En 2018, la mobilisation contre la loi Travail 2 a été chaotique, furieuse et décevante. La CGT a imposé un plan stratégique incompréhensible et finalement perdant, tant pour les secteurs qui se sont mobilisés (cheminots, raffineries) que pour l’ensemble du mouvement. FO a freiné des quatre fers, « se préparant pour la bataille des retraites » et soi-disant parce que la réforme était trop compliquée pour mobiliser. Les routiers l’ont joué perso. La mobilisation hors syndicats ou lycéenne a largement rassemblé, s’est parfois reconnue dans la montée en puissance du cortège de tête, mais sans se concrétiser plus que ça. La tentative de regroupement au sein du Front social n’a pas réussi à s’imposer réellement. Ou bien tous ces événements étaient annonciateurs du mouvement des Gilets jaunes, bouleversant largement les repères du mouvement social.
Sommaire
Les seuls indices actuels, pour une grève annoncée deux mois avant, restent les appels des syndicats, démontrant à la fois le travail fait par les délégués et représentants du personnel, que la volonté de la base — syndiqué·e·s et non syndiqué·e·s — à s’impliquer dans une grève (générale) reconductible. Le 5 décembre s’annonce massivement suivi, bien sûr là où il y a des effectifs nombreux et des sections syndicales fortes, salarié·e·s bénéficiant de régimes particuliers et du public en tête, mais aussi certainement ailleurs, bien que cela puisse parfois se traduire par des arrêts de travail.
La mobilisation, pour s’étendre, pourrait passer par un bouleversement des pratiques, et l’énergie déployée depuis plus d’un an par les Gilets jaunes a pu prouver qu’un mouvement fort sur la question du travail et de la précarité pouvait se développer parmi des travailleur·euse·s qui n’ont pas forcément le cadre syndical ou la stabilité (CDI, fonctionnaires) généralement attendus. Surtout, il est impensable de ne compter que sur les cheminots ou les fonctionnaires, largement fragilisés ces dernières années, pour mener le combat.
Dernière précision : si la reconduction de la grève se décide évidemment en assemblée générale, les déclarations des syndicats sont un bon indicateur, d’autant qu’ils ne sont guère habitués à lancer de tels appels.
Et donc voici la liste, la plus exhaustive possible, des syndicats appelant à la grève reconductible, par secteurs, et les appels en région parisienne :
Les confédérations syndicales
L’union syndicale Solidaires appelle sans détour à la grève générale reconductible. La CGT est plus sibylline, déclarant dans un communiqué du comité confédéral national : « D’ici le 5 décembre, le CCN de la CGT appelle à poursuivre la construction de l’action par la tenue d’assemblées générales dans les entreprises, les services publics et les administrations, pour que les salarié·e·s et agent·e·s décident […] des modalités des actions, de la grève, de sa reconduction pour un mouvement qui s’inscrit dans la durée afin de gagner le progrès social. »
La CGT des services publics territoriaux ne mentionne pas la reconductible, mais a publié un préavis pour tous les jours du 5 décembre au 5 janvier afin de permettre aux fonctionnaires territoriaux de faire grève dans la durée.
Les cheminots
Chez les cheminots, ça bouillonne. Sud Rail, FO et l’UNSA ferroviaire se lancent à leur tour. La CGT, poussée par les sections locales finit par y appeler, au moment de ce droit de retrait national qui a bloqué une bonne partie des trains de la métropole. Ce droit de retrait était consécutif à un accident dramatique qui a failli coûter la vie à un de leurs collègues ainsi qu’à des passagers. « Fait divers » symptomatique d’un démantèlement savamment orchestré des services ferroviaires par les différents gouvernements depuis 20 ans. Et l’on ne l’attendait plus, la CFDT cheminots, un peu balourde, appelle à son tour, allant à l’encontre de sa confédération qui soutient la réforme.
Dans les Thalys, détenus par un consortium privé mixte (SNCF et son équivalent belge), les deux syndicats représentatifs (FO et Sud) appellent également à la grève reconductible.
Commerce
Fin octobre, c’est la fédération CGT commerce et services qui rejoint la grève reconductible à partir du 5. C’est par exemple le cas de la CGT Carrefour, qui appelle à bloquer l’économie, ou Hippopotamus qui s’inscrit dans cette volonté.
RATP
La RATP a été la première à dégainer dès septembre avec une énorme mobilisation très visible puisque la quasi-totalité du trafic était interrompue (à part ces satanées lignes automatiques). 5 syndicats, y compris celui des cadres (CGC), lancent l’appel à la grève reconductible. Selon toutes les infos qui remontent, la grève sera extrêmement massive.
Routiers et transports
FO transport appelle à la grève illimitée. La CGT transports (qui regroupe de nombreuses autres branches : transports urbains, collecte des déchets, transport aérien) appelle également à la grève illimitée.
Une intersyndicale (CGT, FO, Solidaires) regroupant l’ensemble des fédérations de transports (terrestres, maritimes et aériens) appelle à tenir des assemblées pour discuter de la reconduction de la grève.
Aérien
Un préavis a été déposé par une majorité de syndicats d’Air France ainsi qu’un appel à se joindre à la manifestation. Pas d’appel illimité pour l’instant.
