’à présent recueilli. Et cela d’autant plus que, durant la décennie qui vient de s’écouler, les développements de la lutte des classes dans le centre du capitalisme globalisé ont été toujours plus imprégnés, perturbés, par la considérable entreprise de pétrification identitaire de la conscience des exploités. Celle-ci procède toujours, à la source, d’organisations ou de « boîtes à pensée » politiques. Mais elle se décline principalement sous des formes aussi diffuses que dotées d’une puissance de pénétration inédite dans les cerveaux, et ce, en raison de l’omniprésent maillage spectaculaire de nos vies, qui résulte de et accélère la dissolution des sphères intime, privée et publique ; processus qui se confond avec l’aggravation de la « séparation achevée » (théorisée par Guy Debord) en conditions d’autodestruction de l’humanité, au travers, notamment, de l’invasion généralisée du marché transgressif.

Le sous-fascisme s’inscrit dans cette tendance à l’auto cannibalisation de l’être social. Par conséquent, si nous nous penchons sur ces saillants organisés que sont les groupements politiques draguant les classes opprimées, ce n’est pas pour occulter la face cachée de l’iceberg de la réaction confusionniste, qui voit le crétinisme conspirationniste, la haine identitaire, le réflexe particulariste, se répandre dans la population à partir des connections ordinaires, si prolifiques qu’elles semblent s’effacer, entre le virtuel et le réel. Au contraire, nous pointons ces diverses organisations parce qu’elles concentrent, jusqu’à l’exacerbation, les ingrédients qui infusent le mouvement de sous-fascisation de la société. Travaillées par une recomposition permanente de leur arsenal argumentatif (accumulant au passage de lourdes antinomies), obsédées par leur apparition sous les projecteurs disséminés du spectacle, les organisations sous-fascistes sont des mutantes dégénérées des derniers développements du totalitarisme spectaculaire-marchand. Leur existence est en soi une consécration, parmi tant d’autres, de la disparition de l’idéologie au profit de la communication, mais, partant, elle vient illustrer caricaturalement ce phénomène par lequel l’idéologie tente de ressusciter au cimetière communicationnel où elle s’est échouée.

Aussi, les sous-fascistes sont-ils avant tout les marionnettes d’une grotesque représentation : ils trifouillent le vermoulu corpus esthético-rhétorique de la réaction d’antan ou s’attachent à aménager les ruines de la terreur bureaucratique, mais se calent sur les rythmes convulsifs et des derniers codes d’apparition transgressifs du divertissement fabriqué par la marchandise spectaculaire, cette forme-marchandise fluide qui, justement, s’est émancipée de l’idéologie et ses rigidités il y a un peu plus de cinquante ans. Incarnant la contradiction élevée au stade de la schizophrénie, les sous-fascistes attaquent la société de consommation pour mieux s’exhiber sur ses canapés télévisuels ou mettre à nue leurs piètres existences sur les réseaux sociaux, Facebook en tête (comme c’est le cas de bon nombre de militants du Front National, d’Egalité et Réconciliation, du Bloc identitaire, et de l’extrême-droite en général). Ils invoquent le salut de la tradition (religieuse, culturelle, politique) en oubliant qu’elle n’est plus qu’un vulgaire produit décoratif de leur confort matériel et mental standardisé, ce déversoir consumériste où leurs pulsions solvables sont constamment excitées. Ils pourfendent le capitalisme financier sans jamais mentionner que le capital est un procès en mouvement qui revêt des formes industrielle, marchande et financière, et qu’il est donc inintelligible de le circonscrire à une seule d’entre elles. Ils vilipendent la démocratie de marché, que pourtant ils servent en orientant les exploités vers de fausses cibles (comme « l’empire », les juifs, les financiers, les étrangers et/ou les chômeurs assistés », les « rouges », les « fascistes »…) et confirment leur mission de maintien de l’ordre du capital dès qu’ils accèdent à des responsabilités au sein des sphères de gouvernance.

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