Êtes-vous suffisamment Charlie ?
Face à la photo du petit Aylan, des milliers de réfugiés bloqués aux frontières, et face à la réalité, ici aussi, des réfugiés en errance dans Paris, il est douloureux de se remémorer ces autres images qui nous montraient des chefs d’État se tenant par la main avec la foule derrière eux pour clamer l’attachement aux valeurs de liberté et de tolérance. Comment ne pas leur trouver un air triste et coupable quand on songe à l’ampleur du drame qui survient aujourd’hui et que les gardiens de ces supposées valeurs n’ont pas su empêcher. Comment revendiquer un jour son attachement à la liberté et la refuser le lendemain à celles et ceux qui cherchent la leur en fuyant la guerre ? Entre la prétention des postures et la réalité du contre-coup il y a le mythe de l’Europe des droits de l’homme qui s’effondre. Sur quel fondement de « l’esprit Charlie » la valeur « tolérance » commande-t-elle de répondre au terrorisme par le flicage des citoyens ? - et aux appels à l’aide de populations en détresse par le renforcement de la police aux frontières ?
La crise « humanitaire » est une crise de l’humanité. Ce que l’Europe doit accomplir n’est rien de moins qu’un nouvel événement historique, elle a besoin d’un récit qui éclaire sa propre conscience, car « être Charlie » n’a pas suffit. De combien d’inhumanités encore devra-t-elle se rendre coupable pour tenir hors de ses frontières ceux qui fuient les guerres dans lesquelles l’Europe est impliquée ?
C’est dans les situations les plus sombres qu’il faut compter sur les solutions les plus radicales, et dans le contexte actuel la solution la plus nécessaire est aussi la plus évidente : il faut exiger l’ouverture des frontières.
L’Europe n’est pas un ordre immuable, c’est une construction sociale qu’il faut à tout prix ré-écrire.
Aucun être n’est illégal, les frontières doivent cesser d’être.