Nettoyage
La CNT-Solidarité ouvrière, présente sur ce secteur, appelle à la grève générale à partir du 5. 24 travailleur·euse·s, dont 23 femmes de chambre, sont d’ailleurs en grève depuis plus de 4 mois à l’hôtel Ibis Batignolles (Paris).
Énergie
La puissante FNME CGT (mines et énergie), qui regroupe en particulier les travailleur·euse·s des centrales, dont nucléaire, appelle clairement à se positionner pour voter la reconductible en assemblée générale.
Chez EDF, trois syndicats (CGT, FO, Sud) appellent à la reconductible, menaçant de couper le courant à des bâtiments d’État.
La CGT des industries chimiques, dont dépendent les raffineries et dépôts de carburant, s’inscrit dans la grève reconductible. Près de Lyon, la raffinerie de Feyzin est en grève illimitée depuis bientôt deux mois.
Spectacle
La CGT Spectacle a déposé un préavis pour le 5 décembre.
Les Gilets jaunes
L’assemblée des assemblées des Gilets jaunes, réunie à Montpellier début novembre a formellement appelé tous les Gilets jaunes de France à rejoindre les mobilisations du 5 décembre.
Il faut un rassemblement du peuple français dans toutes ses composantes : paysans, retraités, jeunes, artistes, personnes en situation de handicap, petits artisans, ouvriers, chômeurs, précaires, travailleurs du public comme du privé…
Nous avons cette occasion à saisir, à partir du 5 décembre, date à laquelle des centaines de milliers de travailleurs seront en grève et en assemblées générales pour la reconduire jusqu’à la satisfaction de nos revendications.
Les étudiants
Si des mobilisations sont déjà à l’ordre du jour la situation s’est largement tendue depuis qu’un militant syndicaliste étudiant à Lyon s’est immolé par le feu devant le CROUS. À voir si la situation évoluera vers un mouvement plus large. En attendant, la mobilisation a bien pris lors des premières assemblées générales.
L’éducation
La mobilisation sera forcément très forte dans l’éducation. Tous les syndicats appellent. De très nombreuses écoles, collèges et lycées seront perturbés sur l’ensemble du territoire. Rien qu’à Paris, au moins 200 écoles élémentaires et maternelles seront fermées le 5 décembre, et le compteur tourne toujours. En de nombreux lieux, ça discute de la reconduction de la grève. En Île-de-France, de nombreuses assemblées vont avoir lieu avant et après la manifestation.
A lire aussi : Grève reconductible à partir du 5 votée par la totalité des personnels du collège Roger Martin du Gard à Épinay-sur-Seine
Au 29 novembre, les sources syndicales du 1er degré annoncent une moyenne de près de 80% de grévistes sur l’ensemble des écoles de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). Dans l’éducation nationale, la grève s’annonce historique.
Santé
Le syndicat national des professionnels infirmier appelle à rejoindre la grève, mais rien n’est dit pour l’instant sur l’aspect reconductible ou illimité de cette grève. Il faut dire que la plupart des services sont affectés par une grève continue depuis plusieurs mois. Grève peu visible du fait des mesures de réquisition appliquées aux personnels soignants. Le syndicat des internes en médecine appelle lui à une grève illimitée à partir du 10 décembre.
Travail social
Plusieurs appels à la grève illimitée circulent. Une AG se tiendra en région parisienne le 4 décembre.
Fonction publique
Solidaires appelle, en particulier dans la fonction publique territoriale, à la grève reconductible et a déposé des préavis pour l’ensemble du mois de décembre, tout comme la CGT Fonction Publique.
L’intersyndicale Solidaires, FO, CGT des Finances publiques propose également aux AG de discuter de la reconduction.
Banques
L’ensemble des sections et fédérations Solidaires dans le secteur bancaire appellent à reconduire la grève. À la BPCE, c’est une intersyndicale CGT, FO et Sud qui pousse sur ce chemin.
En région parisienne :
L’intersyndicale 93 a signé un communiqué commun appelant à la grève reconductible. L’intersyndicale interprofessionnelle d’Île-de-France ne s’est pas positionnée et attend le 6 décembre « pour faire le point ».
L’union régionale Île-de-France de la CGT, elle, appelle à « organiser des assemblées générales pour décider des suites, de la reconduction dès le 6 décembre ! ».
Des assemblées générales interprofessionnels se tiennent dans plusieurs départements franciliens (91, 92, 93...)
L’intersyndicale francilienne soutien "toutes les grèves" et se réunira le soir du 5 pour faire le point sur les reconductions.
Certains établissements scolaires ont déjà tenu des AG et voté le début de la grève reconductible :
Les flics
Ils seront là, et même en manif, pour nous taper dessus. On peut toujours compter sur eux.
Quelle grève ?
Grève générale ? Reconductible ? Illimitée ? Les qualificatifs ne sont pas encore posés. Et pourtant tout le monde commence à en parler, et plus rare, ce sont des fédérations syndicales plus habituées à prendre des pincettes à ce sujet qui l’annoncent. Et plus rare encore, ce sont des organisations plutôt réformistes qui lancent le coup d’envoi.