Attaquer la ZAD, c’est attaquer tout le mouvement social ! Organisons-nous sur Paris et l’Île de France !

Appel à rassemblement à 18h à Belleville (Paris) en cas d’expulsions.
Appel à une AG extraordinaire lundi 9 avril à 21h à la Commune Libre de Tolbiac !
Appel à ce que partout en France, à la suite des rassemblements, des AG le plus large possibles s’organisent et fassent le lien avec le reste des domaines et « territoires » de lutte du mouvement social
Appel tout simplement à se réveiller, prendre conscience de ce qui va se passer et à se bouger !

Je partage mon témoignage et ma perception sur pourquoi il va falloir s’organiser et faire passer la défense, partout, de la ZAD, ses mondes et ses possibles, en haut de nos priorités vitales. Ou plutôt le voir comme un souffle de vie, un lien transversal entre toutes nos luttes et tous les frémissements d’un mouvement social qui s’enracine et redémarre.

Rappel des premières dates avant lecture :

  • Appel à rassemblement à 18h à Belleville en cas d’expulsion de la ZAD
  • Dans tous les cas, que l’opération d’expulsion démarre ou pas, appel à AG de soutien et d’organisation contre les expulsions lundi 9 avril à 21h à la Commune Libre de Tolbiac, faites tourner

Ce texte est dédié à Jean-Pierre Petit, camarade de lutte rencontré dans le giron du collectif NDDL-IDF, et tant d’autres rebellions, parti beaucoup trop tôt il y a presque un an...

Dimanche soir, voilà, j’ai le bide en vrac, le coeur au bord des lèvres, je n’arrive pas à y croire. J’avoue je pense que comme beaucoup de monde, comme la plupart d’entre « nous », je ne voulais pas y croire. Pas croire qu’ils allaient vraiment envoyer les blindés et les militaires attaquer la ZAD, après avoir lâché l’aéroport. Pas croire qu’ils nous feraient ce coup là alors même que la conflictualité sociale ressurgit autour des luttes du rail, de la fonction publique, dans les facs et ailleurs.

Je ne voulais pas le croire surtout parce que la ZAD, c’est ma maison et je crois que c’est la maison de beaucoup de monde. Et une maison, c’est quelque chose d’inviolable, de protégé, ça nous abrite, ça nous permet de nous rencontrer, nous épanouir, nous organiser. Une maison on la construit autant qu’elle nous construit. Et une maison aussi grande, aussi incroyable, aussi enracinée depuis des années dans un territoire et dans le coeur des gens, ça paraît complètement fou d’y envoyer des chars et des blindés comme le gouvernement du start-upper thatchérien veut faire.

La ZAD, c’est ma maison. C’est ma maison parce que c’est la maison de milliers d’autres personnes en France et par le monde. C’est ma maison, parce que, même si je n’y vis pas et n’y ai jamais vécu, elle a déterminé ma vie comme aucune autre rencontre. Parce qu’elle existe, parce que la possibilité politique qu’elle contient - celle de vivre enfin libre dans des mondes qui attaquent l’immonde - existe. Parce que j’y ai rencontré il y a de ça bien des années d’autres manières de vivre, de lutter, de s’organiser, de produire. Un autre héritage de lutte, un mouvement, une filitation, un héritage dans lequel m’insérer. Tout autour est venu s’enrouler, peu à peu, par lectures, brochures, discussions, « conscience », des grands mots et des grands concepts, des -ismes, des dates, des luttes passées. Mais l’électrochoc c’est le vécu sensible à la ZAD, ce sentiment d’avoir trouvé pour la première fois de ma vie un endroit auquel j’appartiens - même quand il me sert le bide.

La rencontre avec la ZAD et celles, ceux, ce qui la peuple a déterminé une grande partie de mes choix de vie, a modifié et aiguisé ma perception du monde, a rendu concret, tangible, rejoignables des choix qui auparavant me paraissaient abstraits ou flou. La ZAD m’a aidé à voir.

Je suis en dette envers la ZAD et tout ce que ce bocage habité a semé en moi. C’est pas la « dette » des économistes et des libéraux, du calcul et de tout qui se vaut. C’est l’inverse. C’est une dette incommensurable et magnifique qu’on ressent tout simplement envers celles et ceux qui nous ont donné, accompagné, sans retour, pendant notre vie. C’est une dette - plutôt une gratitude, une volonté d’honorer qui résiste à toutes les déceptions et les embrouilles - qu’il est fondamental d’honorer.

