Communiqué du collectif de photographes LaMeute suite aux arrestations du 22 mai

« Se mobiliser est devenu un crime, en témoigner fait maintenant de nous des complices »

La manifestation du 22 mai 2018 à Paris s’est retrouvée marquée par l’arrestation de 24 personnes, après une série de gazages, de matraquages et de violences policières inouïes et démesurées. Des arrestations prenant pour cibles principalement des jeunes, étudiant.es, lycéen.nes, qui n’avaient souvent pour seul tort que celui d’être là, et d’avoir de quoi se protéger des gaz. 101 personnes supplémentaires furent arrêtées à l’occasion de l’occupation du Lycée Arago à la fin de la manifestation. La quasi-totalité de ces personnes ont été placées en garde-à-vue, et on demeure au moment de la rédaction de ce communiqué sans grandes nouvelles d’une bonne partie d’entre elles.

Parmi ces arrêté.es, des photographes dont Stuv, membre de notre collectif.

Depuis l’hiver, et plus profondément encore depuis le 22 mars 2018, le gouvernement s’est empêtré dans un mouvement de convergence des contestations sociales. Mouvement que nous avons jusqu’ici couvert, dès octobre 2017 avec les premières manifestations étudiantes contre la sélection, ou depuis mars 2018 avec la mobilisation cheminote. Des mobilisations au cours desquelles nous avons dû assister à des scènes de violences contrastant sans équivoque à celles dépeintes quotidiennement par les autorités. Des violences policières systématisées, répressives, vouées à un étouffement total de la contestation ; droit fondamental parmi les droits fondamentaux. L’emploi systématique de gaz CS (dont la dangerosité chimique est supposée par les Street Medics), les grenadages et matraquages non-réglementaires au niveau du visage, la rétention systématisée de foules entières pendant plusieurs heures, l’arrestation arbitraire de manifestant.es, les contrôles au faciès aux abords des manifestations, les vices de procédures lors des garde-à-vue, l’omniprésence policière lors des défilés voulus et affichés comme pacifiques, la dissimulation des matricules des agents de police empêchant de fait tout recours judiciaire… Telle est la liste non-exhaustive des contraintes à la prétendue « liberté d’expression », enjeu politique et cheval de guerre des factions de gauche comme de droite depuis 2015. Car, sur une temporalité restreinte, c’est à la mise en place de l’état d’urgence pendant près de deux ans puis l’inscription de certaines de ses mesures répressives dans le droit commun qu’il faut imputer la dégradation actuelle du droit de manifester.

Il n’y a personne en France, en 2018, qui ne puisse se vanter d’avoir manifesté récemment sans avoir eu le goût âpre et brûlant en bouche des gaz lacrymogènes. La « Génération Macron » est une « Génération CS », et nous, photographes, en sommes les témoins. Car dans un pays où l’on envoie la Brigade Anti-Criminalité (BAC) encadrer des manifestations syndicales, un seul constat semble s’imposer, lourd de toute sa gravité : se mobiliser est devenu un crime, en témoigner fait maintenant de nous des complices. Sans aucune comparaison possible tant le degré de violence à l’encontre des manifestant.es est élevé, les Journalistes Reporters d’Images (JRI), spécialement les indépendant.es, sont victimes d’une intimidation policière systématisée. Contrôles d’identité, confiscation de matériel de protection (ce qui empêche par exemple de montrer ce qui se passe sous les épais nuages de gaz), insultes infondées… C’est le lot quotidien de celles et ceux qui cherchent à montrer ce qui se passe dans les rues. Et si les forces de l’ordre sont capables d’infliger de telles entraves au travail de celles et ceux qui témoignent, que déduire alors de ce qui est infligé à celles et ceux qui luttent ? La liberté d’expression est indissociable de la liberté de la presse, et l’une sans l’autre est incomplète. Il n’y a pas de liberté d’expression là où les journalistes sont muselé.es. Il n’y a pas de liberté de la presse quand la contestation y est absente. En France, et ce depuis 1881, la profession de journaliste n’est pas règlementée, dans le but initial de garantir sa liberté. Pas donc besoin de « carte de presse » (dont ne disposent que 50% des photographes de presse, via leur activité salariale principalement), il n’y a dès lors rien qui ne puisse justifier cette garde-à-vue de Stuv.

Prenant acte de tout ce qui a été énoncé, et au regard de ce dont nous avons été témoins jusqu’ici, nous affirmons notre soutien à tou.tes les interpellé.es du 22 mai, et condamnons le caractère arbitraire et souvent injustifié de ces interpellations. Nous y voyons une dérive autoritariste toujours plus alarmante d’un gouvernement qui se refuse à prendre en compte la contestation sociale à son encontre, étendant aux journalistes la violence déjà bien installée envers les manifestant.es. La répression ne saura apparaître comme autre chose qu’un aveu de faiblesse de la part du gouvernement, et nous poussera toujours plus à réaliser notre travail d’information.

Libérez-les !
Libérez Stuv !

Le Collectif LaMeute Photographie

Mots-clefs : arrestation | police | photographie
Localisation : Paris

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