Vote de l’état d’urgence | Lettre ouverte aux 577 députés et 348 sénateurs

Alors qu’avec le prolongement de l’état d’urgence, l’exécutif a donné au Sénat et à l’Assemblée nationale un os à ronger, pour les sortir du coma, en les associant pleinement à ce qui s’apparente de plus en plus à une dictature, il nous a semblé important de les interpeler directement et individuellement.
Nous n’en attendons rien si ce n’est de replacer le prolongement à venir de cet état d’urgence dans la longue lignée des hauts faits du personnel politique.

Qu’est-ce que vous attendez pour la voter cette loi d’exception ? Il faut vous envoyer l’Armée ? Ein, Zwei, Drei

Bon, on en est où, là, les 925 ?

Il y a l’urgence pour l’exécutif (*) en place :

De prolonger dans un premier temps, dans la fébrilité, l’état d’urgence en vigueur, pour repousser sa date limite de péremption.
De le prolonger dans un deuxième temps comme état permanent pour assurer la permanence de l’État, sans doute. Mais peut-être aussi dans l’espoir de rester là indéfiniment, de transformer l’essai, décrocher dans les formes le CDI tant convoité. Oublier sa condition de personnel politique, de locataire qui devra comme des millions de français, payer lui aussi.

Il y a l’urgence pour vos deux chambres :

D’essayer d’exister alors que vous n’êtes rien, ni pour nous, ni pour l’exécutif en place.Vous n’êtes que du personnel politique en CDD, même si certains d’entre vous rêvent d’un CDI dans une Assemblée Constituante.

Il y a aussi notre urgence, et ce n’est pas franchement la même, vu l’état dans lequel nous sommes :

La nôtre c’est le déconfinement de notre colère, dans un premier temps. Voilà notre état d’urgence et ça nous met dans un drôle d’état.

Maintenant, vous qui adorez tant le télé-travail, un devoir de mémoire avant de voter, cliquer, « liker »... :

Le 10 juillet 1940, le personnel politique des 2 chambres vote la Loi donnant les pleins pouvoir à Pétain, seuls 80 auront le courage de voter contre. On a vu le résultat.

En 1955, ça la foutait mal d’employer le terme État de Siège, surtout qu’on était confronté à de simples « événements », alors l’exécutif crée l’état d’urgence (la loi du 3 avril 1955), avec votre collègue Edgar Faure aux manettes, vous vous rappelez, le gars qui tournait sur lui-même avec vous jusqu’en 1988. A ce moment là c’était pour éviter que le vent du passage au néo colonialisme ne souffle trop vite et trop fort. Il fallait sauver Nos Colonies, l’Empire. Au fait, combien avez vous été à la voter cette loi ? On a vu le résultat.

Allez on se rapproche, le 16 janvier 1991, le Premier ministre socialiste Michel Rocard engage la responsabilité de son gouvernement sur l’engagement des troupes françaises dans la première Guerre du Golfe, votre courage et vos convictions vous galvanisent, vous n’êtes plus que 43 contre. On a vu le résultat.

Le 8 novembre 2005, après les colonies en 1955, pour mater des émeutes dans les banlieues, Jacques Chirac décrète l’état d’urgence. Mais là, il n’y en a pas eu pour tout le monde, seulement pour les « clusters ». Vous votez la loi du 18 novembre 2005, 648 pour, 273 contre (?) Sursaut d’une espèce en voie de disparition ou auriez vous aimé qu’il y en ait eu pour tout le monde ? Pour ce qui en est des banlieues, on a vu le résultat.

