Cet article reprend et complète les arguments avancés dans :
écrit en janvier 2019, quand des gilets jaunes s’inquiétaient de la normalisation des manifestations, après l’euphorie émeutière de novembre-décembre 2018. Il appelait notamment à converger sur les Halles, après chaque manifestation, à la tombée de la nuit.
Constats préliminaires :
- les actions de blocage et de sabotage sont des pratiques plus efficaces que les affrontements avec la police surarmée et épaulée de la technopolice de surveillance et de la police politique de renseignement.
- période hivernale oblige, il fait froid, mais on est bien couvert et il est plus discret et moins suspect de s’anonymiser. Les capuches et écharpes noires sont les attraits de la coquetterie black-bloc tendance saison automne-hiver en vogue. De plus, la nuit tombe tôt à 17h et il nous reste de l’énergie pour continuer nos actions, même après une manif chiante de 12 km dans le froid.
- quand les manifs déclarées n’ont pas lieu (par exemple parce qu’elles sont annulées par la préf) et qu’on ne se contente pas de rester sur une place nassée à chercher à tout prix les affrontements stériles à armes inégales, on retrouve la configuration de l’Acte III ou l’Acte IV : une ambiance émeutière diffuse, décentralisée et résiliente.
- des personnalités médiatiques continueront coûte que coûte de déclarer des manifs tous les samedis matins et de négocier avec la préfecture des parcours qui évitent soigneusement tous les lieux de pouvoirs économiques, symboliques ou les grands lieux de consommation. On n’y peut rien, mais on peut tout de même appeler le plus de monde possible à rejoindre, après la manifestation, à la tombée de la nuit, un quartier facilement accessible et bondé de monde.
- le potentiel subversif des Halles est resté sous-exploité pendant trop longtemps et le 1er anniversaire Gilet jaune a commencé à corriger le tir.
Rappel sur la configuration Acte III du 1er décembre 2018 :
Une semaine après un Acte II émeutier resté principalement sur les Champs-Élysées ou pas loin, la préfecture transforme la grande avenue, pour l’Acte III, en fan-zone. Les Gilets jaunes de province, arrivés majoritairement plus tôt que les Parisiens et banlieusards, sont beaucoup à refuser de se laisser fouiller et confisquer leurs lunettes de protection et masques à gaz. Cela a abouti à une journée d’errance dans un quartier bourgeois qui initiera la séquence d’émeutes dans les rues Boétie, Friedland, Wagram, Ternes, Grands Boulevards, Saint-Augustin, Miromesnil pour les semaines à venir.
Rappel sur la configuration Acte IV du 8 décembre 2018 :
Cette fois, l’État en mode ultra-autoritaire, envoie les véhicules blindés de la gendarmerie pour la première fois à Paris intra-muros (déjà utilisés auparavant en banlieue, à la Réunion, à la ZAD), rappelle toutes les BAC de banlieue, interpellent plus de 2000 personnes (souvent préventivement dans les gares) et organise l’éventuelle exfiltration par hélicoptère de l’Élysée de Macron. Les Gilets jaunes, suffisamment nombreux pour rester diffus, mais se retrouver quand même en différents points, répondent au pouvoir comme la semaine précédente : des manifs sauvages un peu partout qui ont lacéré Paris. On se rappelle particulièrement de l’une d’elles, partie d’Opéra, passée par les Grands Boulevards (les flics, qui suivaient au début, ont vite abandonné en cours de route, probablement appelés sur d’autres fronts) et qui a eu la bonne idée de ne pas aller à République, mais de tourner sur les Halles puis le Marais. Ce jour-là, l’Hôtel de Ville n’était plus qu’à 200 mètres et on a vraiment pensé que la foule en colère allait l’investir.
Zbeuler les HALLES, c’est facile, logique…
Les Halles c’est :
- le croisement exceptionnel et unique du RER A B et D et des métros 1, 4, 7, 11, 14. Le RER A est la ligne de transport en commun la plus utilisée au monde : 1,2 million de voyageurs par jour. Le RER B passe aussi bien par les deux grands aéroports internationaux Roissy et Orly, que par les villes parmi les plus pauvres de France métropolitaine : La Courneuve, Aubervilliers. Idem pour le RER D avec Villiers-le-Bel, Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Sarcelles, Creil, Grigny. Les Halles, c’est l’endroit le plus facilement accessible d’Île-de-France, en transport ou à pied, car il est central. C’est aussi celui dans lequel s’exprime le plus, le samedi, la violence symbolique due aux inégalités.
