..Une rumeur très vite reprise à leur compte par les journalistes en tout genre, de Vice à Télérama, jusqu’au direct de BFM TV. Une manière pour ces derniers de balayer l’hostilité à leur égard, historique et toujours plus forte, et de faire porter la responsabilité de cette défiance à « un appel publié sur un site anarchiste ».
Il y a de nombreuses critiques que l’on pourrait porter à ce texte (à lire par ici) : une certaine incohérence dans l’argumentaire, une certaine rigidité jamais mise en regard des événements divers concernant l’image… Mais le défaut le plus important est celui de la mise hors contexte : ce texte anglo-saxon peut nous amener à réfléchir sur la place de l’image dans les luttes, comme celui des preneurs d’images, mais en aucun cas on ne peut calquer un contexte à un autre. Nous ne sommes pas à Londres, ce ne sont pas les mêmes événements, il n’y a pas d’universalisme des situations.
Ce jeudi 12 mai, donc, la rumeur circulait que les journalistes seraient pris pour cible. Ça n’a pas été le cas. Un périscopeur de la chaîne étatique russe pro FN (Russian Today – RT) a bien été dégagé. D’autres ont été repoussés, ou tout du moins questionnés. Rien d’inhabituel en manifestation.
Ce jeudi 12 mai, on a néanmoins vu une foule de journalistes, que l’on peut qualifier de rapaces, se coller en tête de cortèges et chercher le moindre bout de peau identifiable derrière les masques et les foulards. Il y avait une journaliste de Metronews qui cherchait sur périscope le « black bloc » mais qui n’arrivait pas à le trouver. Il y avait un journaliste du Figaro qui prenait en photo les gens à demi-masqués pour les tweeter en direct accompagné de la mention « casseurs ». Il y avait une foule d’autres journalistes qui venaient se coller entre les flics et le cortège, à la recherche du moindre affrontement, du moindre cocktail, de la photo qui fera bien le lendemain à la une du Parisien.
Ce jeudi 12 mai, un photographe du collectif OEIL a été blessé et hospitalisé. Pas par un manifestant. Par les flics. Un photographe a failli perdre un œil par un tir de grenade de désencerclement à une précédente manif . Ils sont nombreux a avoir eu des blessures variées. D’autres ont vu leur matériel réduit en miettes par les forces de l’ordre.
C’est un faux procès qui est fait à ce texte : la violence, elle est policière et étatique. Il suffit d’être clair sur sa position au sein des manifs (contrairement au service d’ordre de l’intersyndicale). Les manifestant.e.s savent faire la part des choses, reconnaissent les photographes qui sont avec eux, et ceux qui sont contre eux. Les camarades qui shootent savent qu’ils seront mieux protégés par le cortège que derrière la ligne de CRS et de BACeux.
Le texte, malgré ces défauts, aura permis de lancer le débat sur la pratique de l’image au sein des manifestations. Nombreuses et nombreux sont les photographes et vidéastes qui se posent déjà ces questions-là. D’autres s’en dispensent, se cachant derrière un simulacre d’objectivité et des arguments éculés.
On peut déjà en démonter quelques uns :
- Oui les flics vont chercher sur les réseaux sociaux les photos, de bien meilleure qualité que les images de drones, de caméra de surveillance ou les caméscopes sur perche de la préfecture.
- Non ce n’est pas aux manifestants de « bien se cagouler », ou alors il faudra penser à « bien protéger » sa caméra.
Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, en commençant par celles et ceux pour qui la répression se traduit en prison ferme.
La discussion peut être ouverte. De visu.