Au-delà du débat sur la nécessité du confinement et ses modalités se pose la question de l’épidémie et de sa gravité, que font ceux qui la nie ? À quoi joue le gouvernement ? Et qui la prend véritablement au sérieux ?
Contre les négationnistes du Covid...
Raoult, Toubiana, Toussaint, Perrone. Voilà des mois que de douteux scientifiques squattent les charmants plateaux télés de LCI, Cnews et BFM, quand ce n’est pas le micro de la radio d’extrême-droite Sud-Radio [1]. Ils vont de l’un à l’autre répétant qu’on exagère, que le covid ne tue que les vieux et quelques idiots qui ont eu la mauvaise idée d’avoir un diabète, une insuffisance rénale ou un cancer, rien que du surnuméraire donc, que l’absence de confinement n’aurait rien changé [2], et que le gouvernement main dans la main avec les lobbys pharmaceutiques travaille dans l’ombre à notre confinement perpétuel.
Le covid dans leur bouche a d’abord été un virus « pas bien méchant ». Puis au déconfinement ils nous ont assuré que l’épidémie était terminée. Ensuite qu’il n’y aura pas de deuxième vague. Qu’il n’y a pas de deuxième vague. Qu’il n’y a toujours pas de deuxième vague. Qu’il y a peut-être une vaguelette. Que bon d’accord il y a une deuxième vague mais c’est parce que le virus il a muté en fait. Blablabla [3].
Leur discours, qualifié de « rassuriste » et s’appuyant sur une prétendue légitimité scientifique, séduit partout. On les acclame à l’extrême-droite où les déclarations très scientifiques de Didier Raoult selon lequel un variant du virus viendrait d’Afrique du Nord, et que les mariages des communautés Roms et Juives constitueraient des hauts lieux de contagion font fureur [4]. C’est vrai que dans les mariages Français on a jamais vu personne s’embrasser et danser la chenille collé-serré.
Ils cartonnent auprès du Medef et des relais médiatiques du libéralisme autoritaire de BFM à CNews. Qui bien sûr ne désirent qu’une chose : que la machine continue à tourner, que le commerce prospère, que le désastre progresse. Passé le concours Lépine des idées d’extrême droite organisé par ces chaînes suite au meurtre de Samuel Paty [5], qui proposant de rouvrir des bagnes et qui de déchoir les islamo-gauchistes de leur nationalité, la promotion du darwinisme social [6] à la sauce Macron ou covid, au choix, a repris de plus belle.
Et enfin ils trouvent même un site d’information proche de la France Insoumise pour publier leur dernière tribune. Ramassis de falsifications à l’image de ces scientifiques dont les mensonges sont mis en lumière semaine après semaine. Selon une logique directement empruntée à Zemour et Onfray ils tapent sur les médias mainstream, ceux-là même chez qui ils ont leur ronds de serviette, accusés de relayer le complot du gouvernement contre nous [7].
Et cela marche, trouve de l’écho. Car oui nier la gravité de l’épidémie rassure, même si cela est faux et dangereux, et d’abord pour les couches de la population les plus paupérisées, qui sont les plus touchées par le covid [8]. Car occupant dans l’espace médiatique la posture du dissident, ils arrivent à capter une partie du flot de colère qui gonfle, de la saine défiance envers ce gouvernement criminel qui croît de façon exponentielle, mais pour le détourner dans le caniveau du business as usual et du chacun pour sa gueule. Car oui le gouvernement agit contre nous, mais pas dans l’ombre comme le prétendent les négationnistes, non, il nous envoie à la mort sous la lumière froide des néons des open-spaces et des hangars Amazon, sans se cacher, il « assume » comme il dit.
...Et les criminels au gouvernement
« Nous avons tous été surpris par l’accélération de l’épidémie, tous ! », a asséné Emmanuel Macron lors de l’annonce du reconfinement, accréditant en cela le discours négationniste qui ambiançait les médias depuis le printemps dernier.
Contrairement à ce que voudrait nous faire croire les rebelles de plateaux télés, peu de choses, au fond, les séparent de la mafia au pouvoir pétrie dans la pâte du libéralisme autoritaire. C’est désormais de notoriété publique, le gouvernement a délibérément ignoré les mises en gardes du conseil scientifique depuis août [9], choisissant de privilégier, fidèle à sa nature, l’économie à la vie.
Leur but premier étant de contenter leurs amis du Medef ils ont, comme en février dernier, tenté de passer en force. Mais bizarrement le virus n’a pas l’air impressionné, ni d’avoir envie de négocier [10]. S’il ne tenait qu’à eux bien sûr qu’ils suivraient la « stratégie » promue par les disciples de Raoult, cette fameuse « immunité collective » que la grande majorité du corps médical et scientifique considère soit comme une chimère, soit, au mieux, comme synonyme d’un carnage humanitaire [11].