- le lieu de rendez-vous de centaines de milliers de jeunes et moins jeunes prolos sans un rond. C’est le prototype de ce que l’avenir nous réserve : des lieux de consommation et d’amusement autorisés, mais hors de prix et ultra sécurisé dans lesquels les prolos n’ont pas les moyens de consommer. Au contraire là, on y danse, on y drague, on y fume des joints, on y vole des livres ou des chargeurs de portable à la Fnac, une écharpe à H&M, on s’y promène et on y galère surtout.
- ce n’est pas une grande avenue ou un grand boulevard Haussmannien, historiquement pensée pour empêcher les émeutes. C’est au contraire un enchevêtrement de petites rues, de passages, et de quelques plus gros axes. C’est une base arrière de choix d’où des manifs sauvages peuvent partir dans tous les quartiers bourgeois absolument détestables autour, dans toutes les directions : Turbigo-Montorgueil-EtienneMarcel, Marais-Beaubourg-Saint-Paul-Hôtel-de-Ville, Montmartre-Grands-Boulevards. Bloquer le boulevard Sébastopol, c’est bloquer une grosse partie du trafic routier provenant de la rive gauche. Idem pour Rivoli ou les Grands Boulevards pour le trafic provenant de la moitié est de Paris.
- dans un endroit bondé, il y a toujours moyen de se fondre dans la foule pour fuir une attaque de bacqueux et de voltigeurs
- les prolos qui ne manifestent pas, mais qui se retrouvent par hasard dans une zone de conflit entre flics et manifestant·e·s pourchassé·e·s, prennent spontanément, par intuition ou par expérience, le camp des émeutiers et autres semeurs et semeuses de désordre.
...et à refaire
Le 16 novembre 2019, différents groupes arrivés des champs de bataille de la journée : Bastille et place d’Italie se retrouvent, plus ou moins à la tombée de la nuit aux Halles. Différents appels sur les réseaux sociaux, groupes Signal en particulier, appelaient à y converger. C’était une bonne idée pour sortir des échecs successifs à retourner aux Champs-Élysées (trop loin) ou à République (trop ouvert, trop nassable) qui se sont révélés être des coups d’épée dans l’eau. Plusieurs manifs sauvages auront pu s’élancer sans beaucoup d’effort depuis les Halles ou depuis Saint-Paul en direction du Marais, par exemple rue Vieille du Temple. Des barricades auront pu s’ériger boulevard Sébastopol, puis être enlevées par des flics, puis être reconstruites à peine 5 minutes après. Le simple fait de chanter et crier : « Travaille, consomme et ferme ta gueule ! » autour des magasins des Halles aura perturbé le cours normal des choses. Tout ça est à refaire en perspective des Actes Gilets jaunes des samedis à venir, en particulier avec la frénésie d’achats qui précède Noël.
On ne lâche rien !
Zbeuler les Halles, c’est zbeuler Paris, c’est introduire des bugs au cœur de la matrice.
Protocole de l’Acte indéfini
On appelle donc, pour tous les samedis à venir, à se rassembler, à la tombée de la nuit, c’est à 17h en ce moment, sans s’imposer de point de ralliement exact, mais en suivant ce protocole pour se retrouver :
Regarde la carte à l’avance pour te rappeler des différents points de ralliement possible aux abords des Halles :
- Église Saint-Eustache
- Étienne Marcel
- Canopée
- Forum des Halles
- Rue Saint-Denis
- Boulevard Sébastopol
- Fontaine des Innocents
- Beaubourg
Incruste-toi incognito, sans gilet jaune, parmi la foule, promène-toi entre les différents lieux.
Indique à ton groupe Signal ou Telegram préféré, le lieu où il semble y avoir un peu plus de badauds enragés qu’à l’accoutumée, peut-être as-tu déjà reconnu quelques camarades des manifestations de l’après-midi. Si les infos circulent vite, le temps de faire quelques tours des lieux et la coagulation aura pris.
Quand tu commences à sentir que la masse critique est là, que l’air est électrique, alors craquer un fumigène ou bien crier « Macron Démission ! » ou bien encore sortir un gilet jaune donnera le signal de départ et une idée des forces en présence.
Efface ton groupe Signal ou Telegram assez vite après.
Nous irons alors où la nuit nous amène…
Paris ! Debout ! Soulève-toi !
Des Gilets jaunes.