Abus au sein de L214 : plus qu’un burn-out, un vrai dégoût

Ce qui fragilise le mouvement antispéciste et sa figure de proue, L214, c’est l’omerta sur des sujets d’agressions sexistes et sexuelles, d’oppressions hiérarchiques et genrées. Ce qui détruit la cause, c’est silencier les militantes, qui dénoncent l’hypocrisie, les manipulations, la toxicité du mouvement.

Il y a quelques mois, un article salutaire était publié sur diverses plateformes de luttes sociales, qui dénonçait les pratiques nauséabondes au sein de 269 Libération Animale, collectif se présentant comme « antispéciste, anarchiste et anticolonialiste ».

Un déclencheur pour nous, anciennes militantes/sympathisantes de L214, association de lutte contre l’exploitation animale. De loin la plus médiatique, à l’aura la plus grande. Notre prise de conscience a été tardive, la peur de prendre la parole très forte. Diverses raisons à cela, toujours les mêmes : crainte de témoigner et d’être récupérées par nos ennemis spécistes, procès en illégitimité de la part d’autres militant.e.s antispécistes, impacts psychologiques certains et sur le long terme…

Pourquoi avoir choisi L214 ? Des bonnes raisons aux mauvaises conséquences

Au départ, vers nos 20 ans, parce que cela semblait être une safe place pour nous, militantes. Actions au grand jour, cohésion entre camarades pour une même cause, désobéissance civile, lutte antispéciste en accord avec notre non-violence. Volonté d’apporter une solution et de la joie malgré un problème épouvantable et quasi insoluble : libérer les animaux. Mais de dire aux gens rencontrés : vous pouvez le faire pour eux, arrêtez de consommer des produits animaux. C’est simple, et c’est efficace. On ne voulait pas tout casser, au risque de s’attirer la désapprobation du grand nombre, qu’on cherche à convaincre.

On était prises en main, souvent par des hommes plus âgés, qui cadrent et encadrent les événements. On se sent guidées, voire même protégées. Après un certain temps, et une certaine confiance, on en vient à proposer des choses, des améliorations sur les thématiques, les discours, les lieux d’évènements. On est écoutée.s (on croit que…) pour en fait être ignorée.s de manière assez hypocrite. Rien n’est dit en face, et on est décrédibilisée.s par les « on dit ».

L214 veut de la docilité, des jeunes femmes pour rassurer le public à qui on s’adresse. On te fait comprendre que ton idée est présentée comme une critique de l’association, que tu agis contre elle, donc que tu n’es ni fiable, ni compétente. Donc dangereuse. Les salariés de L214 qui nous encadrent lors d’évènements sont là pour s’assurer d’une ambiance et d’un état d’esprit : tout est beau, tout est joyeux, notre cause est juste. Mais il faut rester docile et obéir. Ce qui est d’autant plus facile qu’à 20 ans, on manque de confiance en soi.

On joue sur nos émotions, donc une forme de manipulation : dire que les militantes sont importantes, que rien ne pourrait se faire sans les bénévoles… Il y a une complicité que l’on croit forte mais qui est d’une grande hypocrisie aux premières sources de tensions, aux premiers problèmes.

L214, TPMG

Comme l’a bien résumée une de nos camarades (elle se reconnaîtra si elle lit ces lignes !), « L214, c’est Tout Pour Ma Gueule ! ». Cette fausse intimité, cette illusion d’affection et de proximité est en fait une relation entièrement contrôlée. Une manipulation affective qui a pour but d’amener à donner plus de temps et de force de travail.

On vous fait sentir spéciales mais la conséquence est la suivante : on reste aveuglée par cet environnement où des mini cultes de la personnalité sont créés, autour de certain.s salarié.e.s de L214, les « têtes de gondole » que l’on voit à la télé ou sur Internet, qui sont aux contacts de personnalités (TV, cinéma, etc.), qui sont pris à parti par les spécistes ou les droitards, sur les réseaux sociaux, ce qui donc engendre chez nous une certaine compassion à leur égard. Cela crée une relation inconditionnelle et à sens unique entre les militant.e.s et ces personnes représentatives de L214. Et même pire, une emprise, un aveuglement. Des personnes représentatives de L214 qui sont toujours les mêmes et qui dirigent.

Les prises de parole médiatiques sont toujours faites par les chef.fe.s de L214 (le petit jeu d’égo même si les chef.fe.s prennent soin de ne se présenter que comme chargé de campagne, responsable de…). Pas de concertation sur ce qui est dit et à qui. Que dire quand on voit débouler BFM TV lors d’un évènement… En fait, dûment contacté par la hiérarchie de L214 pour faire la communication de l’évènement.
Sur les réseaux sociaux, les militant.e.s ne sont là que pour relayer les informations de L214 ou de la presse qui relaie notre action. Pas de témoignages perso, ni sur l’action ni sur L214 elle-même. Sinon, c’est la culpabilisation. Qui sommes-nous, jeunes militantes, pour prendre des initiatives ?

