L’une des trois personnes a écopé de quatre mois avec sursis et deux cents euros d’amende pour outrage, peinture au sol et refus de signalétique (prise d’empreintes digitales).
Cette personne a contesté la décision du tribunal en faisant appel.
L’appel traité en audience le 8 avril 2015 avait été renvoyé à la Cour pour le 12 janvier 2016.
Aux abords du Tribunal, une demi-heure de queue, les personnes rentrent par groupe de quatre sous l’œil d’un gendarme équipé d’un fusil en bandoulière. Dans le hall d’entrée, contrôle de gendarmerie au rayon x. Accueil sympa pour bien nous montrer qui commande et qui doit obéir en ce lieu.
Configuration de la salle d’audience :
Sur la haute estrade au centre : le juge
À ses cotés : deux juges assesseurs, un homme et une femme
Sur la gauche : l’avocat général / Sur la droite : la greffière
Au sol : Sur la droite : l’avocate de la défense
Au centre, face à la barre : l’accusé
Sur les bancs : des auditeurs libre ainsi que les accusés accompagnés de leurs avocats respectifs pour les affaires qui suivront dans l’après midi.
En fond de salle : un agent armé.
Moment de silence dans la salle.
Le juge prend connaissance des différents dossiers, il a une voix qui porte et s’adresse à l’avocate de la défense :
Le juge : Bon ! il est 13h30 passée ! Maître c’est vous qui traitez l’affaire suivante ?
Avocate défense : Oui monsieur le juge.
Le juge : Bien ! Et votre accusé ? Monsieur ----, Il est là ?
Avocate défense : Oui.
Le juge : D’accord, qu’il s’approche. Monsieur ---- vous êtes là ? C’est vous ?
Accusé : Oui c’est moi.
Le juge : Bien ! Asseyez-vous monsieur, je regarde votre dossier... Je vois que vous plaidez la relaxe.
Le juge prend le temps de feuilleter le dossier de l’accusé.
Après avoir révélé des détails très précis sur la tenue vestimentaire, le comportement, les propos tenus et la situation professionnelle de l’accusé au moment des faits reprochés, le juge lui dit ceci : « Nous savons tout vous voyez »
Le juge procède ici à une première emprise sur l’accusé en montrant qu’il sait tout à son sujet et pour faire peser sur lui le poids de la récidive, le juge lui rappelle ses antécédents judiciaires.
Le juge : Ceci étant dit monsieur, je vous informe de vos droits, si à un moment au cours de la séance vous ne souhaitez pas répondre à l’une des questions qui vous sera posée, vous le dites et nous en prendrons compte. Je vous informe aussi qu’en faisant appel, vous prenez le risque d’aggraver votre peine, vous le savez. Vous maintenez l’appel ?
L’accusé : Oui.
Le juge reprend : Je vous dit ça car je ne veux pas prendre les gens en traître vous comprenez.
En fait, il n’est pas question à ce moment là de prise en traître ou pas, le juge intimide l’accusé afin de le dissuader d’exercer son droit d’appel. D’ailleurs dans certaines cours d’appel, certains juges doublent systématiquement la peine initiale. C’est une façon de punir l’accusé pour avoir remis en cause le verdict du juge lors de son procès de départ.
Le juge rappelle les faits reprochés à l’accusé le 29 octobre 2014 :
- Dégradation du mobilier urbain, police assassine écrit sur le sol.
- Refus de prise d’empreintes digitales.
- Outrage à un policier sous forme de crachat.
Le juge commente : Vous dites que vous n’avez pas craché sur l’agent et qu’il a du se méprendre.
Le juge a des informations très précises : situation familiale, parcours professionnel, niveau d’études et situation financière. Il pose des questions à l’accusé pour confirmer les informations contenues dans le dossier.
Le juge : Bien, asseyez-vous monsieur je vais établir mon rapport. Maître vous interviendrez ensuite.
