Toutes les grèves sont-elles bonnes à prendre ?

Sur la grève des matons qui a commencé le 5 mars

Suite à l’agression de deux surveillants au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, le mardi 5 mars, les matons ont lancé un nouvel appel à mobilisation. Ils avaient déjà bloqué des établissements pénitentiaires en réaction à ce qu’ils avaient aussi qualifié d’agression en février.

Cette fois-ci, plusieurs syndicats dont FO et CGT-pénitentiaire ont appelé à une mobilisation afin de demander “plus de moyens matériels et coercitifs pour renforcer l’autorité des agents ainsi que l’ordre et la discipline”. Concrètement, ils demandent à nouveau à être mieux armés et équipés. Dès le début, la mobilisation et les blocages ont été fortement suivis par les surveillants, touchant près de 80% des établissements pénitentiaires le 6 mars au matin.
Ces derniers jours nous avons vu de nombreux posts et commentaires de soutien venant de Gilets Jaunes au blocage des matons sur les réseaux GJ. Pour nous, à la défense collective du mouvement des GJ, ce soutien est problématique.

Il ne faut pas oublier que les conséquences des mobilisations de matons qu’elles prennent la forme de grèves ou de blocages sont lourdes pour les prisonniers et leurs proches : parloirs retardés ou supprimés, activités annulées, libérations et permissions repoussées, promenades raccourcies ou inexistantes, absence de cantines, distributions aléatoires de la gamelle et du pain, manque de soins médicaux, jusqu’à la séquestration totale en cellule dans certains établissements.

À titre d’exemple, la prison de Seysses-Muret était bloquée jeudi matin et ainsi, tous les parloirs ont été annulés. Soutiendrions-nous une grève dans la police si elle consistait à refuser de nous laisser sortir de garde à vue ?
Malgré les discours à répétition des politiques qui parlent de « vacances » pour parler des conditions de détention (pourquoi n’y vont-ils pas dans ce cas ?), nous savons pertinemment qu’une vie en prison n’est pas une vie et qu’enfermer quelqu’un entre quatre murs est un acte de torture. Dans cette perspective comment soutenir des blocages qui pourrissent encore plus la vie des prisonniers et de leurs soutiens ?

Le métier de maton est certes un de ces « sales boulots » qu’on réserve aux pauvres et, à ce titre, ils sont effectivement touchés par les problématiques sociales de notre mouvement.
Mais on ne peut faire abstraction de leur rôle répressif, au même titre que pour les policiers par exemple. Par leur rôle ils se posent en soi comme des ennemis de toute perspective émancipatrice. La seule lutte qu’ils pourraient mener serait celle conduisant à leur démission ou à la libération de tous les prisonniers.

Rappelons que depuis le début du mouvement Gilets Jaunes en novembre 2018 c’est plus de 30 personnes qui ont été incarcérées ici à Toulouse, et plusieurs centaines à l’échelle nationale. La répression bat son plein et les prisons se remplissent à vue d’œil. Face à ce constat, comment se rallier à la cause des geôliers de nos camarades quand ils demandent à être plus lourdement armés pour faire régner l’ordre et la discipline dans les taules ?
On constate que les revendications des matons n’ont strictement rien à voir avec l’ensemble des revendications gilets jaunes. Ils ne demandent pas de diminution des différents coûts quotidiens..... mais bien une augmentation des moyens coercitifs mis à leur disposition pour exercer leur sale taf qui consiste à gérer l’enferment des pauvres et de nos camarades. Également, parmi les matons qui revendiquent à Seysses, sont peut être présents des membres de ce que les détenus ont appelé des « escadrons de la mort », une équipe de matons habituée au camouflage en suicides d’assassinats de détenus (comme dernièrement le 14 avril 2018 quand un détenu a été assassiné dans le quartier disciplinaire de la prison).

Des messages de prisonniers circulent appelant à refuser de réintégrer leurs cellules en fin de promenade afin de lutter contre l’armement des surveillants et contre la fouille des proches avant les parloirs. Ces refus ont été suivis notamment à Seysses. Nous préférons bien évidemment soutenir les prisonniers qui tentent de lutter entre 4 murs que les matons collabos du système capitaliste.

Ne nous voilons pas la face, l’économie capitaliste a besoin de la police et de la justice pour maintenir son ordre social, elle arrête et enferme ceux qui prennent part aux affrontements quotidiens contre la galère, les juges et les flics. La prison est le dernier maillon de la répression et les matons comme les flics participent à ce système et ne peuvent en aucun cas être considérés comme des camarades de lutte.
Il n’y a pas de solidarité possible avec ceux qui écrasent les autres pour s’en sortir. Avec ou sans gilets, liberté pour tous les prisonniers !

Mots-clefs : anti-carcéral | grève | ERIS

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