L’enfermement, ça rapporte à SOS !
L’enfermement est un business juteux. En particulier pour le groupe SOS, conglomérat d’association, leader européen de l’économie sociale et solidaire, qui gère des prisons pour mineur·e·s, qui collabore à l’enfermement des étranger·ère·s et qui est acteur dans les programmes antiradicalisation de l’État via son association membre Artemis. Derrière une vitrine humanitaire et sociale, ces interventions sont simplement une manière de participer et profiter d’un système d’exploitation et de domination.
Le groupe SOS gère à ce jour 6 centres éducatifs fermés (CEF) ainsi que 6 centres éducatifs renforcés (CER), ce qui en fait déjà le plus gros gestionnaire associatif dans ce domaine. La réforme de la Justice de 2019 prévoit la construction de 20 nouveaux CEF. Sur les 15 qui seront gérés par des associations, 6 au moins ont été attribués à SOS. Peut-être un cadeau de Macron à son ami Jean-Marc Borello, PDG du groupe ?
C’est quoi un CEF ?
Les CEF sont présentés comme une alternative à l’incarcération à visée éducative pour des mineur·e·s « multirécidivistes », dont les politiques n’ont de cesse d’assurer que ce n’est pas une prison. Pourtant même s’il n’y a pas de matons, les CEF ne sont pas si différents de la prison dans leur fonctionnement : fouilles et punitions peuvent tomber à n’importe quel moment au bon vouloir des éducs, et les flics y sont régulièrement appelés. Un CEF est donc, avec ses spécificités, une prison, un lieu de contrainte où la surveillance et le contrôle sont permanents. En plus, CEF et prison marchent main dans la main : une personne qui montre un peu trop son opposition à son placement — par exemple par une fugue ou un conflit avec les éducs — est punie par de la taule.
Dans sa communication officielle, le ministère de la Justice a martelé l’idée que ces 20 nouveaux CEF allaient servir à l’insertion professionnelle des jeunes, mis au boulot via des formations, des stages et du travail non payé. Car c’est une des finalités du CEF, l’apprentissage de la soumission à l’autorité et l’acceptation de sa place dans la société : futur·e travailleur·euse précaire assigné·e à des travaux pénibles et devant répondre à un patron, ou taulard·e tout aussi exploité·e.
Qui va en prison (pour mineur·e·s) ?
CER, CEF, établissements pour mineur·e·s (EPM), quartiers mineur·e·s (QM), CRA, hôpitaux psychiatriques, les manières d’enfermer les mineur·e·s sont variées, avec option site Seveso [1], violences de la part de matons ou d’éducs, ennui profond et mise au travail. Et comme pour la prison version majeur·e·s, ce n’est pas n’importe qui qui est visé·e, mais majoritairement les non blanc·he·s pauvres, ceux·elles qui se débrouillent en-dehors de la légalité, ceux·elles qui se révoltent ou se vengent de la violence d’un système notamment capitaliste, raciste, sexiste, âgiste, transphobe, psychophobe et validiste, basé sur de multiples rapports de pouvoir.
Comme en ce qui concerne la prison, le rôle du CEF — avec le CER, l’EPM, le QM, etc. — c’est aussi d’atomiser et de fragiliser des solidarités. Selon les mots de la communication gouvernementale, d’« extraire le jeune de son milieu naturel » et de le « contenir ». Des enfants et leur entourage, vus comme des animaux et souvent comparés à eux par les éducs, les médias, les juges et les flics. Cet imaginaire raciste, sexiste et classiste se retranscrit non seulement dans le traitement judiciaire et social de ces mineur·e·s, mais aussi de leur famille. La famille est un des piliers de la coercition et de l’imposition des normes, et quand l’État considère qu’elle manque à son devoir, il s’arroge le droit de lui imposer la marche à suivre. Tout ça en maintenant ces familles dans la précarité, notamment en leur coupant les allocs pendant que leur enfant est en CEF. D’autres fois, c’est la rébellion contre l’oppression familiale qui est punie par l’enfermement.
Pourquoi 20 CEF de plus ?
Depuis les années 1990, on est dans une nouvelle phase de durcissement répressif à l’égard des mineur·e·s. Et de manière générale, l’enfermement s’étend de plus en plus dans un contexte sécuritaire toujours grandissant, avec la construction de nouvelles prisons, dont des CRA, et l’extension de l’enfermement hors les murs via les pseudos « peines alternatives » (TIG, bracelet électronique, etc.) et l’« accompagnement à la sortie » (SAS, semi-liberté). Enfermer plus, c’est bien le projet de l’État, puisque le CEF vient s’ajouter à la prison comme dispositif d’enfermement, et non la remplacer : environ 900 mineur·e·s sont actuellement en EPM et QM, soit autant qu’en 2002, date à laquelle sont apparus les premiers CEF. Autrement dit, l’État envoie toujours autant de mineur·e·s en prison et utilise des dispositifs comme les CEF pour en enfermer d’autres.
Par la construction de 20 CEF en plus, le secteur associatif habilité (SAH) gagne gros, lui qui gère actuellement 94% des placements en CER et 65% des placements en CEF. Par la même occasion, l’État coche sa case action sociale grâce à ces assos ou groupes d’assos peu scrupuleux (coucou SOS !). Elles sont animées par une démarche humanitaire aux relents coloniaux et par un intérêt pour la manne que représentent ces subventions publiques, allouées via des appels à projets à la façon des entreprises. C’est tout bénef’ pour le groupe qui s’enrichit et pour l’État qui utilise le vernis associatif pour faire appliquer ses politiques répressives.
Les CEF c’est un endroit où des mineur·e·s sont enfermé·e·s et mis·e·s au travail, pour que l’État puisse faire son sale taf de répression tout en cherchant à constituer un fonds de travailleur·euse·s précaires et dociles. C’est pour les entreprises des marchés supplémentaires et pour le secteur associatif, groupe SOS en tête, une source d’enrichissement.
À bas toutes les formes d’enfermement !
Liberté pour tou·te·s !