Le juge fait ensuite l’état du contexte de la ZAD et du barrage de Sivens en moins d’une minute pour décontextualiser au maximum les faits reprochés à l’accusé. Il explique que les manifestants sont des personnes réfractaires de nature écologique. Que le chantier a été suspendu et que le cahier des charges du barrage a été revu.
Le juge : Bon ! Concernant le barrage et la mort de Rémi Fraisse, on ne va pas s’occuper de cela aujourd’hui mais des faits qui vous sont reprochés le 29 octobre 2014. Je vous rappelle les faits lors de votre arrestation monsieur.
Le contexte est le suivant, après une manifestation non déclarée de plusieurs centaines de manifestants, deux cent cinquante manifestants se sont retrouvées devant le commissariat avec des slogans contre l’État et la police à 22h00. Il y avait déjà eu des interpellations sur le Quai de l’Hôtel de ville à 21h45. Deux policiers ont fait état dans leurs rapports avoir étés assaillis par les manifestants et déclare avoir vu un meneur équipé d’un porte voix inscrire sur le sol, « la police assassine ».
Vous reconnaissez les faits ?
L’accusé : Oui.
Le juge : J’ai à ma disposition un ensemble de photos en lien avec les faits que je présente à mes collègues. Toujours dans le rapport des policiers. Ils expliquent que vous êtes allé à leur contact et que vous avez craché sur l’un d’eux. Il y a eu ensuite un encagement des manifestants par les forces de l’ordre. Lors de votre interpellation, il y avait dans votre sac à dos : des vêtements, un feutre rouge, un feutre noir et un livre, un mégaphone sur lequel était collée une étiquette sur laquelle était inscrit « voisins vigilants, surveillons la police », un foulard noir.
Les policiers disent que le meneur, c’est-à-dire vous-même, poussait les autres manifestants à s’en prendre aux forces de l’ordre et qu’au moment de votre arrestation vous leur avez donné une fausse identité.
Levez-vous monsieur. Dites-moi pourquoi vous ne donnez pas votre vraie identité aux policiers lors de votre interpellation ?
Accusé : Parce qu’il avait été décidé collectivement de ne pas le faire.
Le juge : Les policiers ont eu du mal à trouver votre identité puisque vous leur en avez donnez une fausse, il y a donc usurpation d’identité. Pour le reste de ce qui vous est reproché, l’exploitation des bandes de vidéosurveillance ont permis d’identifier les faits avec précision lors de la manifestation et notamment le tag : police assassine ou police assassin, écrit en rouge ainsi que la présence d’un noyau de manifestants avec cagoule et casque de motos. Que les manifestants avaient une banderole sur laquelle était inscrit : ils nous tuent tous avec leur barrage.
À cela s’ajoute le rapport des policiers qui explique que vous galvanisiez la foule en lisant un texte et que vous cherchiez l’affrontement. Que vous aviez une bombe de peinture rouge et que vous avez écrit sur le sol et qu’ensuite vous vouliez inscrire quelque chose sur le bouclier d’un policier. Et pour finir, que votre crachat a atteint un policier.
14h20
Le juge : De votre côté, vous avez fait savoir au tribunal que la version des policiers ne suffisait pas à vous incriminer, que vous ne répondriez qu’à un magistrat et que vous utiliseriez votre droit au silence vu les faits qui vous étaient reprochés.
Nous allons vous entendre tout à l’heure là-dessus et sur le reste car vous dites que votre garde à vue était inhumaine car il y faisait froid entre autres. Que vous avez refusé d’être paluché, argot utilisé pour parler d’une prise d’empreinte et je constate que vous avez refusé de signer le pv au commissariat.
Le juge fait un rappel de la procédure de renvoi du jugement en cours d’appel, échange des documents avec ses assesseurs et donne la parole à l’avocate de la défense.
14h30
L’avocate fait un rappel des faits avec une toute autre chronologie dans leur déroulement avec des incohérences dans les heures d’interpellation relevées par les fonctionnaires de police. Elle rappelle les droits de l’accusé et juge nécessaire de faire annuler la procédure de garde à vue, qui si il était reconnu par la cour d’appel annulerait toute les charges retenues contre l’accusé.
