Appel à soutien pour le procès de deux camarades en Allemagne

Dans la nuit du 16 février 2023 à Berlin-Adlershof, deux camarades ont été arrêtés et mis en examen sous l’accusation de groupement en vue de commettre un crime (un incendie), leur procès commencera le 27 mai 2024 devant le Schöffengericht de Tiergarten. Publié en allemand sur le blog Wir haben eine Verabredung [1]

  • Acquittement au procès « Wir Haben eine Verabredung » !

    Le 15 juillet se tenait le dernier jour du procès dans l’affaire « Wir Haben eine Verabredung ». Selon l’accusation, durant la nuit du 16 février 2023, les prévenu-es auraient voulu incendier les câbles de l’entreprise ferroviaire allemande. Le parquet a plaidé l’acquittement à la fin de sa plaidoirie, par manque de preuves. Les avocat-es ont aussi plaidé pour l’acquittement, que le juge, après 15 minutes de réflexion, a prononcé !

    Voici la déclaration que les deux accusé-es ont lue ensemble après les plaidoiries finales des avocat-es :

    Nous avons été arrêté-es il y a 17 mois. Pendant un jour et demi, avons été séparé-es dans le centre de détention de Tempelhofer Damm et avons été présenté-es à un magistrat. Nous avons ensuite dû nous présenter au poste environ 85 fois et griffonner notre signature sur un bout de papier pour prouver que nous n’allions pas nous soustraire à la procédure. Notre ADN a été prélevé, et recherché dans des bases de données. Pendant un total de 15 jours, nous avons été observé-es par des contrôleurs dans notre vie quotidienne, avec nos ami-es et compagnon-nes, et les entrées de nos maisons ont été filmées. Depuis quelques jours, nous sommes assis-es devant ce tribunal, où notre culpabilité est jugée.

    Nous n’avons rien dit au moment de l’arrestation, et nous ne dirons rien aujourd’hui, sur les raisons pour lesquelles nous étions à l’endroit où nous avons été arrêté-es. Cet "espace vide" ne fait que souligner ce qui est également devenu clair au tribunal ces derniers jours : la police et la justice tâtonnent dans l’obscurité. La recherche de notre ADN dans les bases de données ne vous a rien donné. Vos observations ne semblent pas avoir abouti à des conclusions pertinentes. Il ne vous reste plus qu’une histoire sordide pour vous conformer à votre propre volonté de persécuter, et pour être en mesure de présenter les « succès » nécessaires.
    L’ordre politique n’exige pas d’intégrité morale, mais seulement le respect des lois.

    Le manque de motivation avec lequel l’enquête et l’audience principale ont été menées par l’instruction - presque à la limite du refus de travailler - que ce soit par incompétence ou par arrogance ; ainsi que l’étalage risible des "compétences" en matière criminelle de certains agents de la police fédérale, pourraient presque cacher le fait que nous sommes ici devant un exemple de justice de classe.

    Quand nous parlons de justice de classe, nous pensons que nous sommes tout de même ici dans une position plutôt privilégiée. Mais en même temps, nous n’oublions pas de quel droit il s’agit ici.

    Nous n’oublions pas les innombrables locataires qui sont condamné-es au sans-abrisme par les tribunaux allemands. Ni les milliers de personnes incarcérées dans les prisons allemandes, dont le seul crime est leur pauvreté ou leur origine.

    Nous n’oublions pas que chaque auteur de violence en uniforme, et même le dernier membre du NSU [1] peut quitter une salle d’audience le sourire aux lèvres, alors que dans le même temps l’abolition de facto du droit d’asile maintient les continuités coloniales, et que les personnes ayant subi des violences sexuelles et racistes ne peuvent s’attendre qu’à de nouvelles violences face aux tribunaux allemands.

    Nous n’oublions pas comment, dans ce soi-disant tournant historique, les lois et les autorités allemandes permettent la militarisation la plus massive de l’allemagne depuis la Réunification, et comment les entreprises d’armement allemandes profitent continuellement du génocide et de la guerre dans le monde entier.

    Et nous n’oublierons jamais que ce sont des gens portant l’uniforme de la justice qui, à quelques mètres d’ici, ont laissé brûler Ferhat Mayouf dans une cellule de prison [2].

    Ce procès n’est qu’une des nombreuses tentatives actuelles pour persécuter les individu.es et structures anarchistes et antifascistes ; les forcer à abandonner sous la pression de l’État, les occuper par la répression et la menace de punitions allant du désagréable au très sévère. Le soi-disant Centre modéré démocratique tente d’éliminer les éléments perturbateurs qui révèlent au grand jour son système (de valeurs) oppressif et non libre. Non pas pour la justice, mais pour garder leur conscience tranquille.

    Cependant, on peut observer partout en Europe à quel point ce centre bourgeois est toujours proche d’avoir une sympathie assumée pour le renforcement du fascisme.

    L’Histoire a prouvé que nos réponses à ces questions ne peuvent pas être fondées sur le droit civil et, par conséquent, il n’y a pas lieu d’en dire plus dans ce bâtiment.

    Au lieu de cela, nous souhaitons terminer avec quelques mots sur la solidarité :

    À aucun moment nous n’avons eu à endurer cette audience seul-es. Pour nous, cette solidarité est une expression de la puissance et de la beauté des idées révolutionnaires.

    Le soutien que nous avons reçu dans cette salle, et qui nous a accompagné-es et soutenu-es pendant un an et demi n’est malheureusement pas toujours une évidence. En particulier, nous voulons remercier celleux qui nous ont accueilli-es devant le centre de détention après notre arrestation, celleux qui nous ont soutenu-es sans relâche pendant tous ces mois et ces personnes inconnues dont les salutations, de près ou de loin, ont rempli nos cœurs de joie.

