Répression d’une grève chez RTE : un électricien se suicide

Il s’appelait Mathieu Poli, il avait 29 ans, la vie devant lui. Il travaillait à Saumur pour l’entreprise RTE – le Réseau de transport d’électricité qui gère les lignes et l’acheminement d’électricité haute tension. Article paru sur Contre-attaque

Mathieu avait participé, comme beaucoup d’autres salariés de RTE, à une mobilisation en juin dernier pour réclamer une augmentation de salaire. L’entreprise a fait des profits records, avec un résultat net de 661 millions d’euros en 2021, en hausse de 27% par rapport à l’année précédente. Les grévistes réclamaient juste un partage de ces bénéfices.

Dans le cadre du mouvement, des coupures de courant ont eu lieu. Une pratique classique dans le cadre des luttes menées dans le secteur de l’énergie. Pourtant, cette fois-ci, la répression a pris des proportions délirantes.

Le 4 octobre, après plusieurs mois d’enquête, les services antiterroristes débarquent chez 4 agents dans le Nord. Ces syndicalistes âgés de 31 à 35 ans, sont menottés devant leur famille, qualifiés de « cybercriminels en bande organisée » et emmenés directement dans les locaux de la DGSI à Levallois-Perret. Jetés dans les geôles antiterroristes pendant 3 jours. Le 7 octobre, ils ressortent sous contrôle judiciaire et sont convoqués en procès le 28 février 2023. Ils ont également été mis à pied à titre conservatoire, au début de septembre, par la direction de l’entreprise.

Mathieu n’était pas parmi les arrêtés. Par contre, il avait subi un interrogatoire au commissariat d’Angers dans le cadre de cette enquête, un peu plus tôt. Le 7 septembre, la police l’avait auditionné concernant la grève et les coupures de courant. Un épisode qui l’avait beaucoup marqué, puisque l’agent a arrêté le travail pendant un mois. Il n’avait repris son poste que la semaine passée. Il s’est donné la mort peu après.

La CGT Énergie écrit : « Comme d’autres collègues convoqués, Mathieu avait très mal vécu cette période de mépris, d’humiliation puis de répression en tout genre. » Mis sous pression par une répression anti-syndicale inédite, probablement effrayé par l’opération anti-terroriste menée contre ses collègues, le jeune travailleur a mis fin à ses jours.

Le syndicat décrit « un agent investi dans son travail par sa rigueur et son professionnalisme. Apprécié dans son équipe ainsi que par les autres équipes du GMR, il était à l’écoute, juste, droit, perfectionniste, concis et reconnaissable à son sourire discret » qui « avait participé aux trois mois de grève pour gagner une revalorisation de 5% des salaires ».

Derrière le décès de Mathieu Poli, le problème de la souffrance au travail, du mépris patronal, de la répression. Mais surtout la dépossessions totale de tous les moyens de lutte. Des raffineurs font grève ? Ils sont réquisitionnés. Une manifestation dans la rue ? Des salves de grenades. Une mesure impopulaire ? 49-3 sans débat. Des électriciens en lutte coupent le courant ? On leur envoie la police anti-terroriste et la justice ordonne des vagues d’interrogatoires.

Il ne sera bientôt plus possible de bouger, dans la rue comme au travail, sans être écrasés. Sauf si le sursaut est collectif, pour que la justice soit enfin rendue, pour Mathieu Poli et pour tous les autres.

Article publié initialement sur Contre-attaque

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