Elle explique que l’état de son client s’est dégradé durant les 24h de garde à vue et qu’il en a informé l’officier de police judiciaire plusieurs fois, qu’il a demandé à voir un médecin plusieurs fois.
Que la garde à vue est une situation angoissante où il faut gérer la fatigue et le stress. D’où le refus de l’accusé de coopérer à ce moment là.
Qu’il y avait dix personnes dans neuf mètres carré, cinq matelas sales, une sonnette débranchée donc l’impossibilité d’appeler un policier pour aller aux toilettes, une température de 14°, une cellule malodorante. Que cela induit un traitement dégradant et il n’était pas possible dans ces conditions de se reposer.
Avocate défense : Mon client a été interpellé à 23h45 mais les contraintes se sont exercées sur lui bien avant la garde à vue, il faut tenir compte de la nasse policière et de la violence de l’interpellation qu’il a subi. J’ai d’ailleurs des articles de presse relatant que cette nasse policière a eu lieu de 20h05 à 20h35.
On voit bien que le policier s’est trompé d’heure dans sa déclaration et le tribunal doit en tenir compte.
Le juge prend quelques notes, l’un de ses assesseurs baille à répétition, la juge assesseur pique du nez.
14h45
Le juge donne ensuite la parole à l’avocat général.
Avocat général : Je n’étais pas présent lors des faits, donc les procès verbaux dressés par les policiers font foi. L’accusé ici présent n’a pas souhaité voir de médecin en garde à vue et il n’a relaté ses conditions de garde à vue que suite aux conseils de son avocate. Je demande donc au tribunal de rejeter les incohérences soulevées précédemment par la défense.
14h50
Le juge à l’accusé : Voulez-vous rajouter quelque chose monsieur ? Concernant mon rapport ou le réquisitoire de l’avocat général ? Vous déclarez ce que vous voulez. Levez vous.
L’accusé passe à la barre et rappelle ses conditions de garde à vue très difficiles ainsi que le contexte de la manifestation et le climat ambiant suite à la mort de Rémi Fraisse.
Le juge le coupe : C’était une manifestation autorisée ?
L’accusé : Non, mais elle avait lieu dans un contexte émotionnel très fort puisque Rémi Fraisse avait été tué trois jours plus tôt par un gendarme avec une grenade tirée dans le dos. Ce n’est pas un cas isolé puisque des collectifs font état de personnes ayant étés tuées par des policiers. Sur Nantes un collectif s’est créé pour recenser les personnes ayant perdu un œil suite à des tirs de flashballs. On le dit, aujourd’hui il y a des policiers qui tuent.
Et ce qu’il faut comprendre c’est que la préfecture tolère parfois les manifestations non déclarées et parfois ne les tolère pas, cela crée une confusion chez les manifestants. Il nous est donc extrêmement difficile de savoir comment vont réagir les forces de police dans ces moments là.
Il y a aussi cette pratique arbitraire de l’encagement policier et le flou autour de cette pratique, on ne sait pas si on est en garde à vue ou non. Les policiers invectivent aussi les manifestants dans ces moments là et de mémoire il n’y a pas eu de violences faites à leur encontre.
Le port du casque était un geste symbolique pour dire qu’on ne se sent plus en sécurité en manif aujourd’hui. C’était d’ailleurs expliqué dans le tract lu pendant la manifestation et que vous avez dans la procédure. Il y avait un cordon anti-émeute ce soir là mais il n’y a pas eu de contact avec les policiers.
Je ne nie pas les faits, je suis un militant politique depuis des années, j’étais présent à cette manifestation parce qu’il y a des thèmes qui me tiennent à cœur. J’ai effectivement tagué le sol, je vous mentirais grossièrement si je disais l’inverse, mais la croyance circule que le tag au sol n’est pas considéré comme un délit, c’est pourquoi je n’y ai pas vu un acte répréhensible. Sur certaines manifestations, la préfecture laisse faire, sur d’autres non, du coup ce n’est pas évident d’avoir des repères...