L214 est devenue un business avec son management très start-up. C’est à la mode. Tout est présenté comme bienveillant, mais non ! Tout questionnement n’est pas le bienvenu (euphémisme !). Au sein de L214, les autres organisations antispécistes (Vegan Impact, 269 Libération Animale…) sont critiquées, ouvertement. Les critiques misogynes contre Solveig Halloin (Boucherie abolition) lors de son passage chez Hanouna en 2021 sont encore dans les têtes des militantes. Il était quasi interdit de parler avec elle et d’autres personnes de Boucherie abolition lors d’évènements antispécistes, qui se passaient dans le même lieu. C’était quasi sectaire alors qu’elles apportent un autre mode de combat, pour une même cause. Mais pour les chef.fe.s de L214, il n’y a que L214 qui compte. Et « Solveig Halloin est folle ».

Aussi, pour les jeunes femmes qui veulent s’engager dans la cause animale et L214 en particulier, rappelez-vous que les militantes se doivent d’être d’une grande docilité. On peut même parler d’emprise et de manipulation. Car des choses chez L214, plus ou moins cachées, nous permettent de dire que cette organisation est toxique et violente.

Paroles confisquées, problèmes niés, militantes blacklistées

Parler c’est se victimiser. C’est rapporter à soi des choses vécues alors que la cause demande de la fermer. La cause ? Le combat antispéciste ? Non. La survie de L214.
Dénoncer quelque chose, émettre une critique, c’est être en danger dans l’organisation ET un danger pour l’organisation. C’est se faire passer pour une petite citadine qui ne connaît rien à la vie, et encore moins à celle des animaux. « Encore une petite bourg’ » comme le dira un homme qui se dit militant L214 et plein de « compassion pour les animaux ». Et les militantes ???

Comment expliquer cela ? À qui ? Après les enquêtes de la presse sur les violences sexistes et sexuelles chez L214 (on parle de v*ols notamment), nous avons été beaucoup de militantes choquées par la réaction des chef.fe.s. Nier le problème, puis minimiser pour enfin « créer une cellule Help » pour prévenir des « agissements sexistes », mais qui n’est dédiée qu’aux salariées de L214. Donc relativement protégées. Mais rien pour les militantes qui peuvent être agressées par d’autres militants !

La cause des animaux est en grande partie soutenue par des femmes, des bénévoles, des militantes. Un terreau parfait pour que s’y passent des agressions sexistes ou sexuelles. Souvent, ce sont des non-dits car la cause animale ne peut être que bienveillante. Au-dessus de tout soupçon. Et quand cela arrive ?

Que dire quand un responsable de la communication cherche à silencier une militante victime de VSS ? Ce dernier est toujours salarié de L214, la direction n’ayant rien trouver à redire. Que dire quand des militants, dans leurs discussions entre eux, sexualisent les militantes ? Est-ce que ce sont des pratiques normales ?

Que se passe-t-il quand un militant, de manières répétées, a des comportements prédateurs envers des militantes ? Rien. D’autres militants, cherchant à le dédouaner, préfèrent employer le terme « lourdingue ». En fait, c’est même pire. Il en est des militants qui sont protégés par un des chefs de L214. De vraies bromances. « C’est sans doute un malentendu », « on ne peut pas surveiller tout le monde », « la militante est un peu olé olé », et pire encore. Il se passe des choses plus qu’épouvantables, et plus qu’évitables, car tout le monde sait de ces comportements, surtout les chef.fe.s de L214.

Les militantes qui dénoncent sont blacklistées. Pourquoi s’étonner du turn-over démentiel de militantes ? L214 peut bien dire que l’asso dispose (c’est le mot) de centaines ou de milliers de bénévoles, le problème est qu’elles voient très vite comment ça se passe. Donc fuient.

Lever la tête

Alors oui, parler, se questionner sur les pratiques du milieu antispéciste et de sa figure de proue médiatique, L214, n’est pas mal. Cela n’affaiblit pas la lutte pour les animaux. Cela ne leur nuit pas. Au contraire.

Pourquoi les militantes devraient-elles se laisser malmener, dominer, sous couvert de ne pas nuire aux animaux ? Nous ne dénigrons pas le milieu antispéciste. Nous le ne fragilisons pas. Ce qui le fragilise, c’est l’omerta sur des sujets d’agressions sexistes et sexuelles, d’oppressions hiérarchiques et genrées. Ce qui détruit la cause, c’est silencier les militantes, qui dénoncent l’hypocrisie, les manipulations, la toxicité du mouvement.

Abandonner la cause ? Pourquoi devrions-nous partir ? Au contraire, témoignons ! Ce qui se passe dans les collectifs n’est pas privé et nous devons en parler. Nous nous joignons donc à cet appel pour des luttes fortes et durables : Paye Ton Burn Out Militant.
Vous pouvez envoyer vos témoignages (anonymes ou non) à lutteantispelibertaire@protonmail.com

Et maintenant ? Nous avons une volonté de nous engager en politique. La suite logique serait le parti animaliste mais il y a l’inquiétude de rencontrer les mêmes maux là-bas aussi, le même cercle vicieux. Et la présidente du parti est une des avocates de L214. Que faire ?

Mots-clefs : justice | abattoir | antispécisme

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