Les anarchistes et le Rojava
La coalition des hypocrites
Dernièrement, la coalition des impérialistes menée par les États-unis s’est vu obligée de reconnaître la résistance acharnée des combattants et combattantes de Kobané, et les a soutenus par des frappes aériennes. Il ne faut cependant pas être dupes, ce revirement est purement opportuniste. Ils ont fait le pari que Kobané tomberait rapidement et ce n’est que parce que les unités d’autodéfense ont résisté si longtemps qu’ils se sont vu obligés d’agir. Il aurait été bien trop compliqué d’expliquer pourquoi personne ne soutenait cette ville menacée d’un massacre, que tous les médias annonçaient comme perdue, mais qui refusait de tomber. Même la Turquie fait mine de réviser sa position, mais personne ne s’y trompe, les kurdes qu’elle soutient sont ceux du clan Barzani, la bourgeoisie nationale d’Irak, et non les militants et militantes révolutionnaires du PYD qui sont en première ligne. La frontière turque n’est toujours pas ouverte, et la répression des manifestations de soutiens en Turquie nous montre bien dans quel camp est le gouvernement d’Erdogan.
Le gouvernement régional du Kurdistan en Irak, fait désormais mine de soutenir la résistance de Kobané, mais c’est bien la première fois que le clan Barzani lève le petit doigt pour les soutenir. Ce n’est cependant pas les occasions qui ont manqué. Le revirement de certains États du Golfe maintenant présents dans la coaliton ne nous trompe pas plus quand on sait qu’ils ont participé financièrement à l’armement des djihadistes de Syrie sous prétexte de lutte contre Bachar El-Assad. Au milieu de tout cela, la France après avoir soutenu les propositions inadmissibles d’Ankara et sa "zone tampon", s’aligne désormais sur celles de la coalition et fait mine de soutenir la résistance kurde. Ce revirement n’aurait certainement pas eu lieu sans les importantes mobilisations de soutien à la résistance. Cependant, les armes qu’ils se targuent d’avoir envoyé ne sont jamais parvenus à Kobané car elles ont été livrées intentionnellement aux peshmerga de Barzani en Irak.
Ne pas se tromper d’ennemis
La lutte de kobané étant désormais sous les projecteurs, il peut-être tentant pour certains de nos ennemis de transformer ce combat pour la liberté en une lutte des civilisations. Certains cherchent à nous convaincre que les kurdes, présentés comme occidentalisés, chrétiens, seraient menacés par des barbares musulmans. Remettons donc quelques pendules à l’heure, la révolution au Rojava a beau être laïque, une grande partie de la population est cependant musulmane.
Les brigades d’autodéfense regroupent tous les groupes, ethnies, et religions de la région dans leur combat contre Daesh. Les simplifications islamophobes des médias et des politiciens ne doivent pas nous tromper, le coeur du combat n’est pas une opposition entre l’islam, les arabes et les kurdes. La lutte ne se trouve pas sur le terrain de la culture, ni de la religion ou de la « civilisation » mais se situe entre une révolution multi-culturelle pour l’autonomie et une force réactionnaire à visée hégémonique. Ne nous laissons pas diviser par ceux qui voudraient instrumentaliser notre soutien, nos ennemis sont les autoritaires de toutes origines et croyances.
Soutenir et encourager la révolution
Voilà déjà deux ans que le Rojava, cette région syrienne peuplée majoritairement de kurde, s’est lancée dans la construction de son autonomie. Il faut avant tout souligner que dans cette région de peuplement kurde, toutes les cultures et religions sont traitées sur un pied d’égalité, ainsi il n’est pas rare que des cantons adoptent trois langues officielles, et que des représentants des peuples ou religions minoritaires aient une place attitrée dans les conseils. On peut ainsi trouver chrétiens et musulmans, turques et kurdes, sunnites et chiites, siègeant côte à côte, ou combattant dans les mêmes unités d’autodéfense. Un nouveau système judiciaire se met actuellement en place avec pour but principal d’installer un mode de gestion des conflits plus démocratique, visant à la réhabilitation et à la réparation plutôt qu’à la punition.
Une forme particulière d’autogestion, appelée confédéralisme démocratique ou autonomie démocratique, propose une forme de gestion collective de la société, basée sur des conseils de communes auxquels participent tous les habitants, ces communes sont ensuite regroupés en communautés de districts ou de villages, et enfin en cantons. Le but affiché est de combattre le principe d’État-nation, et de le remplacer par une confédération de communes et de canton. La résistance, tout en continuant son combat pour la reconnaissance du peuple kurde, ne pense désormais plus que cette libération passe forcément par un État, qui est désormais perçu comme un menace pour les libertés, quel que soit son origine.
La libération des femmes est un des éléments centraux, et les plus mis en avant, mais ne se limite pas aux bataillons des unités d’autodéfense féminines (YPJ). La place des femmes dans la nouvelle organisation de la société a été repensée, et certaines mesures ont été mises en place ; les représentants élus doivent maintenant être deux, un homme et une femme, et un pourcentage minimum de femmes est requis aux postes de décisions ou dans les assemblées. La polygamie et les mariages forcées ont été interdits, et des structures spécifiques composées de femmes sont chargés de ces questions ainsi que des problèmes de violences conjugales, de viols, de « crimes d’honneurs » etc.
De façon générale, nous manquons encore d’informations sur cette nouvelle forme d’organisation au Rojava, et nous n’avons pas la naïveté de croire qu’une révolution détruise du jour au lendemain les racines de toute domination. Nous ne croyons pas non plus que toutes les mesures prises soient en accord avec nos convictions anarchistes et que, surtout en période de guerre intense, une solution soit trouvée à tous les problèmes de l’ancien système. Ainsi la question sociale est rarement abordée et en tant qu’anarchistes nous ne pensons pas qu’une société aussi « démocratique » soit-elle résoudra la question sociale sans redistribution des richesses, des moyens de production, et leur gestion directe par la population. Cependant, nous avons la certitude que quelque chose de nouveau se passe dans la région, et qu’il est possible d’espérer que la révolution se renforcera, s’étendra et vaincra au Rojava.
Des armes pour Kobané !
ouverture des frontières !
Vive la révolution, au Rojava comme ailleurs !