J’avais le mégaphone en main c’est vrai, je ne le nie pas et d’ailleurs je demande à récupérer le mégaphone car il a été acheté collectivement.
Le juge : Mais dites-moi monsieur, pourquoi vous dites que la police assassine et pas la gendarmerie ? Vous vous exprimez bien, vous savez ce que vous dites, alors pourquoi ne pas dire la gendarmerie assassine ?
L’accusé : Quand on dit police, en général c’est un terme générique qui inclue la gendarmerie. Sans compter que les deux corps sont maintenant réunis...
Le juge : Merci de me l’apprendre !
15h00
L’accusé poursuit sa défense : Par contre, je nie le crachat depuis le début, je n’ai pas craché sur un policier et je ne vois pas qui est l’agent qui me reproche les faits. Dans cette affaire je pense que son supérieur a appuyé le rapport de son subalterne uniquement pour me causer du tort.
Le juge : D’accord, donc vous pensez que les agents de police racontent n’importe quoi c’est ça ?
L’accusé : ...je...je n’en pense rien...
Le juge : D’accord, d’accord.
15h10
Le juge assesseur homme montre des signes d’agacement et commence à se ronger les doigts. Il semble particulièrement agacé par la façon dont l’accusé arrive à se défendre.
La juge assesseur elle, s’endort.
Le juge reprend la parole : Monsieur, je vais vous relire le rapport du policier concerné. Voilà ce qu’il déclare : « ce soir là il faisait sombre, les manifestants nous lançaient des fumigènes et leur meneur -détails de la tenue vestimentaire- galvanisait la foule pour qu’elle s’en prenne à nous ».
Le meneur que décrit l’agent dans son rapport c’est vous."
Le juge prend un certain temps pour relire la totalité de la déclaration du policier et une fois terminé il semble content de lui et regarde l’accusé d’un air satisfait.
L’accusé : Il y a la vidéo surveillance qui contredit la version du policier. D’ailleurs même sans ça, le policier se contredit dans son pv. Il reconnaît les détails, puis ne les reconnaît plus, alors ? En fait, il a établi les faits après coup, il me les impute après coup. Je n’ai pas eu le droit de voir cette vidéo pour me défendre contrairement aux policiers.
Le juge s’impatiente et dit : Le policier raconte n’importe quoi selon vous ?!
L’accusé : ...
Le juge : Je vous pose la question monsieur, répondez moi, pourquoi le policier focaliserait sur vous sans raison ? Quel intérêt pour lui de faire cela ? Je ne comprends pas.
L’accusé : Je n’ai pas d’explication.
Le juge : Bon ! vous avez rajouté ce que vous vouliez rajouter monsieur, j’en prends note.
Depuis le début de la séance, les juges ont montré clairement leur parti pris pour les policiers.
Le ton des juges va monter d’un cran et les trois vont s’en prendre à l’accusé. Ils vont enchaîner un tas d’injonctions. Leur manière de faire, montre qu’ils ne tiennent pas à obtenir des réponses de l’accusé mais simplement l’attaquer, le bousculer et l’atteindre.
Le juge assesseur masculin prend la parole : Et pourquoi vous refusez le fichage signalétique !
L’accusé : J’explique ce refus par des position philosophiques et je refuse de m’y soumettre car je les considère comme arbitraires.
L’assesseur masculin renvoit : Mais ce n’est pas arbitraire, c’est la loi !
La juge assesseur, agacée par les propos tenu, sort de sa torpeur et joue la carte de la castration. Elle ne crie pas mais le ton qu’elle emploi n’est pas cordial du tout : Mais c’est la loi, et cette loi a été votée par les citoyens, alors pourquoi vous la refusez ?
Le juge assesseur homme enchaîne : Vous n’avez insulté personne lors de la manifestation ? Vous parliez d’une invective faite aux policiers. Mais c’est quoi une invective pour vous ?
