Le rassemblement était prévu à 15h devant le tribunal de Bobigny à l’appel du collectif Justice pour Théo. C’était la première fois que la famille de Théo et lui-même s’exprimaient à un rassemblement.
En arrivant sur place à 15h, nous sommes une soixantaine. Du monde arrivera jusqu’à 16h, si bien que nous serons bien 300 à la fin des prises de paroles. Bien que ce soit conséquent, ce n’est pas la foule des grands jours (du 11 février dernier en particulier) : est-ce parce que ce sont les vacances ? parce que la dynamique s’essouffle en cet automne ? parce que l’appel avait été fait essentiellement sur facebook ? Les raisons sont sûrement diverses, mais cela doit nous forcer à beaucoup préparer les rendez-vous en amont (par des distributions de tracts, des collages d’affiches, pages web en plus de la présence sur les réseaux sociaux). Néanmoins, il y a des personnes de tous âges.
Des flics sont présents sur la passerelle menant au tribunal, des baqueux sont à l’affût dans les platebandes à 5 mètre du rassemblement. Mais l’ambiance n’étant pas à la confrontation, on les ignorera jusqu’à la fin.
Les T-shirts des collectifs de victimes de la police sont légion, avec une forte prédominance des T-shirts « Justice pour Théo on n’oublie pas on ne pardonne pas » et « Vérité pour Yacine ».
Vers 15h30 les prises de parole commencent devant une assemblée très attentive, paroles régulièrement entrecoupées d’applaudissements. La famille de Théo (sa soeur et son frère) prennent la parole. Iels tiennent à remercier tous les soutiens depuis le début de l’affaire le 2 février, en particulier les gens présents aujourd’hui. Iels réclament la justice pour leur frère, et l’inculpation des quatre policiers présents au moment des faits, et non seulement de celui qui a donné le coup de matraque, car ils sont complices et l’ont aussi frappé dans la voiture quand ils l’ont mené au commissariat. Cela leur permet aussi de demander (notamment en prenant à partie avec le mégaphone les flics présents sur la passerelle) aux soit-disant bon.ne.s policier.e.s de dénoncer ces actes, car leur silence les rend complices. Par ailleurs, iels ont été la cible d’humiliation de la part des flics, sur Internet ou dans leur quartier. Iels annoncent que la procédure judiciaire pour l’affaire est en cours, mais qu’elle risque d’être longue.
Au-delà du cas de leur frère, iels dénoncent plus généralement toutes les violences policières et énumèrent les cas de morts par la police, en soulignant que les victimes sont le plus souvent issu.e.s de quartiers populaires.
Ensuite, Théo prend la parole. Il tient à remercier les gens présents, et à montrer qu’il se reconstruit. Sur le fait qu’il a pardonné les flics : « Ce n’est pas parce que je les ai pardonnés que vous devez les pardonner ». La foule rit et applaudit.
Divers représentant.e.s de collectifs d’autres victimes de violences policières prennent ensuite la parole :
- Un membre du collectif pour la justice pour Angelo Garand intervient brièvement pour rappeler les circonstances de sa mort. Les soutiens ont réussi à obtenir la mise en examen de deux gendarmes du GIGN.
- Amal Bentousi du collectif Urgence Notre Police Assassine a rappelé que, au regard du combat qu’elle a mené pour réclamer la justice pour la mort de son frère, les procédures sont longues (5 ans dans son cas), difficiles (elle dit avoir mis de côté sa vie personnelle pour se consacrer entièrement au combat pour son frère), et les condamnations sont clémentes pour les flics (le meurtrier de son frère a écopé de 5 ans de prison avec sursis), mais cela ne doit pas nous décourager pour autant.
- Puis Omar Slaouti, au nom du collectif pour Ali Ziri a fait un discours enlevé, et souhaite qu’un jour, l’on puisse « taper fort, tous ensemble, sur un même clou ». Toutes les victimes de violences policières, en France ou aux États-Unis, dans toutes les franges de la société (il fait référence aux autres victimes de viol).
- Franco Lollia a ensuite pris la parole au nom de la Brigade Anti-Negrophobie : il a replacé les violences policières dans le contexte de la gestion coloniale des quartiers populaires par l’État, qui est une gestion raciste, et a souhaité rappeler que cette gestion coloniale est indissociable du capitalisme.
- Enfin, Bilel, frère de Yacine, décédé le 14 septembre dans des circonstances peu claires, Collectif justice pour Yacine, a apporté sont soutien.
Tou.te.s les intervenant.e.s soutiennent le combat de Théo et de sa famille, et ont rappelé l’importance d’une dénonciation unitaire des violences policières.
Le rassemblement s’est terminé un peu avant 17h et on est reparti chez nous tranquillement, avec une question : comment amplifier ces luttes.
Dans le métro du retour, trente minutes après la fin du rassemblement, une patrouille de la sûreté RATP présente dans une rame de métro reçoit dans son talkie « fin du dispositif de contrôle renforcé à Bobigny-Pablo-Picasso ». Contrôleurs et flics, main dans la main.