Soutien à un-e camarade intersexe antifasciste

Témoignage intersexe, à l’occasion de l’appel au rassemblement vendredi 5 juillet 12h devant le tribunal d’Angers (49) en soutien à un.e camarade intersexe antifasciste

Rassemblement vendredi 5 juillet 12h devant le tribunal d’Angers (49) en soutien à un.e camarade intersexe antifasciste !

Contexte du rassemblement

Suite aux évènements à Angers et au saccage du Bazar, nouveau QG des fascistes locaux (l’ex-Alvarium) par des manifestant-es, nous relayons ici le témoignage du parcours inter d’un-e des militant-es antifasciste et intersexe, qui est poursuivi dans cette affaire.

Jeudi matin, deux jours après les faits, notre camarade antifasciste a été perquisitionné à son domicile puis, à la suite de deux jours de garde à vue, iel a été incarcéré à la maison d’arrêt d’Angers. Trois jours après, iel a été libéré-e suite à son refus d’accepter la comparution immédiate et à sa demande de délai en vue de préparer sa défense.
Nous rappelons que l’antifascisme est l’affaire de toustes et que les violences physiques, racistes et lgbtiphobes sont les vertèbres des mouvements d’ultradroite et néonazis. Nous ne comptons plus les exemples d’agressions physiques, de provocations racistes et homophobes de la part des militants fascistes à Angers et ailleurs. Les raisons qui poussent les militant-es à s’engager dans des luttes antifascistes sont multiples, relèvent à la fois d’expériences intimes et collectives. Nous dénonçons ici le deux poids deux mesures de la justice quand il s’agit d’incarcérer des militant-es pour des dégradations supposées, alors que les nervis qui s’attaquent à l’intégrité physique des minorités sont rarement inquiétés.

Nous vous proposons donc de nous rassembler le 5 juillet à 12h devant le tribunal d’Angers pour soutenir notre ami-e militant-e antifasciste.

Témoignage intersexe

(TW : Mutilations génitales, viol, tortures)

Je m’appelle Max, j’habite à Angers et je suis un-e militant-e antifasciste et intersexe, je suis née au début des années 90 en région parisienne. Après ma naissance, ma variation génitale (hypospadias [1]) a été opérée dès mes 18 mois. C’était censé être une intervention de routine pour « corriger » un problème de canal urinaire. Cette chirurgie n’a tenu que 1 ou 2 ans, et c’est le premier souvenir d’enfance que ces points de suture qui éclatent quand je vais aux toilettes de l’école maternelle. J’ai ensuite subi quatre « rattrapages » de cette chirurgie ratée avec différents chirurgiens de l’APHP, avec d’autres complications jusqu’à mes 7 ans.
Vers 11 ans, j’ai subi une ectopie du testicule gauche, c’est-à-dire la descente par chirurgie d’un testicule dit « ascenceur », fait en réalité pour empêcher le développement à la puberté de caractéristiques sexuelles secondaires jugées plus féminines. 1 an plus tard, c’est un de mes anciens chirurgiens à Necker, qui m’a réouvert le bas-ventre pour soi disant refaire la cicatrice qui gonflait. Je n’ai jamais reçu mes dossiers médicaux complets de la majorité de mes interventions. L’institution, sachant qu’elle est condamnable par les instances du droit international, se protège en nous faisant passer pour une minorité « bruyante » (alors que nous sommes majoritairement invisibles et traumatisées). J’ai découvert bien plus tard que ma variation génitale était bien plus une invagination du pénis (ou un dicklit [2]) qu’un simple déplacement du conduit urinaire. Ma petite enfance a donc été traversée par une suite de méatoplasties [3] expérimentales, avec des traitements hormonaux pour faire advenir un sexe « conforme » aux attentes de la société patriarcale. La découverte d’histoires d’inters ayant échappé-es à ces opérations non-consenties ou étant né-es avant ces protocoles a été précieuse, nous avons toujours été seul-es et sans représentation positives des nôtres, avec l’idée qu’il ne fallait pas se plaindre car nous étions « guéris ». En réalité nos corps étaient sains, il n’y avait et il n’y a toujours aucune urgence vitale pour justifier ces interventions.

L’accès au savoir et à la communauté est une nécessité vitale pour toutes les minorités. Mon parcours vers un semblant d’autodétermination a été chaotique, je n’ai jamais vraiment compris mon inadéquation au monde, d’où venait mes syndrômes post-traumatiques, ni les pensées envahissantes qui ont jalonné mon enfance et mon adolescence. On nous a beaucoup menti et relayé les mensonges du milieu médical. Il a fallu que je fréquente des milieux autonomes féministes et transféministes et que je croise des personnes pleines de courage et de dignité qui m’ont enfin permis de me reconnaître en tant que victime, et non pas en tant qu’enfant malade, frappé par le destin, celleux que la société plaint facilement pour se donner bonne conscience, sans remise en question concrète de comment se reproduit le patriarcat, le racisme, l’homophobie et le validisme. Il n’y a rien de pire que d’être soumis à un diagnostic qui d’un coup détruit tous vos droits fondamentaux. Au nom d’un soin qui n’en est pas un, on se permet tout sur nos corps. Ces mutilations sont pour les urologues en chirurgie pédiatrique une occasion de parfaire leur technique, d’acquérir du prestige en s’entraînant sur des cobayes que personne ne va plaindre. Iels oeuvrent à la normalisation des corps, à rendre la biologie tristement hétéresoexuelle, à maintenir l’illusion d’une binarité des sexes strictement hermétique. Je mise aujourd’hui sur un changement de paradigme, il faut témoigner contre celleux qui nous ont usurpé notre consentement, notre autodétermination, notre intégrité physique et tout ce qui en découle c’est-à-dire notre stabilité mentale, nos situation sociales et nos vies affectives.

J’en profite pour envoyer de la tendresse à toustes les militant-es qui luttent contre les oppression et travaillent à construire des réseaux de solidarité. J’envoie aussi beaucoup d’amour aux inters qui me sont si précieuxses dans ce monde hostile. Personne n’a l’obligation d’être outé ni de s’infliger de la visibilité, prenez soin de ce que vous pouvez mais il faut garder en tête que notre silence ne nous a jamais protégé.

STOP MUTILATIONS INTERSEXES
NI OUBLI, NI PARDON

texte repris de Angers Luttes Infos

Notes

[1« fente en dessous » en grec, diagnostic utilisé par la médecine pour pathologiser les personnes intersexes qui sont généralement assignés garçon, il existe plus de 40 diagnostics médicaux qui désignent des variations intersexes

[2pénoclitoris ou simplement gros clitoris, une partie des mutilations des personnes intersexuées étant liées à l’attente sociale d’avoir un pénis et/ou un clitoris de forme « acceptable »

[3acte chirurgical qui vise à construire un canal urinaire, certains hommes trans souhaitent avoir recours à cette chirurgie après plusieurs années d’hormonothérapie (ici on parle de mutilations sur des enfants, de normalisations non consenties)

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