Le juge : Répondez nous monsieur, soyez clair, répondez, qu’est ce qu’une invective pour vous ? Une insulte ? Une parole ? C’est quoi ?
L’accusé : Je n’ai peut être pas utilisé le bon terme...
Le juge : Mais ! Une invective c’est crier ? C’est parler ? C’est injurier ? Vous faites la différence non ?
L’accusé : Si j’avais voulu dire insulter ou injurier, je l’aurais dit. Quand je dis invectiver, ça a le sens de se disputer. Je n’ai peut être pas utilisé le bon terme et je m’en excuse...
Les questions pièges continuent autour du mot invectiver et l’on ne comprend pas vraiment ou veulent en venir les juges si ce n’est de déstabiliser l’accusé. À ce moment là de l’audience, ils font à son encontre, une parfaite démonstration de ce qu’est une invective.
15h20
Le juge : Nous avons été saisi pour un crachat de toutes façons, pas la peine de chercher autre chose.
L’accusé : Mais je n’ai pas craché, il n’y a pas eu de crachat, on ne voit rien de tout cela sur la vidéo de surveillance. Je pense que ma parole devrait avoir autant de poids que celle du fonctionnaire de police.
Le juge le coupe : Mais c’est vous qui êtes mis en cause ! Le policier lui il est la victime dans cette affaire ! Quant à sa parole, le tribunal la reconnaît car le policier est assermenté par l’État lui monsieur ! Vous comprenez ?
L’accusé : J’aimerais savoir où était ce brigadier qui me reproche tout ça parce qu’il y a un réel flou dans les faits relatés dans son procès verbal. Quand l’un dit qu’il a reçu le crachat sur la visière de son casque, l’autre dit que c’était sur le bouclier. Etait-il vraiment près de son collègue, qu’est-ce qui le prouve ?
Le juge : Bon ! Écoutez moi, je vous invite à nous faire part de vos éventuels rajouts sur le sujet. Vous voulez faire un rajout ?
L’accusé : ...Non.
Le juge s’adresse à l’avocate de la défense : Maître, vous avez un rajout à faire ?
L’avocate de la défense n’a rien a rajouter.
Le juge donne la parole à l’avocat général : Nous écoutons votre réquisitoire Monsieur l’avocat général !
L’avocat général se lève pour faire son réquisitoire : Je constate que cette audience a été très dense, l’accusé s’est longuement et clairement exprimé, il a pu se défendre. Je relève qu’il reconnaît deux faits sur les trois qui lui sont reprochés, à partir de là. Il conteste toujours l’outrage énoncé dans les pv des policiers dont les déclarations sont pourtant très circonstanciées. Il y a tout de même une convergence d’indice grave et concordant avec les accusations. Les images de vidéosurveillance viennent appuyer ce fait.
Je demande donc au tribunal de confirmer la culpabilité pour l’ensemble des délits reprochés à l’accusé ici présent.
L’avocat général se saisit du livre rouge du code pénal et le montre à l’accusé, avant de reprendre : Vous parlez d’un flou dans les déclarations des policiers, mais voilà ce qui fait foi monsieur, c’est le code pénal.
Donc ce n’est pas l’humeur ou l’arbitraire qui juge comme vous le prétendez, mais c’est le code pénal, bon celui là n’est pas la version de 2016 mais c’est pareil.
Malgré tout, le tribunal tient compte de vos positions politiques et philosophiques monsieur, mais quand une manifestation est interdite et qu’on décide de s’y rendre quand même, on prend un risque car on sait bien que ces histoires de face à face avec la police tournent mal. Donc attention, attention. La presse le confirme assez souvent.
Il ne faut donc pas s’étonner quand on titille les policiers de se faire interpeller ensuite.
Je demande donc le maintien de la peine prononcée, soit quatre mois de prison avec sursis et deux cents euros d’amende, qui sont à mon avis, compatible avec la situation financière de l’accusé.
15h35
Le juge reprend la parole : Merci monsieur l’avocat général pour votre réquisitoire. Maître vous avez quelque chose à rajouter ?
