Onze années se sont écoulées depuis que les camarades Sakine Cansız (Sara), Fidan Doğan (Rojbîn) et Leyla Şaylemez (Ronahî) ont été assassinées de sang froid par un agent des services secrets turcs le 9 janvier 2013. Sara, fondatrice du PKK, résistante infatigable en prison et figure emblématique du mouvement des femmes ; Rojbîn, responsable de la diplomatie du mouvement kurde en France, organisatrice de la solidarité internationale ; Ronahî, militante du mouvement de la jeunesse, devenue symbole de l’insoumission des jeunes femmes au pouvoir colonial. Il ne fait aucun doute que cet acte sanglant a été commandité par le dictateur turc Recep Tayip Erdoğan. L’assassin, Ömer Güney, a agi sous les instructions directes des hauts dirigeants du gouvernement turc et de son appareil de renseignement, comme le prouvent un enregistrement audio d’une conversation entre l’assassin et des agents du MIT, ainsi que des notes de ces mêmes services. Pourtant, ni la justice française ni aucune des institutions européennes responsables n’ont fait la lumière sur ce sombre crime. En 2016, avec la mort de Güney en prison, quelques semaines avant le début du procès, l’affaire a été enterrée et les véritables responsables restent à ce jour impunis.
Dix années après ces terribles assassinats, le 23 décembre 2022, c’est le siège de l’association kurde Ahmet Kaya (Paris 10e) qui est la cible d’une attaque terroriste. Parmi les victimes, Emine Kara (Evîn Goyî), une responsable du Mouvement des Femmes kurdes ; le jeune chanteur kurde Mîr Perwer, qui avait été contraint de se réfugier en France suite à une condamnation par la justice turque à une peine de prison en raison de son engagement pour la culture kurde et Abdurahman Kizil, un militant kurde d’une soixantaine d’années qui fréquentait régulièrement l’association. L’attentat a fait par ailleurs trois blessés. La qualification de « fusillade » pour cet acte ignoble commis par William Malet, un sexagénaire raciste, choque profondément tant il représente le deux poids deux mesures de l’État français en ce qu’il concerne la qualification « attentat ». La police a laissé de nombreuses questions sans réponses alors que de nombreux éléments pointent vers l’idée d’une action commanditée et politique.
Ces deux triples assassinats au cœur de Paris sont des attaques orchestrées contre la ligne idéologique de libération des femmes et l’ensemble du mouvement de libération au Kurdistan. Le massacre des camarades Sara, Rojbin, Ronahî et Evîn doit être compris comme la réaction du système de domination masculine contre l’auto-organisation des femmes dans la lutte révolutionnaire et s’ajoute à la longue liste des féminicides politiques commis à l’encontre de femmes et militantes kurdes.
Ils font aussi écho au passé et présent impérialiste de la France et de Paris, capitale des assassinats politiques de militant·e·s anti-coloniales : dernièrement, c’était Nadarajah Mathinthiran, leader des Tigres tamouls, qui y était tué le 9 novembre 2012. Mais aussi Dulcie September, militante anti-apartheid sud africaine, le 29 mars 1988 ou encore le militant du FPLP palestinnien Basil al Kubaisi le 6 April 1973. Mehdi Ben Barka, opposant socialiste marocain au roi Hassan II et figure de la Tricontinentale en devenir était lui enlevé et disparu le 29 octobre 1965.
L’organisation politique des colonies, du Sud global et de la diaspora est toujours vue comme un danger par l’État français. Il révèle son hypocrisie en préférant toujours la préservation de ses intérêts économiques et politiques, en utilisant la rhétorique du « terrorisme » et en refusant aux militant·e·s la protection de l’asile. Cela même quand, comme dans le cas d’Evîn et d’autres, ils et elles ont combattu la même guerre que celle menée par les forces spéciales françaises au sein de la Coalition internationale contre Daech.
Pour toutes ces raisons, nous répondons à l’appel du Centre démocratique kurde de France et appelons toutes les organisations et militant·e·s à prendre une position résolument internationaliste et à dénoncer le fascisme turc, le silence du gouvernement français et les féminicides politiques contre celles qui mènent la révolution des femmes.
Nous invitons toutes les structures de solidarité, les organisations politiques, syndicales et associatives à nous rejoindre au sein d’un bloc internationaliste qui sera animé en fin de manifestation.
Pour Sara, Rojbîn et Ronahî,
Pour Evîn, Mîr et Abdurahman,
Pour la vérité & la justice,
Pour que la tendresse des peuples ne reste jamais lettre morte et que vive l’internationalisme :
Tou·te·s à Paris le samedi 6 janvier !
RDV Gare du Nord, à 10h, angle de la rue de Compiègne et de la rue de Dunkerque.
Le réseau internationaliste Serhildan
Pour signer l’appel, participer ou toute demande d’information : contact@serhildan.org
Vous pouvez retrouver l’appel et la liste des signataires à jour sur notre site :https://serhildan.org/appel-a-un-bloc-internationaliste-le-6-janvier/