Ce 8 Mars 2024, alors que l’Europe s’engonce dans ses frontières, se barde de policiers qui tuent expulsent, trient, repoussent, enferment, que les températures ne cesse de monter, que tout fond et se délite, à Paris dans la manifestation féministe, les milices sionistes tabassent. Soyons très claires : nous, grande majorité des personnes descendues dans la rue ce 8 Mars, nous soutenons la lutte d’émancipation du peuple palestinien, parce que nous combattons la colonialité sous toutes ses formes. Nous exigeons l’arrêt immédiat du génocide en cours du peuple palestinien. Nous exigeons le démantèlement de la structure d’apartheid coloniale de l’État Israélien. Nous voulons mettre à bas l’alliance mondiale auto-légitimante entre les puissances coloniales d’Europe, des États-Unis et d’Israël. Ce sont des conditions sinequanones pour pouvoir mettre en place une solution permettant à toutes les populations présentent sur les territoires de Palestine / Israël de pouvoir envisager un futur viable.
Ce 8 Mars 2024 à Paris, ce qu’on a vu c’est un service d’ordre aux allures miliciennes, tout en cagoule et en virilité, en copcopinage avec la BRAV-M, elle-même corps policier aux pratiques ouvertement paralégales. Ce qu’on a vu c’est le patriarcat sous son déguisement fémonationaliste : Des vrais hommes, des musclors, qui protègent les seules vraies femmes, les leurs. Racisme et sexisme se donnent ici la main. En même temps qu’il entretient la confusion entre antisémitisme et antisionisme, le collectif « Nous vivrons » entretient la confusion entre féminin et féminisme. Deux discours qui s’entremêlent dans la rhétorique patriarcale fémonationaliste où le but est de soutenir la dynamique coloniale tout en arrivant à la conclusion totalement renversée que l’ordre patriarcal national n’est pas l’ennemi des femmes, bien au contraire, il est leur sauveur. Rabattre le féminisme sur le féminin puis éjecter du féminin toute une partie des femmes*, c’est la rhétorique qui a toujours accompagné la colonialité mondiale. C’est pourquoi nous, féministes de 2024, nous savons que nous devons sans cesse penser depuis ce cercle ouvert qu’est la catégorie femme. Nous, féministes de 2024, reconnaissons l’histoire lugubre de collaboration entre les mouvements dits « féministes » blancs, le colonialisme et l’apartheid. Nous connaissons notre histoire et à ce titre reconnaissons qu’il est de notre responsabilité de nous positionner clairement contre le génocide, l’apartheid et le colonialisme en Palestine.
La situation coloniale en Palestine est un laboratoire de cruauté et de mort. Sous nos yeux, l’armée israélienne rivalise de trouvailles pour humilier toujours plus, torturer toujours plus, faire souffrir toujours plus profondément la population civile palestinienne qu’elle affame. Toutes ces tortures escortées par les rires des soldats, font désormais partie du champ de ce qu’il est possible et même légitime de faire endurer à des humains. Cette inversion totale de l’ordre moral, cette jouissance de la cruauté, qui est encouragée par les discours des extrêmes droites partout dans le monde, dessine les contours d’une normalité future effrayante. Puisqu’il est normal d’affamer des bébés, d’écraser des personnes au bulldozer et de mettre les enfants au spectacle de la mort de leurs parents, puisqu’il est normal d’annihiler complètement un peuple et d’en rire, comment, après cela trouver quoi que ce soit de vraiment grave ? Comment ne pas voir que toutes ces tortures et ces massacres auxquels nous assistons en direct depuis nos téléphones vont irrémédiablement infuser sur les normes futures de la guerre et leurs prolongations dans le maintien de l’ordre et la lutte contre les ennemis de l’intérieur ?
Jouer la montre. Voilà ce que font aujourd’hui les soutiens de la politique coloniale de Netanyahou. Jouer la montre alors que d’heure en heure s’annonce l’assaut final de l’armée israélienne sur Rafah où sont réfugiées plus d’un million de personnes. Jouer la montre alors que des centaines de milliers de PalestinienNEs enferméEs dans Gaza sont en train de mourir de faim. Jouer la montre, jusqu’à ce que le dernier bâtiment ait été explosé et le·a dernierE palestinienNE assassinéE. Jouer la montre en cherchant à ralentir la contagion mondiale du soutien populaire à la cause palestinienne. La ralentir juste le temps suffisant pour que États-Unis et les États européens puissent renflouer l’armée sioniste d’un nombre effarant mais jamais suffisant de bombes, d’avions de chasse, de snipers et de grenades. Juste le temps nécessaire pour l’armée israélienne de parachever l’irréversible. Alors, quand le projet colonial d’extermination sera accompli, que les contrats d’exploitation des ressources de la côte de Gaza seront scellés, les territoires spoliés et revendus, alors et seulement alors, on verra tous les Joe Bidens du monde pleurer sur le sort malheureux des palestinienNEs. Une fois qu’il n’y aura plus de risque en capital comme on dit, une fois que ce sera trop tard, il sera de bon ton de verser quelques larmes. Dans quelques années, pour prouver leur supériorité, ces mêmes chefs d’État offriront - peut-être- aux survivantEs du massacre, d’humiliantes indemnisations sous conditions.
C’est pourquoi il nous semble important de comprendre la rhétorique de « Nous Vivrons » pour ce qu’elle est : un outil parmi d’autres de défense de la colonialité et des avantages matériels qui la compose. Ce n’est pas parce que les armes ici ont la forme de mots qu’elles opèrent dans le champ de la discussion. L’embrouille et le déni font partie de l’arsenal verbal du système colonial dont la cruauté est indéfendable. Cela doit nous amener à des considérations tactiques. Premièrement : Il est de la responsabilité des mouvements féministes de démonter les attaques rhétoriques sionistes. À ce titre les organisateurices de la manifestation du 8 Mars avaient la responsabilité d’ancrer le féminisme dans la lutte décoloniale et de refuser que des collectifs qui soutiennent l’assassinat de plus de 20 000 enfants, qui défendent la légitimité d’un État sur le point d’exterminer plus d’un million de personnes, viennent défiler dans le cortège féministe. Iels ont eu peur, n’ont pas voulu prendre les risques, alors ce risque c’est la base qui l’a pris. Deuxièmement : la véritable lutte se joue sur le plan du rapport de force.
Nous encourageons donc tout le monde à continuer à se rendre massivement en manifestation, à amplifier la campagne StopArmingIsraelFrance, et les actions de boycott, de blocage et de visibilisation menées par les collectifs palestiniens, afin de forcer les États coloniaux dans lesquels nous vivons, à cesser leur soutien au génocide en cours.
Texte de l’Assemblée Féministe Transnationale
*
@assfemtransnat
Tous les textes de l’Assemblée Féministe Transnationale ici