L’avocate de la défense conclut : Mon client s’est bien défendu comme vous avez pu le constater. Je soulignerais ce qu’il a dit concernant la mort de Rémi Fraisse. Cela a été vécu comme un choc pour les manifestants et c’est pour cela qu’ils portaient des casques lors de la manifestation, c’était un acte symbolique pour soulever les violences policières.
Il y a là un véritable débat de société à avoir, sans pour autant outrager les policiers. On voit bien que l’accusé assume ses positions. Il faut comprendre qu’il y a un criminalisation constante des mouvements contestataires et des manifestations depuis des années. Tout cela est d’ailleurs très documenté sous un aspect sociologique entre autres. Le tribunal doit le reconnaître.
Lorsque les policiers opèrent des blocages des manifestants cela crée des tensions et des angoisses très fortes chez eux. Je vous invite à regarder la vidéo de la manifestation dont il est question ici, celle du 29 octobre 2014.
On ne voit pas mon client cracher sur les policiers, il y a un face à face entre eux qui peux être viril certes, puisqu’il y a un rapport de force en manifestation, mais il n’y a pas la volonté de les attaquer.
Pour le refus de signalétique, je rappelle le refus de seize personnes lors de la Cours d’appel de Colmar qui a fait jurisprudence. Je demande donc la relaxe de mon client à ce propos.
Concernant le tag, il faut savoir qu’il a été effacé très rapidement et qu’il n’a pas occasionné de travail de nettoyage.
Je vous joint aussi au dossier mon relevé d’incohérence des faits relatés par les policiers dans leurs procès verbaux.
Le juge : Je vous remercie Maître. Avez-vous quelque chose à rajouter ?
Avocate défense : Non monsieur le juge.
Le juge à l’accusé : Monsieur, avez-vous quelque chose à rajouter ?
L’accusé : Non je n’ai rien à rajouter.
Le juge : Je suis là pour faire respecter la loi vous savez. Bien ! L’affaire est en délibéré. Le verdict sera rendu le mardi 23 février 2016 dans cette salle.
15h55
Levée de séance.
Résumé :
Le juge principal prend toute la place dans cette salle. Connaissant bien le déroulement d’une séance, il sait à quel moment déstabiliser et mettre à mal l’accusé. Un parti pris évident pour les forces de l’ordre et une sortie du contexte des faits puisqu’il annonce tôt dans la séance : « on ne parlera pas de la mort de Rémi Fraisse et du barrage de Sivens aujourd’hui ».
Tout au long de la séance, la juge assesseur luttera contre le sommeil et s’endormira deux fois. Elle sortira de son léger coma, le temps de quelque phrases seulement pour piquer l’accusé.
L’assesseur homme lui, restera éveillé et attentif la majeur parti du temps pour tacler l’accusé et on comprend, au vue du ton sur lequel il pose les « questions » que son avis est tranché en faveur des forces de l’ordre.
L’avocat général ne sait communiquer que par et pour le code pénal. Il fera un réquisitoire très bref et sans surprise en se prononçant pour une condamnation et un maintien de la peine décidée par le tribunal. Il s’appuie sur les procès verbaux dressés par les policiers qui selon lui « font foi », comme il le dira lors de la séance.
L’accusé fera une défense aussi longue en temps que celle de son avocate, ce qui est extrêmement rare dans un tribunal, ou la grande majorité des personnes à la barre n’arrivent pas à s’exprimer lorsque le juge leur donne la parole. Puisque le déroulement même d’un procès et l’ambiance posée par les juges rend très difficile une prise de parole construite.
L’avocate de la défense a dit clairement qu’il y avait un réel débat de société à avoir autour de la question des violences policières, sans outrager les policiers. Ce n’est pas souvent que des avocats tiennent cette position. Ils préfèrent l’évincer pour ne pas se mettre les juges à dos.
Dans les halls du palais, l’annonce d’une conférence :
Les verts sont-ils comme des pastèques ? Verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur ?