Le texte qui suit a été écrit par Faruk Šehić, un auteur, présent lors de ces émeutes. Observateur incapable d’agir mais qui mentirait s’il disait que « regarder les flammes lécher les murs ne [l’] a pas rempli d’une joie maligne ».
Son parcours est intéressant. Engagé volontaire dans l’armée bosniaque à son plus jeune âge et lieutenant d’unité, il est devenu auteur de romans et de poésie anti-guerre (et, ce qui en devient ironique, récompensé par le prix de l’Union Européenne pour la littérature). Et ces émeutes ont été pour lui une sorte de guerre juste, c’était « la conscience collective des générations de jeunes gens dont les vies ont été baisées par les élites dirigeantes rampantes avant même d’avoir commencé correctement ».
La ligne de la folie avait été franchie et il n’y avait aucun retour possible. La nuit tombait. La circulation et les lampadaires ne fonctionnaient pas. Le centre-ville était illuminé par les seules flammes du bâtiment cantonal. En quelques heures cette partie de la ville a été transformée en champ de bataille. Les rues étaient pleines de choses éparpillées, des pierres, de papiers, de bois cassés. Les bureaux brûlaient des deux côtés de l’entrée de la Présidence. Plus tard, nous apprenions que les archives historiques avaient été incendiées. Les alarmes de voitures hurlaient et de temps en temps une forte explosion se faisait entendre. Comme les manifestants n’avaient pas de leaders, nous savions que la nuit mettrait un terme aux combats et aux troubles qui avaient fait rage pendant des heures. Le « sauvage », la force déchaînée errait dans les rues de Sarajevo. Il y avait une anarchie hypnotique dans sa forme la plus pure.
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