Censure des Indymedias : communiqué d’Indymedia Nantes

Pour celle.ux qui avaient suivi, la fin de l’année 2017 avait été agitée, entre autres, par des menaces de blocage (par les fournisseurs d’accès à Internet et dans les moteurs de recherche) de deux Indymedia francophones, Grenoble et Nantes.

Pour celle.ux qui avaient suivi, la fin de l’année 2017 avait été agitée, entre autres, par des menaces de blocage (par les fournisseurs d’accès à Internet et dans les moteurs de recherche) de deux Indymedia francophones, Grenoble et Nantes.

Les deux sites avaient en effet reçu plusieurs courriers de l’OCLCTIC exigeant le retrait de plusieurs contributions qui revendiquaient des sabotages, notamment en soutien aux personnes qui passaient en procès à cette même époque pour l’incendie d’une voiture de police pendant le mouvement contre la loi travail.

La dernière personne toujours engeôlée pour cette affaire vient d’ailleurs tout juste d’être enfin relâchée. Une autre personne est aussi par ailleurs toujours en détention provisoire pour l’incendie de véhicules de gendarmerie à Limoges, inculpée sur la base d’un prélèvement ADN pourtant illégal. Des enquêtes sont toujours en cours, donnant lieu encore récemment à des perquisitions.

Depuis, pour ce qui est du blocage de sites Indymedia, nous n’avions plus trop de nouvelles, quand bien même les articles incriminés étaient finalement toujours en ligne. Il faut dire que, au même titre qu’Indymedia Nantes essaye au maximum de protéger l’anonymat de ses contributeur.ices, les membres du collectif de modération sont elle.ux même anonymes depuis plusieurs années, à force notamment de voir le site cité dans toutes les procédures anti-terroristes visant la "mouvance anarcho-libertaire d’ultra-gauche" (oui, on se perd un peu dans les dénominations à force). Si l’anonymat semble indispensable, il ne permet pas d’avoir des nouvelles des procédures judiciaires ou administratives contre le site.

C’est donc par voie de presse que nous avons tout au long de l’année 2018 appris au compte-goutte que ces menaces de blocage n’étaient pas réellement terminées. Pour résumer, lorsque le ministère de l’intérieur ordonne le blocage d’un site, l’avis consultatif de la CNIL est nécessaire. Dans ce cas, et pour la première fois malgré l’augmentation croissante de ces requêtes, la CNIL s’y est opposée. En effet, d’après la loi, le blocage d’un site est possible lorsque celui-ci diffuse un contenu à caractère "terroriste" (avec tout le flou que ce terme recouvre) et refuse de le supprimer dans les 24 heures. Hors les enquêtes ouvertes suite aux faits revendiqués dans les contributions visées ne le sont pas dans le cadre de procédures anti-terroristes. Devant le refus du ministère de l’intérieur de prendre en compte son avis, la CNIL a porté l’affaire devant le tribunal administratif.

Nous avons appris récemment que le jugement avait eu lieu en Décembre 2018, et que le rendu serait donné le 31 Janvier 2019. Il est probable que le ministère de l’intérieur ait préféré attendre ce jugement pour exécuter ou pas le blocage des Indymedias en fonction de la décision.

Son résultat peut être déterminant pour l’avenir des médias libres sur le Web. De plus, si le tribunal valide la décision du ministère de l’intérieur, cela reviendrait à acter que c’est ce dernier qui définirait ce qu’est le terrorisme, et non pas les lois ou les tribunaux, comme le voudrait le principe de séparation des pouvoirs supposément cher à nos « démocraties libérales ».

Indymedia Nantes ne compte pas laisser l’État mettre à bas cette expérience d’auto-gestion numérique qui est devenue un point de repère dans le paysage des luttes sociales dans la région depuis 2003. Nous nous préparons à prendre les dispositions pour que le site puisse exister même en cas de blocage. Toutes les informations seront alors précisées.

Nous appelons à une solidarité concrète des autres médias militants sur le web. Faire barrage maintenant à ces mesures de censures des lutte sociales, c’est commencer à combattre le musellement de l’internet. En effet, comme le dénonce la Quadrature du Net depuis plusieurs semaines, l’Europe se prépare à voter de nouvelles mesures de censure. Un projet de règlement européen proposé par la France, déjà à la pointe de la censure extra-judiciaire du web, sommera les hébergeurs de couper les sites diffusant des « contenus à caractère terroriste », dans l’heure, sous peine de sanctions financières. Les réseaux sociaux, mais aussi l’ensemble des acteurs du web (hébergeurs, services de cloud, de messagerie, etc.) seront incités à mettre en place des « mesures proactives », concrètement des filtres automatiques de contenus leur permettant de devancer les mesures administratives susceptibles de les toucher. Le tout avec une conception du « terrorisme » très vaste, allant jusqu’au piratage informatique ou à l’atteinte à la propriété privée... En bref, tout ce qui menace d’influencer une décision politique ou de déstabiliser des institutions. L’État français, à l’origine du texte, espère ainsi se décharger de la responsabilité de la censure aux géants du web.

Quelques liens pour plus de détails :

contact : imcnantes@riseup.net

— 
nantes.indymedia.org

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