Attaque de Viry-Châtillon (La Grande-Borne) : une pensée autour de l’arrestation des 11 jeunes ce mardi 17/01

Mardi 17 janvier, à 6 heures, une rafle coordonnée sur toute l’Île-de-France a enlevé 11 jeunes suspects d’avoir participé à la fameuse attaque du carrefour de la Grande-Borne. Un mineur a été remis en liberté, et selon le parquet « ces arrestations doivent permettre d’entendre et de confronter des personnes, dont certaines sont susceptibles d’avoir participé aux faits ».

Et ça recommence :

Audio, déclarations à la RTL d’Éric Lallement, Procureur d’Evry [1]
Quelques dates qui expliquent la conflictualité autour du "renouvellement urbain" à la Grand-Borne - chronologie en post-scriptum

La nouvelle de l’arrestation des 11 jeunes, après tous ces mois de manifs de keufs et discours ouvertement préventifs de Valls et Le Roux, m’a profondément bouleversé… bouleversé autant par la pensée de ce spectacle auquel nous allons assister avec le lent rouler de têtes sur la scène, accompagné du cirque répressif au niveau électoral que nous allons commenter impuissants depuis nos confortables espaces. Tout en savant que ces gars-là ne sont probablement pas les coupables, mais qu’ils seront torturés jusqu’à admettre un mensonge ou à balancer les noms de ses frères. Parce que, politiquement, ils devront parler. Pour le bien de ce gouvernement et du prochain.
Pour le bien de la France.

Les discussions informelles ou formelles ne servent à rien si elles n’aboutissent à rien dans la pratique. Alors voici quelque chose pour pousser à la pratique, écrit à chaud...

Avant que des juges et matons déchirent en morceaux les vies de ces jeunes (âgés entre 17 à 19 ans), une intervention anti-autoritaire déterminée et du côté des arrêtés, et de ceux qui sont effectivement passés à l’attaque, est déterminante, plus que jamais pendant l’état d’urgence et sur les banlieues.

Cette fois-ci, les cités ne peuvent plus être dehors de tout effort dit révolutionnaire. Le conflit y est déjà présent. Et d’ici, nous les regardons sans savoir comment, quand, et parfois pourquoi, intervenir. Cette fois-ci, c’est déterminant de se ranger du côté de ces transgresseurs, des apaches, des racailles, des illégaux, comment vous voudrez les nommer... pas pour montrer que nous sommes "ensemble", comme beaucoup de détracteurs et même certains d’entre nous veulent faire croire, mais pour dire que nous aussi nous combattons les mêmes ennemis. Pour faire un premier pas pour accepter l’in-équivalence des conflits que nous vivons, en les reliant, en tendant la main pour communiquer, en se critiquant mutuellement – à un niveau local.

Pour nous, qui nous organisons dans nos milieux pour faire face à ce monde, je propose ici de faire l’effort de dépasser les murs qui nous séparent en agissant auprès des exclu.e.s qui font face jour après jour à l’État et à cette société, dans le milieu où ils ont été relégués.

Alors, allons soutenir déterminé.e.s le renversement de toute situation qui matérialise cet écart. Pas à partir d’une position de messie, mais d’une position de révolutionnaires auprès de ceux qui ont toujours poussé à la Révolution. Pas à partir d’une position de prêcheurs, mais d’une position de camarades, en lutte contre le pouvoir en place - tout pouvoir en place, de l’Élysée aux cités, de la mairie à la mosquée ou église, etc.
Pour ça, les préconcepts de chacun doivent s’écrouler aujourd’hui, tout comme nous devrons faire écrouler ces institutions demain.

Point historique.
À ce stade, je crois pouvoir affirmer que le mouvement contre la Loi Travail n’est à aucun moment arrivé au point qu’on le puisse le nommer d’insurrectionnel. Mais tout cela s’est inscrit dans une conjoncture. La lutte contre le CPE l’était peut-être encore moins, mais des évènements avaient déjà marqué l’époque, comme ceux d’aujourd’hui qui marquent la présente conjoncture.
Maintenant, sans beaucoup de doute, 2005 l’était - c’était une insurrection et dans beaucoup de quartiers en Europe les gens l’interprètent ainsi et le citent, comme une légende passée d’un moment historique.
Mais même en le sachant, je crois pouvoir affirmer que nombreux, sinon la grande majorité des révolutionnaires français le sous-valorisent ou font semblant de l’ignorer. Car la conjoncture ne les a pas amené à prendre part, à intervenir, à ces évènements, de façon déterminée et déterminante.

Aujourd’hui, nous laissons donc la situation de la Grande-Borne à distance, à l’instar des événements de 2005. Le considérant comme un simple incident dans l’horizon sans prendre en compte les répercussions au niveau du parcours de la tension révolutionnaire qui dicte les temps du soulèvement généralisé.

Comme nous avons fait ce printemps pour une question de lois, de travail, de syndicats, de pognon et d’affaires ; que nous avons dû nous opposer par principe – et par un élan d’opportunité - alors à mon avis il faudrait que les quelques-uns qui ont riposté proportionnellement aux avancées de l’agression de l’État, de son monopole de la violence et du contrôle soient soutenus. Il faudrait que cette initiative ne soit pas isolée dans l’histoire et dans l’espace (les cités pendant l’état d’urgence), et que cet épisode ne soit pas fini rangé dans l’étagère de l’histoire de la police française.
Il ne faut pas nécessairement que ça se reproduise encore et une fois, mais que ça soit justifié, autant par des paroles, écrites et gueulées, que par des actes. Qu’on sache comment intervenir pour déséquilibrer la balance de la répression, médiatique et policière.

