Quand la Brigade des réseaux ferrés incitait ses agents à pratiquer des contrôles d’identité au faciès

Des procès-verbaux pré-remplis contre certaines populations, des ordres de « ramassage » des mineurs dans les transports gardés dans un entrepôt de la police… Mediapart a révélé des pratiques racistes de la Brigade des réseaux ferrés (BRF) francilienne.

Le site a notamment publié il y a quelques semaines un procès-verbal manifestement illégal à entête de la BRF, un des services composant la sous-direction régionale de la police des transports.

Ce procès-verbal pré-rempli dont l’objet est la « mise à disposition d’un individu présumé mineur originaire d’Europe centrale » était utilisé par les agents en tenue de la BRF.

Concrètement, il s’agissait pour les agents de la BRF de contrôler systématiquement l’identité de « tout individu laissant supposer qu’il s’apprête à commettre des vols », motif de contrôle d’identité jusqu’ici parfaitement légal [1], sauf que le procès-verbal qui leur était remis à cette fin visait uniquement les individus « présumés mineurs originaires d’Europe centrale ». Viser une population spécifique désignée comme intrinsèquement délinquante est encore radicalement proscrit.

Ainsi, les agents devaient constater « la présence d’un individu ayant l’apparence d’un mineur »« originaire d’Europe centrale » et n’avaient qu’à cocher le motif du contrôle d’identité :

  • « regardant avec insistance les sacs et poches des usagers en s’assurant qu’il n’y a aucune présence policière, laissant penser qu’il se préparer à commettre un délit
  • se livrant à la mendicité, comportement réprimé par l’article (…),
  • dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par l’article (…) »

Si au cours du contrôle le mineur ne justifiait pas son identité, il était conduit jusqu’à un officier de police judiciaire qui pouvait le retenir 4 heures le temps de la vérification.

Dans un communiqué commun avec le Syndicat de la Magistrature en juillet 2013, la CGT Police expliquait que les agents de la BRF avaient pour consigne d’effectuer des opérations systématiques de « ramassage » des mineurs étrangers isolés dans le métro et les gares parisiennes qu’ils ramenaient ensuite à Évangile, le département judiciaire de la BRF, dans le 18e arrondissement.

Opération d’affichage sur le compte de mineurs isolés, et ce en dépit de la protection légale des mineurs en France qui exige que lorsque l’un d’eux est impliqué dans une procédure, le procureur de la République soit informé dès le début de la rétention pour vérification d’identité et que le mineur soit assisté, « sauf impossibilité », de son représentant légal.

Or la pratique mise en place par les officiers de police aurait surtout consisté à se contenter de faxer au Parquet les rapports de mise à disposition des mineurs retenus, sans qu’aucun contrôle réel ne soit exercé par les parquetiers « qui ne voulaient plus entendre parler de ces procédures bidons » (O. Peyroux, sociologue cité dans l’article de Mediapart).

Le directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne aurait été alerté dès le mois de mai 2013 de l’existence de ces « ramassages » auxquels il n’aurait pas jugé utile de mettre en terme, arguant de pressions politiques des maires d’arrondissements de la capitale.

Ce n’est qu’après que deux parlementaires ont posé la question au ministre de l’intérieur, début juillet 2013, que le procès-verbal type aurait été retiré de la circulation. Mais les « ramassages » auraient néanmoins repris fin 2013.

Dans une lettre du 17 janvier 2014, le procureur de la République adjoint de Paris s’est contenté de répondre que « le modèle de rapport contesté n’est plus actuellement utilisé par les fonctionnaires de police ». Pour autant, début 2014, le ministère de l’intérieur justifiait encore les contrôles au faciès par la « recrudescence du phénomène des vols à la tire » et visait à l’aide de statistiques les populations d’Europe de l’Est.

Source À Paris, un PV pré-rempli pour arrêter les mineurs « d’Europe centrale », Louise Fessard – Mediapart 19 avril 2014

Notes

[1Cf les dispositions du code de procédure pénale relatives aux contrôles d’identité http://legifrance.gouv.fr/affichCod...

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