À écrire ces mots j’ai les larmes qui montent aux yeux. Je voulais écrire un texte d’analyse concise et pragmatique en quelques points appelant à se mobiliser à Paris et en IDF de manière décentralisée mais en fait il faut que ça sorte. On peut pas juste « appeler à une mobilisation ». Faut qu’on se dise ce qu’on a sur le coeur et à quel point on tient à la ZAD, et à cette lutte.

Ils ne pourront jamais expulser la ZAD. On ne les laissera pas faire. Ce n’est pas possible. CE N’EST PAS POSSIBLE !

Beaucoup de choses font que nous sommes nombreux-euses à Paris et ailleurs à mettre à distance ce qui va arriver demain et ne pas vraiment le voir.
On est pris dans nos luttes et nos bulles respectives. Macron et sa clique attaquent de toutes parts, sur tous les fronts possibles, selon la méthode de la stratégie du choc, et on est comme une personne qui essaie de boucher tous les trous d’un mur qui n’en finit par de fuir.
On est fatigué-e-s, sceptique-s, interrogatif-ve-s, énervé-e-s, dégouté-e-s, etc, des « embrouilles de la ZAD », des divisions politiques inévitables qui s’y sont cimentées, des choix stratégiques qui s’y sont, ou pas, réalisés. Ça paraît parfois beaucoup trop compliqué, trop gros, trop loin, trop enchevêtré. On se dit « ’c’est plus pour moi ». Mais c’est pas une raison de se laisser abattre, les divisions et les conflits sont inévitables dans n’importe quelle lutte et il ne faut pas les laisser nous donner envie de déserter et quitter le navire, et faciliter le travail des enfoirés qui nous gouvernent.
On n’y croit pas, peut-être, parce qu’on se dit que la ZAD et le mouvement de lutte de NDDL a une sorte d’aura d’invincibilité gagnée après 50 ans d’un combat âpre finalement couronnée d’une première victoire. Parce qu’on se dit « iels sont trop fort-e-s pour se faire expulser », ou bien « iels gèrent sur place », etc, etc.
On n’y croit pas parce qu’on l’a entendu mille fois depuis des années, à l’hiver ou au printemps, « la ZAD va être expulsée », sur tous les tons, par plusieurs gouvernements successifs et que ça finissait par ressembler à l’Arlésienne.

C’est une erreur de ne pas y croir et de penser que ça ne va pas arriver. Des colonnes de blindés qui défilent sur la nationale direction Nantes. Un dispositif qui se précise et qui se rapproche, les carrefours bloqués et filtrés par des flics. Des informations selon lesquelles ils prévoient des point sd’accueil pour l’évacuation des animaux et des services de « police vétérinaire ». Des repérages multiples de différents corps de flics sur zone et autour. L’expulsion, peu importe sa forme, son périmètre, sa durée, son enrobage politique, arrive. Et, plus encore qu’en 2012, pour y résister, pour y faire face, il va falloir s’organiser à grande échelle partout en France.

On ne veut toujours pas y croire. Sauf que ça va arriver.
Ça va sans doute être une énorme opération médiatique et démonstration de force, avec caméra embarquée, communication hyper maîtrisée, comme à Bure, BFM et I-Télé en continu avec plateau d’éditoralistes infâmes pérorant sur le retour à l’État de droit, etc.
Ça va peut-être être une opération opportuniste où les flics et leur commandement vont voir jusqu’où ils peuvent aller, combien de lieux ils peuvent détruire, avant que ça pète un peu partout en France. Ils vont jauger entre la mise en scène médiatique, les dégâts réels, la capacité de nuisance et de divison du mouvement, les gains politiques, le coût d’une telle opération, etc.
Ça va très certainement être insupportable et une opération qui visera à dissocier au maximum le mouvement, encore plus qu’il ne l’est déjà, en ciblant dans un premier temps précisément là où c’est compliqué et douloureux, autour de la D281, sur les habitats et les personnes les plus précaires. On va entendre sur les médias les politiciens et les médiatiques expliquer que « l’État a été ferme envers les plus radicaux, et tendra la main au reste », comme ce qu’ils ont essayé de faire à Bure sans succès, assister à des chantages dégueulasse envers les associations et la frange la plus « citoyenne » du mouvement, pour l’acculer à des déclarations mal maîtrisées qui aggraveront encore plus les divisions, etc, etc.

Voilà. Mais on ne va pas laisser faire. On ne peut pas laisser faire, parce que nous devons reconnaître collectivement tout ce que nous devons à la ZAD, comment et à quel point nous y tenons (et ça peut être par des points et des prises très différentes et potentiellement antagonistes, sur place), parce qu’elle n’est pas réductible à aucune de ses dimensions.

