Trois heures d’une vie kafkaïenne. Retour sur le procès en appel de Kamel Daoudi

Ce mercredi 27 janvier, comparassait Kamel Daoudi, plus vieil assigné à résidence de France, devant la cour d’appel de Riom. Il lui était reproché un retard de 25 min sur le couvre-feu quotidien qui lui est imposé depuis douze ans. En première instance (septembre 2020), il avait écopé d’une peine d’un an d’emprisonnement avec mandat de dépôt. Actuellement incarcéré au quartier d’isolement de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, à près de 500 km de sa famille, il a donc été rejugé. Article paru sur Rebellyon

L’éternité c’est long, surtout à la fin.

Pour avoir une idée du parcours de Kamel Daoudi et de sa situation ubuesque, on peut se référer à une vidéo d’Amnesty International :

Entrée à la cour d’appel de Riom

Une vaste salle d’audience, avec des moulures au plafond. De part et d’autre du box vitré deux tapisseries monumentales font face à six immenses fenêtres encadrées de rideaux de velours.

La cour se compose d’une présidente et deux assesseures, le procureur est à leur droite du côté des fenêtres. Les deux avocats de la défense, Emmanuel Daoud et Hugo Partouche se tiennent prêts et attendent leur client à côté du box.

La salle est sonorisée : la présidente a un micro qui fonctionne, et le box en est également équipé. Pour la plaidoirie et à plus forte raison le réquisitoire, il faudra tendre l’oreille.

Dans la salle il y a la presse, un observateur d’Amnesty International, et bien sûr la famille et des ami-e-s de Kamel Daoudi. Ses trois enfants devront rester dans le couloir. Bienveillante, la présidente préfère « qu’ils ne voient pas leur père dans le box », « c’est des affaires d’adultes » et puis c’est « traumatisant » nous a-t-elle fait dire par un flic plus tôt, alors qu’on attendait. Certes, mais probablement pas autant que la vie que la patrie des droits de l’homme impose à cet homme et à travers lui à cette famille depuis 13 ans.

Un long silence, puis Kamel Daoudi apparaît dans le box encadré de quatre policiers en gilet pare-balles.

La présidente commence : « le 24 septembre vous avez été condamné en première instance à Aurillac, à douze mois de prison, avec mandat de dépôt pour ne pas avoir respecté les conditions de votre assignation à résidence : dépassement d’une demi-heure du couvre-feu, vous vous êtes abstenu de rechercher un pays d’accueil suite à votre obligation de quitter le territoire français, et il y a eu quelques incidents de pointage au commissariat. Pourquoi avez-vous souhaité faire appel ?
« J’ai trouvé que le verdict était disproportionné au regard de ce qu’on me reproche », répond Kamel.
« Vous avez le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder de silence », l’informe-t-elle.
Il s’enquiert de la possibilité de retirer le masque, ce ne sera pas possible, à cause de la proximité de ses gardes dans le box vitré. « D’ailleurs chacun est masqué », précise-t-elle.

L’avocat de la défense, Me Emmanuel Daoud commence, et il y va fort :
« Je ne sais plus comment je dois plaider pour M. Daoudi. Cet homme a été condamné à un an ferme pour un dépassement de quelques minutes, alors même qu’il était dans un lieu parfaitement identifié. Il y a comme une hystérie sécuritaire qui fait qu’on ne comprend plus très bien si on lui reproche des actes ou un passé ? Plaider la clémence ? Plaider avec virulence ? C’est une mascarade judiciaire, on ne croit pas aux nullités soulevées... ».
Effectivement, il va surtout plaider l’exception d’illégalité [1] pour amener la cour à déclarer les arrêtés du ministère de l’intérieur illégaux. Ce qui ferait tomber l’ensemble de la procédure pour « non-respect d’assignation à résidence. »

« Nous sommes convaincus que les trois arrêtés [2] sont illégaux et que vous allez entrer en voie de relaxe » lance M. Daoud.

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Notes

[1Au sens de l’art. 111-5 du « nouveau » code pénal, créé en 1994 : « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. »

[2Des actes administratifs, émanant du ministère de l’intérieur (le pouvoir exécutif), qui sont la base légale de l’assignation à résidence de Kamel Daoudi. Pas de débat contradictoire, ils contiennent des assertions qui ne sont étayées par aucun élément factuel … c’est l’arbitraire dans toute sa splendeur !

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