    Last but not least, merci à nos avocat-es, sur le soutien et l’engagement desquel-les nous avons toujours pu compter.

    Quel que soit le verdict qui nous sera rendu ici, nous sommes certain-es que le besoin d’un monde de dignité, de liberté, d’autodétermination et de justice ne pourra pas être négocié dans une salle d’audience. Et nous quitterons cette salle avec la certitude que ni la sécurité de l’État, ni le ministère public, ni ce tribunal n’ont la moindre idée de ce que nous pensons, voulons ou faisons vraiment. Et cela, malgré toutes les adversités, reste un sentiment très satisfaisant.

    Source

Traduction de l’appel en allemand

Selon l’accusation, durant la nuit du 16 février, les prévenu-es auraient voulu incendier les câbles de la Deutsche Bahn [2]. On retrouve ici une supposition de la Staatsschutz [3] vendue ensuite par le parquet judiciaire comme une vérité pour pouvoir être jugée comme un groupement en vue de commettre un crime par un tribunal. On trouve cela inintéressant de chercher à savoir si ces accusations sont vraies ou fausses, on refuse de participer à de telles spéculations. Au moment de l’arrestation des camarades, aucun délit n’a été commis. En invoquant le « groupement », le parquet résout ce problème. Il peut ainsi divaguer et construire le récit d’une menace. Cette accusation ouvre pour la justice un champ de possibilités très vaste, lui permettant de poursuivre ceux qui conspirent contre l’État, sans aucun acte concret. Pour autant, nous réaffirmons que les multiples résistances, l’attention que l’on se porte les uns aux autres, l’entraide comme le sabotage ont toujours été des outils des opprimées et des exploitées.

Les procès judiciaires et les prisons sont des instruments de la justice bourgeoise, qui sépare les gens entre coupables et non-coupables. La punition et la peur sont le ciment de la violence étatique qui conditionne tout le monde à rentrer dans le rang de ce système capitaliste patriarcal et colonial. Les innocents sont ceux qui contribuent au bon fonctionnement de ce système en acceptant ces frontières, ces murs, ces règles et ces normes.

On défend la possibilité et la nécessité de l’action directe comme un outil des luttes révolutionnaires. Dans la répression contre nos deux camarades, on voit la tentative de menacer tou-tes celleux qui défendent aussi cette possibilité. Cette menace se voit dans l’acharnement répressif contre la contestation contre le G20, la chasse contre des militant-es antifascistes, la tentative de dépolitisation de la guérilla urbaine des dernières décennies [4] ou encore la répression énorme contre les luttes anticoloniale. Pendant qu’une militarisation générale du social accompagne l’escalade de la violence étatique, l’État tente de délégitimer toute pensée qui pourrait faire croire à la possibilité d’une contre-violence autoorganisée.

Prenons position et refusons d’accepter la ligne de démarcation entre coupable et non-coupable. Et tranchons plutôt une ligne entre celleux qui s’enrichissent et celleux qui exproprient et communisent tout. Entre ceux qui bâtissent des murs et celleux qui les surmontent. Entre les assassins en uniformes et celleux qui règles leurs conflits ensemble. Entre celleux qui réclament de la liberté et celleux qui leur la volent.

C’est clair que ces belles phrases ne correspondent pas toujours à la réalité. Mais les doutes, l’insécurité, l’isolation et l’exploitation qui nous atteignent de différentes manières sont là pour nous séparer les uns des autres. C’est surtout avec toutes nos différences, avec tou-tes celleux qui nous rendent particuliers que l’on peut apprendre à nous connaître, dans le respect mutuel, et oser se donner des rendez-vous. Cela nous permettra de partager nos peurs, de trouver des analyses et d’élaborer ensemble des propositions et des solutions à nos problèmes plutôt que de nous battre en guerrier-es isolé-es.
On veut solidifier nos liens, nos relations sur des valeurs comme la sincérité, l’entraide, la passion et la confiance, il n’y a pas de sens à trouver dans les rouages de ce système fondé sur le pouvoir et le profit, il faut le trouver dans nos luttes pour le changement nécessaire de cette société.

Ces luttes ont toujours été nécessaires et le resteront. Notre détermination et notre solidarité se traduisent aussi dans le fait de ne pas nous laisser intimider par des arrestations et des affaires judiciaires. La meilleure réponse, c’est de continuer à tenir les un-es aux autres et à défendre en mots et en actes l’idée d’un monde meilleur, jusqu’ à ce que l’on soit tous et toutes libres !

On vous invite à suivre le procès de manière solidaire et à venir soutenir les camarades devant le tribunal. Venez avec nous à l’ouverture du procès le 27 mai 2024 à midi au palais de justice de Moabit !

Bien sûr qu’on se regroupe, pour saboter la guerre.
Bien sûr qu’on se regroupe, pour lutter contre la normativité patriarcale.
Bien sûr qu’on se regroupe pour arrêter l’exploitation de la terre et de ces habitants.
Bien sûr qu’on se regroupe, pour lutter pour la liberté…

Force, Liberté et Joie à tous.tes les inculpé.es et tous.tes les prisonnier.es, en cavale ou en prison !

Dates des procès
Date Heure
27/05 14h00
06/06 09h15
13/06 09h15
01/07 09h15
04/07 09h15
08/07 09h15
11/07 09h15

Les mises à jour et changements seront publiés sur le blog

Notes

[1Cela signifie « Nous avons rendez-vous » / « nous nous regroupons »

[2Compagnie ferroviaire allemande

[3L’équivalent de la DGSI

[4NdT : en référence a l’arrestation récente d’une militante de la RAF en cavale depuis plus de 30 ans

Mots-clefs : criminalisation | justice | Allemagne

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