La diffusion large de la pratique d’occupation, telle qu’on l’observe depuis quelques années maintenant - dans la traînée des luttes rurales contre les grands projets, dans les places occupées estampillées Nuit Debout en 2016, dans les salles occupées des facs à partir de 2017, et maintenant dans les dizaines de facs bloquées, occupées et habitées depuis deux semaines -, là encore, nous devons reconnaître ce qu’elle doit à l’espace de possibles de la ZAD.
La consistance réaffirmée de la lutte, par exemple, à Bure, ces dernières années n’aurait pas pu avoir lieu sans l’expérience, l’imaginaire, la base arrière, le « précédent » de la ZAD.
La diffusion d’idées et de pratiques d’intelligence stratégique collective, de volonté de faire des choses ensemble au-delà des clivages, des étiquettes, de chercher le commun dans la pratique pour être plus fort ensemble.
La consistance d’imaginaire d’action directe et d’autonomie politique qu’on a vu à l’oeuvre particulièrement ces dernières années dans les manifs et les cortèges de tête de Nantes et de Rennes.
On parle aujourd’hui de la « Commune Libre de Tolbiac » comme tête de proue d’un « mouvement étudiant » qui, d’entrée de jeu, déborde de son cadre.

Mais, posons-nous la question en profondeur : qu’est ce qui fait que cet imaginaire d’antagonisme offensif, joyeux, destructuré et constructif à la fois est revenu avec autant de force au cours des dernières années ?

C’est une manière d’essayer de dire qu’attaquer la ZAD ce n’est pas simplement porter un coup à la lutte anti-aéroport, au mouvement là-bas, aux personnes qui y vivent où ont vécu. C’est nous attaquer tous-tes, en chaque point où nous nous trouvons, dans chaque lutte où nous nous impliquons à l’instant T. La ZAD, c’est « l’acquis social » d’une génération, d’une époque de destruction sociales, écologiques, psychologiques, sans aucun précédent. L’acquis social d’une époque où le capitalisme mondial mise sur la désintégration complète des vies et des territoires pour mieux les sidérer, les pacificier, les rendre aptes à la domination.

La ZAD, c’est la Bourse du travail d’un monde sans travail, sans emplois, l’espace commun de rencontre et d’organisation pour lutter dans un monde où tout est à repenser.

La ZAD est une référence, pas au sens d’un modèle, encore moins d’un exemple. Rien n’y est parfait. Beaucoup de choses y sont même complètement imparfaites, bancales, bordéliques, conflictuelles et franchement épuisantes. Mais elle « fait référence » au sens où on sait qu’elle est là, qu’on peut y tenir, s’appuyer dessus - même pour la critiquer, la dépasser, faire autrement ailleurs. Elle fait référence parce qu’on s’y sent relié-e-s. Et c’est beaucoup.

Alors on ne peut pas se laisser faire. La ZAD ne se réduit pas aux personnes qui y vivent, au mouvement anti-aéroport, aux difficultés qui s’y sont cristallisés.
Non. La ZAD est une partie de moi-même, une partie que je chéris. La toucher c’est toucher à ma dignité, ce que j’ai de plus précieux. Hors de question.
Attaquer la ZAD c’est attaquer la possibilité de construire à long-terme des bases d’autonomie matérielle et politique qui dépassent les mouvements éphémères ; attaquer la possibilité de penser ensemble la construction d’alternative, l’offensive et la réflexion.
Attaquer la ZAD, c’est attaquer tout le « mouvement social », tous-tes celles et ceux qui se battent pour un autre monde, la justice, l’égalité, la dignité, partout.

Ce texte est une invitation et un appel à ce que, sur Paris et l’Île-de-France, on se réveille dans les jours et les semaines à venir ! À ce qu’on reconnaisse et prennent acte de l’importance de défendre, partout, la ZAD de NDDL et tout les possibles qu’elle recèle encore ! S’organiser pour défendre la ZAD, c’est défendre et faire consister toutes les futures luttes pour l’avenir !

Les appels en provenance de là-bas sont pour l’instant assez lapidaires et concis. La situation évolue au jour le jour et l’urgence est sans doute très forte. Il faut se mettre un truc dans la tête :

La ZAD ne tiendra pas sans la mobilisation « décentralisée » partout en France et ailleurs. Comme en 2012-2013, mais plus fort encore. Parce qu’entre temps on a eu plus de 6 ans pour construire des luttes et des espaces autonomes - et, s’il n’y a pas eu beaucoup de victoires, il y a eu un paquet de rencontres et de vies qui se sont transformées.

