Alors que la manifestation prenait son essor, peu après 14h30, au début du Bld du temple, un copain médic sort d’une boulangerie où il était parti s’acheter un sandwich, il entend quelqu’un l’interpeller « Photo ! », en se retournant il voit un flic en civil qui le photographie ; il s’éloigne hâtivement et est rattrapé, plaqué au sol par cinq flics en civil qui lui cognent violemment le genoux avant de fouiller son sac et contrôler son identité. Il repart avec une vive douleur au genoux et sera incapable d’assurer des premiers secours sur le restant de la manifestation. Le soir il est obligé de se rendre aux urgences avec un genoux doublé de volume. La rotule est fracturée et échappe de peu à une opération, 6 semaines d’immobilisation. Un autre médic qui protestait lors d’une interpellation à Nation, en fin d’après-midi, s’est vu roué de coups de matraques par 6 flics.
Avant les confrontations de la Place de la Nation, les seuls soins prodigués sont des nettoyages d’yeux et de visages suite à l’exposition aux gazs, peu avant l’arrivée sur la Place de la Bastille.
Un témoignage de la première charge, trouvé sur les réseaux sociaux, décrit des matraquages lors d’une charge policière peu avant l’arrivée à Bastille :
Au tout début, lors de la première charge des CRS et de la bac, un mec de la bac a foncé sur le jeune et l’a foutu par terre, sauf qu’il avait une petite bouteille de bière qu’il buvait et elle a explosé entre ses mains lors de la chute. Au même moment, d’autres flics le matraquent au sol, alors que son doigt est à moitié arraché. Résultat, il a failli perdre son doigt qui n’a pu être recousu que ce matin et il a subit une opération nécessitant 14 points de suture
Sur la Place de la Nation [1], un groupe de gendarmes mobiles et de flics en civil grimpent sur un monticule dominant l’arrivée des manifestants. Cible évidente, ils sont rapidement pris à partie et se replient sur l’avenue Dorian. Là l’affrontement va se concentrer durant une bonne heure durant et entraîner plusieurs charges vers le centre de la Place suivie de replis. Chaque charge est précédée de tirs de Lanceurs de balles de défense (LBD 40), le remplaçant du flashball et de salves aériennes de gaz et de tirs de grenades de désencerclement, ou dans le cas présent dispositifs manuels de protection lacrymogènes (DMPL) [2]. Et elle est accompagnée d’interpellations par les civils positionnés sur les flancs des gendarmes mobiles. Une dizaine d’interpellations auront lieu ainsi. L’affrontement se déplacera ensuite sur l’avenue du Bel air où des salves importantes de grenades de désencerclement et lacrymogènes arrosent copieusement la Place de la Nation, provoquant des mouvements de panique sur plus de la moitié de celle-ci. Les grenades de désencerclement appelées ainsi parce que leur usage devrait théoriquement ne servir qu’aux flics à se dégager d’un encerclement en faisant rouler la grenade au sol, sont ici tirées depuis un lance-grenade avec des risques importants de provoquer des mutilations à l’arrivée.
Le gaz CS très concentré et volatile contenu dans les grenades DMPL donne des sensations de brûlures très intenses sur la peau, les yeux, la bouche, le nez. Les médics présents ont lavé les yeux et le visage et rassuré de nombreuses personnes non habituées aux gaz et cédant à la panique (ne courrez pas, les gaz tombent de loin, vous ne risquez pas une charge immédiate et respirer les gaz en courant ne fait qu’accentuer leurs effets. D’autant que courir quand on ne voit pas bien fait trébucher ou piétiner d’autres personnes qui chuteraient.) Pour info, les yeux et la peau sont lavés au maalox (ou un générique comme le gaviscon) à proportion de 10 ml dans un demi litre d’eau.
De nombreuses personnes tentent de ramasser les palets de lacrymogène qui tombent au sol et se brûlent les doigts : nous avons soigné une dizaine de personnes aux mains brûlées, y compris à travers de gants de sport. Les brûlures vont jusqu’au second degré et peuvent présenter de méchantes cloques. Trois personnes se sont en outre pris des tirs tendus de grenades (censées être envoyées en cloche) à la tête, une à la nuque, une autre à la gorge, provoquant des plaies nécessitant des points de suture, des hématomes et contusions (raideurs musculaires).
Les plots de caoutchouc projetés jusqu’à 15m autour par les grenades DMPL ont quant à eux provoqué des plaies plus importantes aux jambes de deux personnes, et à la main d’une autre (plaie de plus d’1 cm nécessitant des points de suture).
Enfin, les tirs de flashball nombreux sur la Place de la Nation en fin d’après-midi ont occasionné une fracture de nez, une plaie et un trauma important d’une pommette, nécessitant tous deux des hospitalisations. Deux autres personnes atteintes à la hanche (au niveau du foie) et à la poitrine présentent des hématomes importants.
Sur les réseaux sociaux, des personnes décrivent également des blessures dues aux coups de matraque :
12 points de sutures, à cause d’un coup de matraque d’un gars de la bac
Deux autres personnes ont reçu durant la nuit de samedi à dimanche, des tirs de LBD dans la hanche et dans la jambe et ont été prises en charge par l’infirmerie de la Place de la République. Les tirs de LBD ont eu lieu alors que les gendarmes mobiles couraient (alors qu’ils sont censés poser genoux à terre pour viser). Plusieurs grenades de désencerclement jetées à la main ont en outre été utilisées durant la nuit de samedi à dimanche aux abords de la Place de la République, projetant des plots jusqu’à la statue centrale où des dizaines de personnes continuaient à faire la fête autour du sound système. Et la partie de la place accueillant un café a été noyée sous un nuage de gaz lacrymogènes.
Des douilles de LBD et des plots caoutchouc ramassés parmi bien d’autres, entre le Bld St Martin et la rue du Temple, témoignent du grand nombre de tirs et la violence de l’intervention des flics.
Malgré le fait que nous nous soyons organisé-es entre autant de médics sur la manifestation, il est probable que nous soyons passé-es à côté de bien d’autres blessures. Nous recherchons des témoignages photos, écrits, vidéos de ces violences policières, n’hésitez pas à nous écrire sur medicsparis@riseup.net
Les médics présent-es sur la journée du 9 avril 2016