Sfratto su sfratto, arresto su arresto
Ce matin mardi 3 juin s’est déroulée une nouvelle grosse offensive de la DIGOS [1] de Turin et des procureurs Padalino-Rinaudo (les désormais « spécialistes » de ce qu’ils appellent anarco-insurrectionaliste et également « spécialistes » du mouvement NoTav) avec aussi le nom de la procureure Pedrotta.
29 personnes mises en examen et plus de 25 perquisitions, 111 personnes sous enquête, dont des personnes du quartier participant à la lutte contre les expulsions locatives. L’Asilo Occupato [2] à Turin a été entouré de flics puis perquisitionné, de même que l’occupation habitative de via Lanino. L’Asilo n’a pas été expulsé comme disent en coeur les médias de merde.
Cinq personnes se sont réfugiées sur le toit puis sont descendues.
Les accusations sont liées aux actions menées lors de la lutte contre les expulsions locatives (luttes contre les sfratti) : occupations, attaques des sièges du Parti Démocratique (le PS italien au pouvoir à Turin et au gouvernement), vandalisme contre le siège d’huissiers de justice, menaces et rebellion à personnes dépositaires de l’autorité publique (= flics) en état de récidive, séquestration de personnes et tentative d’extorsion de délais (= séquestration d’huissier de justice et délais supplémentaire pour l’expulsion), dégradations, violences aggravées en réunion, et autres actions directes.
Les accusations couvrent les actions menées de Septembre 2012 à fin Janvier 2014.
Un premier bilan fait état de 11 incarcérations (dont Claudio et Niccolo déjà en taule sous accusations de terrorisme lié à la lutte NoTav), 7 assignations à résidence (dont Chiara qui reste en prison pour la même enquête que Niccolo et Claudio), 4 obligations à rester dans sa commune de résidence, 4 interdictions du territoire, 4 obligations de signer. Il semblerait que des compagnons et compagnonnes d’autres villes italiennes soient concernés.
Ce mardi 3 Juin à 17h30 est appelée une assemblée afin d’échanger les dernières infos et de préparer la riposte.
Solidarité active !
Notes à chaud sur les arrestations
Après l’effervescence de la journée d’hier, passée à chercher à comprendre où ont été envoyés les divers incarcérés, essayons d’esquisser quelques réflexions à propos de cette dernière enquête, qui, un peu pour son grand nombre d’inculpé-e-s (111) et de personnes soumises à des mesures judiciaires, un peu pour la particularité des chefs d’inculpation mérite une analyse plus approfondie.
Comment faire entrer dans une même enquête autant d’inculpé-e-s ?
La réponse est relativement simple : de ne plus seulement mettre les noms déjà connus à la préfecture de police de Turin.
Dans les 200 pages de ce qui compose le dossier d’accusation, nous retrouvons une part de la ville, celle des quartiers Porta Palazzo, Barriera di Milano et Aurora.
Nous retrouvons les noms et les visages de celles et ceux qui, ne pouvant plus se permettre de payer un loyer, ont décidé ces dernières années de s’organiser pour s’aider réciproquement. Des nombreu-x-ses, italien-ne-s et étrangèr-e-s, qui se sont barricadé-e-s derrière les bennes à ordures pour résister, qui ont attendu avec anxiété et détermination l’arrivée de l’huissier, et qui, une fois la maison perdue, ont décidé d’occuper.
Ce qui frappe immédiatement, c’est qu’il ne s’agit pas d’un délit associatif, mais plutôt à la fusion de délits singuliers en un seul fil qui suit toute l’enquête. Le délit le plus cité est violence sur personne dépositaire de l’autorité publique, mais l’on trouve aussi des inculpations plus spécifiques comme la séquestration, délit déja utilisé contre Giobbe, Andrea et Claudio. Selon la procureure cette fois les séquestrés seraient les huissiers, qui, encerclés de participant-e-s aux piquets, se voyaient contraints à concéder un report du sfratto.
Les mesures judiciaires ne sont pas tant justifiées par la gravité des épisodes singuliers que par leur réitération, retenue cohérente avec un cadre théorique que les procureurs identifient dans les tracts distribués aux piquets et des textes publiés dans la revue Invece et sur ce blog (*).
Mais venons en au fond : « l’effet de la multiplication d’ actions d’opposition concertés a été, substantiellement, de priver d’autorité et de force exécutives les décisions judiciaires [...], avec l’intention d’empêcher, dans un contexte d’intimidation programmée, aujourd’hui et dans le futur, l’exécution des décisions de justice. »
Ce qui est touché, donc, est la volonté de satisfaire immédiatement un besoin comme celui d’avoir un toit au-dessus de la tête sans le mendier, sans attendre de meilleures politiques de logement par la mairie. A Porta Palazzo et Barriera, pendant plus d’un an, les sfratti qui rencontraient une résistance n’étaient pas exécutés. On a parlé d’un moratoire de fait.
C’est justement cela qui est resté au travers de la gorge des propriétaires et des politiciens de tous bords habitués à recevoir demandes et révérences. Au contraire, ces seigneurs se sont vus arracher des mains renvois sur revois, obtenus sans aucun type de médiation.
Qu’est-ce qui distingue un moratoire comme celui là d’une concession de l’administration publique ? La seconde sert à adoucir le bâton et à tempérer les cœurs, confirmant les hiérarchie existantes. La première en revanche cherche à s’étendre et à se généraliser afin d’éliminer ces hiérarchies, en se rencontrant de manière différente, en étant dans la rue, en s’organisant. Ce n’est pas pour rien que Davide Gariglio, peu d’heures après les arrestations, s’est dit satisfait de l’opération de la police, pour répondre à la situation d’illégalité diffuse qui s’était créée dans ces rues. Et ce n’est pas un hasard si c’est un des porte-voix du parti démocratique (PS italien, ndt) qui parle. Le parti au pouvoir en ville, le parti du « plan maison », le parti des banques et des sfratti, le parti avec le plus de dégradations de permanences ces derniers mois.
Adresses des prisonnier.e.s : (au nombre de 13 puisque Marianna a refusé les arrestations domiciliaires et figure dans la liste l’adresse de Mattia, incarcéré dans le cadre de l’opération répressive contre une attaque du chantier No Tav)
Daniele Altoè C.C. Piazza Don Soria, 37 - 15100 Alessandria ;
Andrea Ventrella C.C. Via Port’aurea, 57 - 48121 Ravenna ;
Paolo Milan e Toshiyuki Hosokawa C.C. Località Les Iles, 14 - 11020 Brissogne (Aosta) ;
Giuseppe De Salvatore C.C. via dei Tigli, 14 - 13900, Biella ;
Francesco Di Berardo C.C. via Roncata, 75 - 12100, Cuneo ;
Nicolò Angelino C.C.Via Maria Adelaide Aglietta, 35 - 10151, Torino ;
Michele Garau C.C. Strada Quarto Inferiore, 266 - 14030, Asti ;
Marianna Valenti e Fabio Milan C.C. Via del Rollone, 19 - 13100 Vercelli ;
Claudio Alberto C.C. Via Arginone 327 - 44122 Ferrara ;
Niccolò Blasi e Mattia Zanotti C.C. San Michele strada Casale 50/A - 15121 Alessandria ;
Chiara Zenobi C.C. Via Bartolo Longo 92 - 00156 Roma.