Se préparer à des arrestations ou perquisitions « préventives »

Les interdictions administratives de manifester ayant été censurées dans la loi « anticasseurs », les parquets ont-ils d’autres moyens de serrer des gens de manière préventive, par exemple avant le 1er mai ? Sans aucun doute ! Quelques trucs à savoir pour s’y préparer…

En ce moment la pression est maximum pour casser les mouvements sociaux en allant chercher des camarades chez elleux, pour des perquisitions ou des gardes à vue destinées avant tout à les intimider ou les empêcher d’aller manifester.

Les conseils qui suivent peuvent être trop théoriques, on s’en excuse d’avance, le régime des perquisitions a changé à plusieurs reprises depuis l’état d’urgence et la loi antiterro du 30 octobre 2017 qui l’a remplacé.

Pour les perquisitions administratives, sous réserve de ce qu’on a été en mesure de vérifier, ça a légèrement changé après l’état d’urgence. Avant, le préfet pouvait à son aise perquisitionner à tout-va, de jour comme de nuit, sans en référer au judiciaire. La loi de 2017 qui a transposé une partie de cet arsenal donne le même pouvoir au préfet sauf qu’il devra obtenir le feu vert d’un juge de la détention (JLD) après avis du procureur (parquet). Coquetterie, ces perquises sont désormais rebaptisées « visites domiciliaires »… La bonne blague ! Il faut aussi que cela soit motivé « aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public ».

Si l’on s’en tient à l’ordre judiciaire, les droits des personnes perquisitionné·e·s à leur domicile dépendent de trois régimes différents : l’enquête préliminaire, de flagrance ou sous l’autorité d’un juge d’instruction (information judiciaire).

La question qu’on peut se poser avant le 1er mai : les interdictions administratives de manifester ayant été censurées dans la loi « anticasseurs », les parquets ont-ils d’autres moyens de serrer des gens de manière préventive ? Oui votre honneur !

Avant de rentrer dans les détails des 3 régimes, disons que seuls les deux derniers (flagrance et instruction) pourraient servir à couvrir des opérations ciblées vers des personnes déjà repérées par les agents du renseignement, sans qu’aucun délit n’ait été constaté. Récemment, un groupe de personnes a été intercepté dans la rue, à Nantes, avec pour seul projet de faire ensemble des banderoles. La qualification de « groupement en vue de... » permet beaucoup de choses, et notamment de serrer des individus en groupe, avant tout délit ou tout acte « préparatoire », pour ce seul motif.

L’enquête de flagrance est plus « facile » à mettre en branle qu’une instruction. En sachant que des instructions peuvent avoir été ouvertes il y a longtemps, et être utilisées aujourd’hui pour aller cibler d’autres « suspects ». Il serait donc conseillé à certain·e·s d’aller faire un tour hors de leur domicile avant des échéances prochaines. Cependant, si ça peut mettre à l’abri de l’arrestation un moment, cela ne protégera pas de la perquisition de son domicile, comme il va en être question plus bas. Alors, emportez aussi quelques affaires intimes avant de mettre les voiles.

Trois régimes d’enquête judiciaire : quels droits en perquisition ?

Préliminaire :

  • On peut refuser de s’y prêter ; l’accord doit être donné par écrit.
  • Les flics s’en iront si on ne leur ouvre pas la porte ; si on leur ouvre la porte, a priori ils nous demanderont de signer une « autorisation de perquisitionner » que vous pouvez donc éconduire…
  • Avant de les laisser entrer, vous êtes donc en droit de savoir sous quel régime ils interviennent ; si « enquête préliminaire », vous pouvez ne pas ouvrir.
  • Exception (normal, il y en a), pour les infractions punies de plus de 5 ans de prison : le JLD peut autoriser une perquisition sans l’accord de l’occupant, sans sa présence, mais en désignant deux témoins (cf. plus loin).

Flagrance :

  • On ne peut pas la refuser ; flics et OPJ (officiers de police judiciaire) peuvent défoncer la porte si personne n’ouvre…
  • Si l’OPJ ne peut pas joindre l’occupant (ou ne veut pas...), il doit choisir deux témoins, voisins ou passants (mais ni flic ni gendarme...) ; ces « témoins » doivent accepter, sinon c’est 150 € d’amende !
  • Si l’occupant est joignable, il peut désigner un représentant.
  • À noter que le délai légal pour cette enquête est de 8 jours après son déclenchement.

Instruction :

  • On ne peut pas s’y opposer ; les OPJ peuvent donc encore défoncer la porte sans sommations ;
  • Cas rare, les flics peuvent avoir un double des clés (après avoir soudoyé ou mis la pression sur un intermédiaire…) ;
  • Les flics doivent vous montrer (mais parfois ils oublient bien sûr) la « commission rogatoire » du juge d’instruction qui ordonne la perquise (ou tout autre acte délivré par lui seul et justifiant les opérations) ;
  • Si l’occupant est déjà mis en examen : il doit être présent ou désigner un représentant. Sinon, l’OPJ doit trouver ses 2 témoins.
  • Si l’occupant n’est pas mis en examen, il peut être présent ; sinon, l’OPJ doit désigner 2 membres majeurs de la famille présents sur place ; en dernier recours, retour à la case « 2 témoins neutres ».