Ce n’est pas un principe anti-répressif, c’est un principe d’offensive dans un moment où nous tous sommes débordés par des évènements abasourdissants dont nous avons du mal à calculer les répercussions. Une offensive avec les exclu.e.s qui sentent que l’état d’urgence est en marche sur leur peau. Une offensive qui soude des réalités, qui peut faire tomber cette isolation, « le ghetto », construit par l’urbanisme de guerre français.
Naviguer l’inconnu, saborder l’orage.

L’air devient irrespirable, tellement nous sommes en train d’être aspiré.e.s en vitesse dans ce vortex sociétal dégueulasse - réformes économiques, accords entre partenaires sociaux, campagnes électorales, promesses - quelques fois d’armements, d’autres des statuts de légitime défense et très souvent d’actions répressives et judiciaires à l’encontre de migrant.e.s, banlieusard.e.s, taulard.e.s, casseurs et casseuses de ce rêve cauchemardesque qu’est devenu le capital.

Parce que la gendarmerie a tué Adama et que les gens ont riposté comment elles ont pu, avant d’être écrasés par la militarisation de la police en cours. Parce que des keufs ont manifesté armés et cagoulés le jour de l’anniversaire de la mort de Rémi, et que nous sommes restés impassibles devant le spectacle, en se disant que ce serait mieux de ne pas faire partie de tout ce procès. Que faisons-nous ? Concevoir des martyrs et puis les abandonner à l’histoire pour un jour pouvoir les déterrer et les user comme arguments ? La récupération de la conflictualité sociale – amenée par des partis, assos et syndicats de la gauche - le fait déjà depuis longtemps.

Car toutes ces histoires ne datent pas d’hier : ce sont des histoires dont nous avons témoigné encore et une fois partout dans le monde et à travers son histoire, et comme nous témoignons aujourd’hui en France, de manière de plus en plus récurrente.
Parce que si nous avons chanté "Tout le monde déteste la police" pendant le printemps, il vaudrait mieux que, encore une fois, on le chante haut et fort avant cet avril, pas seulement pour nous, mais pour tous et toutes les exclu.e.s et affronté.e.s face à ce foutage de gueule démocratisé que nous appelons Société...

Finalement, avec ce scenario, nous nous retrouverons vite avec ceux et celles qui ne font pas de la politique, ils et elles tout simplement font, car ils et elles vivent, discutent, ripostent - s’organisant pour survivre, face à l’État et le renouvellement urbain de leur quartier.

Tous ces évènements avancent très vite, trop vite pour nous peut-être.

Et il y a déjà beaucoup trop de gens en taule pour y être nous à se risquer le cou, n’est pas ? Eh ben ouais... t’aurais un vingt balles ?

Solidarité aux arrêtés en Essonne et Seine-et-Marne.

Note

Quelques dates qui expliquent la conflictualité autour du « renouvellement urbain » à la Grand-Borne :

Janvier 2012 : « Ce soir-là, vers 21 heures, une quinzaine d’intrus escaladent des palissades de tôles derrière lesquelles sont stationnés les engins de chantier, menacent le vigile et mettent le feu aux cabines d’une pelleteuse et d’une grue. Le lendemain, une mini-grue est aussi incendiée. »
Mars 2014 : Cinq pelleteuses « qui devaient servir à réhabiliter le quartier dans le cadre de la rénovation urbaine de la Grande Borne » détruites par le feu. Motion de condamnation votée par le maire communiste de Grigny.
Mars 2015 : « Ce gymnase de plus de 1 000 m2 et qui a coûté 4 M€ a été ouvert il y a à peine quelques mois, reconstruit à deux pas de l’ancien. Pas encore démoli, ce dernier n’a pas échappé aux incendies criminels comme deux autres équipements publics de la ville et deux voitures municipales au cours des derniers mois. »
Juin 2015 : Contre le fameux poteau de la caméra de surveillance, une tronçonneuse volée dans un chantier pas loin, puis un camion-poubelle bélier, puis une voiture en feu.
Février 2016 : « L’agent de sécurité du site a été agressé, aspergé de gaz lacrymogène, mais pas blessé. Les engins du chantier sont, eux, partis en fumée. Vers 23 heures ce dimanche, une trentaine de malfaiteurs cagoulés et vêtus de sombre a fait irruption sur la base de vie d’un chantier en escaladant la clôture, rue des ateliers à Grigny, à l’une des entrées de la cité de la Grande-Borne. Les délinquants ont brisé les fenêtres de neuf engins de chantier et en ont incendié six avec des cocktails Molotov. Le préjudice matériel est estimé à 1,5 M€. »Un ouvrier du chantier avait les larmes aux yeux en découvrant les machines brûlées« »
Octobre 2016 : L’attaque de Viry-Châtillon laisse trois des quatre policiers qui gardaient la caméra de surveillance sévèrement blessés. Ça déclenche des manifestations de policiers contre la haine envers leur métier, demandant un nouveau statut de légitime défense - en court - le permis de tuer.

Tout sur Le Parisien ;
recompilé sur Attaque.noblogs .

Localisation : Viry-Châtillon

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