À Paris souvent le fatalisme et la résignation règnent, on pense que c’est difficile de lutter et construire des dynamiques de moyen et long-terme. Le mouvement de 2016 a fait mentir cette idée, et ce qui se passe actuellement dans les différentes facs, notamment, à nouveau. Nous sommes capables de faire de très belles choses !

Donc, pour revenir à un ton plus neutre et froid « d’appel à la mobilisation », voici quelques propositions stratégiques à affiner ensemble dans les jours à venir dans les différents moments de retrouvailles :

1) Venir le plus nombreux-euses possible au rassemblement appelé à 18h à Belleville en cas d’expulsion de la ZAD.

On a besoin de se retrouver, de tenir chaud, essayons d’habiter ce moment pour ne pas en faire un énième rassemblement silencieux et frustré qui finit par partir en manif’ sauvage en 10 minutes avant de se faire nasser ou disperser !

2) Organiser, que les expulsions démarrent demain ou pas, une AG « extraordinaire » ZAD - Mouvement social pour penser le soutien et l’organisation décentralisée pour défendre la ZAD à Paris et en IDF, lundi 9 avril, à 21h à la Commune LIbre de Tolbiac

Il nous faut faire le point et nous rencontrer : comment réagir dans les jours et les semaines à venir où nous sommes ? quelles dates de rassemblement poser ? quels moyens matériels, symboliques, mutualiser ? comment nuire au maximum aux bruits des bottes là où nous sommes ? comment ne pas nous sentir atomisé-e-s et ne pas péter un câble en se sentant seul-e-s, isolé-e-s et impuissant-e-s dans les jours à venir ?
Faire cette AG à la Commune de Libre de Tolbiac peut participer ainsi à la « convergence des luttes », ou plutôt la consistance concrète, chaude, palpable, des résistances et des solidarités.
Il faut penser je crois cette AG comme un lieu de rencontre, de partage, de convergence, d’élaboration et éventuellement de coordination de toutes les personnes, groupes, collectifs, orgas, etc, qui se sentent touché-e-s et concerné-e-s par la défense de la ZAD et ses possibles. Pas comme l’émanation d’un collectif précis. À situation extraordinaire, le besoin d’inventer d’autres espaces d’organisation à plus grande échelle. Or, pour la première fois depuis bien longtemps à Paris il y a des lieux pour se rencontrer et s’organiser à grande échelle, justement.

3) Voir, et diffuser partout cette perception, la défense de la ZAD comme un enjeu transversal et commun à tout un tas de « secteurs » en lutte. Que la défense de la ZAD soit un exemple concret de la « convergence des luttes »

Faire des interventions sur la situation à la ZAD et proposer des actions (mini-rassemblements, blocages, actions devant des permanences, etc) dans les différentes réunions et AG de mobilisation de Paris et IDF (AG des facs occupées, AG interluttes, AG des secteurs syndicaux mobilisés, etc).
En parler autour de nous, dans nos facs, à notre taff, à notre famille, à nos potes plus distant-e-s : interpeller, alerter sur la situation.

4) Appeler, dans chaque ville, après chaque rassemblement de soutien à la ZAD, à des AG extraordinaire pour continuer d’élargir les rencontres et démultiplier les espaces d’organisation !

5) De manière générale se rendre disponible dans les jours et semaines à venir, au maximum, pour se rassembler et s’organiser pour soutenir la ZAD et répondre aux appels qui émaneront de ses différentes voix. En d’autres termes en faire une priorité.
Cette « priorité » je ne l’énonce pas comme celle sur un « agenda de lutte », comme une espèce de « temporalité de mobilisation » qui mimerait la temporalité professionnelle et entrepreunariale... j’essaie de dire, maladroitement, qu’il faut essayer de faire communiquer le plus largement possible, à tous-tes partout, si on le ressent, ce souffle et cette urgence vitale qui font que ce soir, j’en suis sûr, nous sommes des centaines, des milliers en France, venant d’horizons très différents, à avoir

le coeur au bord d’exploser et le besoin de partager communier se retrouver

À très vite, sans doute à demain lundi 9 avril 18h à Belleville, et à 21h pour une grosse AG à la Commune libre de Tolbiac. Préparons-nous à nous bouger à fond !

Pour la ZAD et ses mondes !

Un copain qui se sent très touché par la situation et a envie de s’organiser.

Contact : zadmouvement2018@riseup.net

Mots-clefs : ZAD
Localisation : région parisienne

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