Seulement les robots de la macronie, s’ils n’ont pas d’âmes – ça tout les experts en conviennent – ont par contre un second souci. Ils ne s’inquiètent pas seulement du bonheur des patrons du CAC40, mais également de continuer à les satisfaire, et donc à se maintenir au conseil d’administration de la Start-up Nation [12]. Pourquoi avons-nous été confinés et reconfinés ? Parce que Bergame. Ses alignements de cercueils qui donnent le vertige et les camions militaires réquisitionnés pour les évacuer. Parce que Madrid. Et sa patinoire transformée en gigantesque morgue.
Parce que Macron s’il veut pouvoir continuer sa politique criminelle doit continuer à se rendre vendable sur le marché électoral. Et Bergame, ou Madrid, ça ne fait pas beau sur l’emballage.
Alors on temporise, avançant à l’aveugle en empilant les mesurettes incohérentes pour mimer l’action, en espérant que ça passe. En tout cas on garde le cap, on maintient les réformes, on continue de fermer des lits dans les hôpitaux. Par centaines [13]. On profite au passage de la sidération pour renforcer le contrôle policier de la population [14]. Et puis, lorsque l’on voit la deuxième vague de cadavres arriver, on reconfine. Mais light cette fois. Avec tout le monde au travail et à l’école. Avec des soignant·es épuisé·es, à deux doigts de rendre leur tablier. En espérant que ça passe.
Et pour être bien certain que le message passe on met à la tête du gouvernement l’un des responsables de la destruction de l’hôpital. Comme l’a noté un commentateur avisé : nous savions être gouvernés par des sociopathes, il est désormais admis que ce sont des criminels [15].
Soigner l’autonomie populaire
« Au sein du zapatisme nous optons pour la prévention et l’application de mesures sanitaires qui, en leur temps, ont fait l’objet de consultation avec des scientifiques femmes et hommes qui nous ont orienté et nous ont offert leur aide sans hésiter. » (Une montagne en haute mer, lettre de l’EZLN) [16]
Comme le veut la coutume, la sagesse est venue des peuples. Ce sont des centaines si ce n’est des milliers de femmes qui en France se sont mises à coudre des masques et ont auto-organisé des réseaux de distribution, notamment auprès des soignantes en rupture de stock [17]. Alors que le gouvernement tentait de cacher la pénurie en semant le doute sur leur utilité. Ce sont des brigades populaires autogérées qui un peu partout dans le monde ont produit du gel hydroalcoolique et distribué des masques aux caissières, au livreurs, aux travailleurs du BTP, à tous ces premiers de corvée envoyés écoper la cale du Titanic économique [18]. Ce sont des cantines et des réseaux de ravitaillement autonomes qui ont permis à nombre de personnes précaires de continuer à tenir.
À rebours des discours négationnistes qui présentent les mesures de prévention comme une forme de soumission, à rebours également d’un certain gauchisme occidentale qui prône un individualisme des plus libérale, les mouvements de luttes et d’émancipation sont riches d’histoires de réappropriations collectives des pratiques de soin et des savoir-faire médicaux. Des Free Clinics des Black Panthers et des Young Lords [19] aux réseaux clandestins d’accompagnement à l’avortement du mouvement féministe et à ses pratiques de self-help. De l’épidémiologie de combat développée par Act-Up aux actuels centres de santé communautaire [20], celles et ceux qui luttent savent que la santé est une question de classe, de race, de sexe. Que c’est une question politique. Et que s’il y a tout à repenser dans la médecine occidentale et ses institutions, défendre l’hôpital aujourd’hui ce n’est pas défendre l’État, c’est défendre la vie commune.
Gwen Fauchois ancienne vice-présidente d’Act-Up et militante féministe raconte : « Nous avons su et dû ne pas attendre l’État pour organiser des réponses à notre échelle. Nous savions la nécessité de prendre soin de soi pour ne pas transmettre à d’autres y compris des pathologies bénignes pour nous mais potentiellement grave pour nos amis immuno-déprimés. Nous savions respecter les mesures de précaution élémentaires, ne plus nous embrasser s’il le fallait et quand il le fallait et célébrer la vie néanmoins. » [21]
Pour conclure, laissons la parole à nos camarades zapatistes : « Nous disons, avec la vie qui palpite dans nos corps, que selon notre évaluation, le fait d’affronter la menace en tant que communauté, et non comme un problème individuel, et de faire porter notre effort principal sur la prévention nous permet de dire, en tant que peuples zapatistes : nous sommes là, nous résistons, nous vivons, nous luttons. »