Le 13 novembre 2015, l’État d’Urgence est une nouvelle fois proclamé, ça devient une habitude, et il sera reconduit 6 fois grâce à votre lâcheté et à votre abandon de toute velléité de semblant de conviction.
Mais n’allons pas trop vite, il y en a qui dorment. Le 19 novembre 2015, l’Assemblée nationale vote la reconduction et le renforcement de l’état d’urgence pour trois mois. Électrifiés vous la votez à la quasi-unanimité, 551 voix pour, 6 voix contre. On a vu le résultat. Encore bravo !
En passant, ça n’a pas empêché François Hollande en octobre 2016 de vous cracher à la gueule en reconnaissant dans son livre Un président ne devrait pas dire ça...que ce dernier état d’urgence n’avait été pour lui qu’un simple prétexte à des facéties policières avec les écolos.

Et là, maintenant, ces jours, On vous en présente Un, Un beau, Un tout neuf (**).
Mais celui là il est Sanitaire. Etes-vous malades ?
Là, On vous considère, vu qu’On vous le présente cet état d’urgence sanitaire. Faut pas déconner, vous avez une fonction quand même. Vous aussi, vous avez le droit de faire une ou deux saloperies par jour. Il suffit de reprendre une nouvelle gorgée de gel anesthésiant des facultés mentales.

Jusqu’où et jusqu’à quand « The show must go on » ?

Ce ne sont plus des Chambres, des Assemblées, mais des chapiteaux de cirque.

L’Armée ? elle est déjà là pour nous

Comme l’a écrit un intellectuel, courageux, lui : La France est un pays de flics (...) L’état d’urgence semble consubstantiel à la Ve République. On ne le citera pas, on refuse de collaborer, et puis ça le rendrait sans doute malade d’apparaître en votre compagnie.

Mais au fait, Mesdames, Messieurs, vous ne pourrez pas compter éternellement sur vos flics. Eux aussi en arrivent à porter plainte contre l’État pour mise en danger.
Non, la France n’est pas seulement un pays de flics. Depuis quelque temps, dans nos villes, nous ne croisons plus seulement les jolies Kangoo kaki de la la Force Sentinelle. Elles étaient devenues presque conviviales. Non maintenant ce sont des Range Rover, des Pick-up, des véhicules blindés légers façon camouflage qui Mali pense qui croisent dans nos rues.
Dans des rues désertes qui nous sont interdites.

Qui commande en ce moment ?

A part Jeff Bezos, les petits Bernard Arnault, Alexandre Bompard et leurs potes bien entendu, qui d’autres ?

On n’y comprend rien, ce doit être ça l’Opération Résilience (***) ...

Comme l’a dit dernièrement Jean-Louis Bourlanges sur France-Inter, à qui il reste un peu de libre arbitre, le personnel politique c’est pas le problème, on peut le changer (pourvu qu’il en reste un ?)

Nous qui n’avons jamais crié : A bas l’État policier, car les pléonasmes nous écœurent surtout quand ils sont incomplets, nous ne vous demandons rien.
N’ayez aucune crainte nous n’appellerons à aucun règlement de comptes car nous ne sommes pas partisans du : Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Et vu la crise sanitaire, vous laisser en liberté devrait pouvoir nous vacciner : l’immunité de groupe, quoi !

Nous ne vous demandons rien, pour l’instant nous vous observons.

Ein, Zwei, Drei

Le Mouvement du jour d’après
Section One Two, Tri du Groupe Billy Wilder

(*) l’exécutif, quel joli mot de la langue française !
(**) c’est pas tout à fait vrai (correctif fourni par la cellule Désintox de l’Élysée), vu qu’il a déjà un peu servi depuis le 24 mars, suite à la loi du 23 mars 2020 qui s’est assise sur vos deux Chambres.
(***) Dans l’armement la résilience dénote le niveau de capacité d’un système embarqué à tolérance de panne, de pouvoir continuer de fonctionner en mode dégradé tout en évoluant dans un milieu hostile.

Note

Ce courrier, envoyé à ses 925 destinataires, est aussi sur le site : https://mouvementdujourdapres.wordpress.com/lettres-ouvertes/

Dans la mesure de votre accord et de vos moyens, faites le circuler au maximum, et si vous connaissez des sites qui pourraient le publier ne vous en privez pas

Mots-clefs : covid

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