Dans ces 3 cas, les horaires légaux sont de 6h à 21h. Et n’importe quand (même de nuit) pour des enquêtes sur des « crimes graves ».

Présence d’un·e avocat·e ?
Non, les perquisitions contraintes ne donnent pas à la personne le droit à l’assistance d’un·e avocat·e. Même si on est placé·e en garde à vue au début ou au cours des opérations, toujours pas possible d’avoir son avocat·e sur place…
En revanche, rien ne vous empêche de l’appeler. Les OPJ ou le juge (qui parfois assiste à la perquise) peuvent ne pas s’opposer à la présence d’un·e avocat·e s’il se rend sur les lieux. Ça peut faire tache dans la procédure en cas de refus qu’il ou elle assiste à l’opération.

Une fois les flics dans la place ?
C’est open bar. La perquisition ne vise pas une personne en particulier, mais le lieu en tant que tel, c’est-à-dire que tout ce qui s’y trouve peut-être « saisi » et mis « sous scellés » (pochettes plastiques numérotées qui ne seront ouvertes par les magistrats que dans certaines conditions).
Que vous soyez donc coloc, ami·e·s de passage ou que vous ayez juste laissé des affaires dans le lieu, vos biens et effets peuvent être embarqués sans aucun pouvoir de s’y opposer.
Il va de soi que tout ce qui est numérique les attire comme des aimants. Ordi et téléphone, mais aussi clés USB, cartes mémoires, appareils audio ou vidéo. D’où l’intérêt de chiffrer ses petits outils personnels.
Si l’occupant·e visé·e par la procédure n’est pas là, toutes les personnes présentes peuvent se retrouver « témoins » sans le savoir ; les OPJ prennent leur identité et décident d’en faire ce qu’ils veulent sans avoir à les en informer.
Pendant les fouilles et les saisies, le rôle des témoins est primordial. Dommage si votre voisin·e de palier qui vous déteste a été réquisitionné·e… Sinon, mieux vaut suivre à la trace les flics dans chaque pièce histoire d’éviter la falsification de preuves…

Droit de garder le silence
Que l’on soit occupant·e « visé·e », occupant·e de passage ou simple témoin, ne répondre à aucune question. Tout ce qui est dit peut être consigné dans le PV de perquisition, sans que vous le sachiez bien entendu ! Quel que soit votre statut, le droit à ne pas s’auto-incriminer s’applique toujours face à la PJ ou à un juge — même si c’est juste pour dire si vous habitez là ou pas. À vous de juger de l’intérêt de la réponse en fonction de la situation. Face aux flics vous avez juste à décliner une identité.

Fin de perquise : scellés et PV
Les occupant·e·s seront amené·e·s à « vérifier » les scellés qui sont embarqués ; c’est du bidon, on vous montre des sachets numérotés un par un sans pouvoir rien dire ni rien faire ; vous pouvez ne pas vous prêter à ce jeu stupide en expédiant l’affaire.
Pareil pour le PV de fin de perquisition, qu’on va vous demander de signer (témoins ou suspect·e) : mieux vaut refuser, cela ne vous empêchera pas de porter plainte ensuite pour demander la nullité.

Récupérer son matos après la bataille
Dès la fin de la perquisition, chacun·e a le droit de faire une « demande de restitution d’un objet placé sous main de justice ». Il y a un formulaire Cerfa prévu à cet effet (13488*02, ça se trouve facile sur le net). À envoyer en recommandé au procureur compétent ou au juge responsable de l’affaire — pendant la perquise, vous pouvez demander aux flics cette information, s’ils sont bien lunés ils vous le diront. Accompagner le Cerfa d’un courrier pour décrire les circonstances (pas obligé). Si des nullités peuvent être levées selon vos constatations, voir avec un·e avocat·e si ça vaut la peine de le mentionner.
Le juge ou le proc ont alors 2 mois pour répondre à cette demande. En cas de refus (ce sera un refus !), vous pouvez attaquer cet acte devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel (pas besoin d’avocat·e). Après, si c’est encore refus, faut aller direct à la Cour de cassation (là il faut un·e avocat·e habilité, et ça peut coûter bonbon !).
L’autorité judiciaire est tout à fait en droit de ne rien restituer avant la clôture totale de l’affaire — c’est-à-dire après l’appel et la cassation.
Mais après un premier refus de restitution, vous pouvez en refaire une quand vous voulez. Avec un peu d’insistance, ça peut passer. Et surtout, tout matos informatique ne sera rendu qu’après avoir été copié et archivé !

Si des choses vous semblent incorrectes ou pas assez précises, écrivez au mail de la Coordination contre la répression (stoprepression(at)riseup.net), on en aura besoin pour mettre ce document à jour.

Note

Sources :

À lire également...